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Rev. Fr. Geotech.
Numéro 172, 2022
Jeunes Chercheurs
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Numéro d'article | 3 | |
Nombre de pages | 16 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/geotech/2022006 | |
Publié en ligne | 5 septembre 2022 |
Article d’ingénierie / Engineering Article
Application des méthodes géophysiques pour le diagnostic de l’aléa cavités sur des ouvrages de grands linéaires, en contexte ferroviaire et hydraulique
Application of geophysical methods for the diagnosis of hazard cavities on long linear structures in railway and hydraulic context
1
EDF-DI-TEGG, 905, avenue du Camp de Menthe Cedex 02, 13097 Aix-en-Provence, France
2
EDF-DTG, 134, rue de l’Étang, 38950 Saint-Martin-le-Vinoux, France
3
SNCF Réseau, Direction générale industrielle et ingénierie (DGII), Département voie et abords, Division ouvrages en terre et hydrauliques, 6, avenue François Mitterrand, 93574 La Plaine Saint-Denis cedex, France
* Auteur de correspondance : christophe.vergniault@edf.fr
Cet article traduit la volonté de deux maîtres d’ouvrages (ayant une compétence interne d’ingénierie conseils en géophysique), que sont SNCF Réseau et EDF, de mettre en commun leurs retours d’expériences pour améliorer la gestion des risques liés à l’aléa cavités souterraines sur des ouvrages de grands linéaires, en contexte ferroviaire ou hydraulique. Cette coopération a permis de valider plusieurs méthodes de diagnostic, par reconnaissance et auscultation, afin de détecter des cavités souterraines et de suivre leur évolution : dans deux contextes géologiques distincts (craie et marnes à gypse), les méthodes sismiques actives et passives basées sur les ondes de surface ont confirmé leurs performances théoriques, aussi bien pour des reconnaissances que de la surveillance en continu : (1) dans un contexte de cavités anthropiques dans la craie et hors nappe, les exemples présentés valident l’intérêt de certaines méthodes industrielles de reconnaissance (DCOS®, ParSeis®) et laissent espérer une industrialisation prochaine de plusieurs autres (SI active et passive), (2) dans le contexte de dissolution de gypse, ces mêmes méthodes utilisant le signal généré par les circulations ferroviaires se sont avérées très pertinentes pour assurer une surveillance en continu, via un monitoring 4D, du sol support de la plateforme ferroviaire. Le résultat de ce développement permettra de s’inscrire dans une démarche de maintenance prédictive vis-à-vis du risque fontis ; dans le contexte de dissolution de gypse, la mesure de déformation par fibre optique en place dans un remblai a démontré sa pertinence pour capter l’amorce de remontée d’un fontis, avant même l’apparition d’indice en surface. Enfin, il faut noter que les méthodes de reconnaissance et d’auscultation, présentées dans les deux premiers cas d’étude, pourraient favorablement être réalisées en utilisant une fibre optique comme celle exploitée dans le troisième cas d’étude, mais il faudrait un interrogateur optique différent de type DAS. Ceci est une perspective à laquelle s’intéressent les deux maîtres d’ouvrages.
Abstract
This article reflects the desire of two project owners with in-house expertise in geophysical engineering, SNCF and EDF, to pool their feedback to improve the management of the underground cavities hazard on long linear structures, in a railway or hydraulic context. This cooperation made it possible to validate several diagnostic methods for detecting underground cavities and monitoring their evolution:in two separate geological contexts, active and passive seismic methods based on surface waves have validated their theoretical performance, with the aim of detecting underground cavities in the first 20 meters of the subsoil, while limiting false alert. The examples presented validate the interest of certain industrial methods (DCOS®, ParSeis®) and give hope for the imminent industrialization of several others (active and passive SI); in the context of dissolving gypsum, these same seismic methods, using the signal generated by rail traffic, have proven to be very relevant for ensuring continuous monitoring via 4D monitoring of the supporting soil of the railway platform. The result of this development resulting from a partnership between SNCF Réseau and SERCEL will make it possible to participate in a predictive maintenance approach with regard to the sinkhole risk; in two distinct geological contexts, to ensure the operational monitoring of hydroelectric channels in the face of risks associated with the cavity hazard, EDF has chosen an innovative solution, which is the measurement of deformation by optical fiber in place in an embankment. This method has demonstrated its relevance for capturing the onset of an ascent of a sinkhole, even before the appearance of a surface index. All the recognition and auscultation methods presented could favorably be carried out using an optical fiber as a sensor (seismic and deformation).
Mots clés : reconnaissances géophysiques / auscultation / aléa cavités souterraines / rétrodiffusion des ondes de surface / mesure de déformation par fibre optique
Key words: geophysical survey / monitoring / underground cavity hazard / backscattering of surface waves / fiber optic deformation measurement
© CFMS-CFGI-CFMR-CFG, 2022
1 Introduction
EDF et SNCF Réseau sont des maîtres d’ouvrages ferroviaires, certes avec des dimensions de réseaux bien différentes (et des enjeux principalement limités au fret pour EDF). Ils ont néanmoins tous deux la mission d’assurer la sécurité des circulations ferroviaires et sont donc concernés par la réduction de la vulnérabilité de leurs ouvrages au risque d’affaissement ou d’effondrement. Ce risque se traduit potentiellement par la remontée d’un fontis en surface dont l’origine est liée à la présence de cavités souterraines non accessibles. En effet, divers contextes géologiques présentent, ce que l’on nomme de façon concise, un aléa cavités (probabilité plus ou moins forte d’existence d’une ou de plusieurs cavités). L’origine de ces cavités est diverse :
anthropique, comme sur les plateaux crayeux de Normandie (anciennes carrières souterraines dites « marnières ») ;
naturelle, en lien avec des formations contenant des lentilles d’évaporites sensibles à la dissolution (INERIS, 2018) ou des formations karstifiées calcaires ou gypseuses.
À titre d’illustration, SNCF Réseau a été confronté historiquement à l’aléa cavités en lien avec des vestiges de guerre des conflits mondiaux du XXe siècle (sape de guerre, tranchée, cratère d’impact…). La conséquence la plus grave fut le déraillement d’un TGV en décembre 1993.
En plus des ouvrages ferroviaires, EDF, comme exploitant hydraulique, gère également des structures de grands linéaires sujets à l’aléa cavités. Même si ces ouvrages hydrauliques présentent fréquemment plus de diversités constructives (en matériaux homogènes ou non, cohésifs ou non), géométriques (pentes des parements plus ou moins fortes, hauteurs très variables, etc.) et également des conditions aux limites différentes (avec la présence d’une retenue, voire d’un masque), les moyens de diagnostics de l’aléa cavités sont globalement comparables à ceux des remblais ferroviaires.
Le présent article traduit donc la volonté des deux maîtres d’ouvrages EDF et SNCF de partager leur retour d’expériences sur le diagnostic (en lien avec l’aléa cavité) d’infrastructures de grands linéaires en contexte ferroviaire ou hydraulique.
De nombreux travaux traitant de la détection des cavités par méthodes géophysiques ont été publiés depuis plusieurs décennies (CFGI, 1977 : LCPC, 2004). Mais tous ces travaux traitent plutôt d’ouvrages d’une taille relativement limitée. Or, l’optimisation des diagnostics d’infrastructures de long linéaire tels que les ouvrages en terre ferroviaires ou bien les ouvrages hydrauliques, soumis à un aléa cavités fort, représente un enjeu majeur tant d’un point de vue de la sécurité que d’un point de vue économique. La fiabilité des méthodes non destructives (en général liées à la géophysique de surface) participant à ce type de diagnostic est également un sujet majeur puisque le contrôle par sondage destructif est forcément limité par rapport au linéaire à caractériser. Pour plus de précision sur la technique des sondages (investigations géotechniques) spécifiquement pour la détection de cavités, le lecteur peut se référer au guide 2021 du CEREMA sur les méthodes de reconnaissances des cavités.
Il est également important de préciser que le diagnostic géophysique en question peut être issu d’une campagne de reconnaissances spécifiques (donc limitée dans le temps) ou d’une surveillance sur plusieurs années (monitoring).
Les verrous identifiés et discutés dans cet article concernent la fiabilité du lien entre anomalie géophysique ou absence d’anomalie et existence d’une cavité. Ils concernent aussi les capacités d’industrialisation des derniers outils géophysiques de surface qui ont fortement évolué au cours des 20 dernières années. Le cadre d’étude ciblé est la détection d’une cavité potentiellement préjudiciable aux ouvrages de génie-civil sus-jacent. L’objectif est donc de s’intéresser plus particulièrement à la détection de cavités superficielles de taille métrique à pluri-métrique.
Afin de traiter le sujet préalablement exposé, un premier paragraphe est consacré à la compréhension des phénomènes d’érosion, moteur de l’évolution des cavités naturelles ou anthropiques. Dans ce même paragraphe, le lecteur trouvera la démarche conventionnelle du diagnostic d’une zone soumise à un aléa de cavités, cohérente avec la démarche décrite dans le nouveau guide méthodologique du CEREMA sur les reconnaissances des cavités (CEREMA, 2021).
L’article se poursuit ensuite par la présentation de la microgravimétrie, qui est classiquement utilisée pour ce type de diagnostic. Il fait ensuite un état des évolutions d’intérêt, identifiées dans la thèse de Filippi (2019) par exemple, principalement en lien avec les méthodes sismiques par ondes de surface (dans le but de mettre en évidence soit des anomalies d’amplitude ou des phénomènes de diffraction). Plusieurs de ces nouvelles méthodes sont uniquement décrites dans la littérature académique (BASW, SI, AARW, CO), mais ne sont pas industrialisées ou pour certaines doivent encore être éprouvées (méthodes DCOS®, BSA®, FO en déformation).
Afin d’évaluer les nouvelles méthodes de diagnostic précédemment citées, ainsi que la capacité des prestataires à les mettre en œuvre, l’article présente les résultats de trois campagnes. Ces dernières ont été menées dans deux contextes géologiques très différents (cavités anthropiques dans la craie et formation avec lentilles de gypse) et avec deux approches distinctes de diagnostic (par reconnaissance et par auscultation).
2 Généralités sur l’aléa cavités souterraines et état des lieux sur le diagnostic associé
Il faut rappeler que plusieurs mécanismes entrent en œuvre dans l’évolution d’une cavité souterraine, en fonction de la nature de l’ensemble des terrains qui la recouvrent et de l’hydrogéologie de la zone. Il existe un premier mécanisme d’affaissement d’une couverture « plastique » en lien avec l’altération d’une cavité sous-jacente. La cinétique lente de ce mécanisme permet d’envisager un suivi de son évolution par auscultation (INERIS, 2016). L’effondrement du toit de la cavité est un autre mécanisme avec dans ce cas une cinétique rapide. L’altération du toit ou des piliers (dans le cadre d’une cavité anthropique) est à l’origine de cet effondrement brutal. Les mécanismes hydrogéologiques sont prépondérants dans l’apparition de fontis que ce soit par altération de la cavité, dans le cas où cette dernière est située en zone de battage de nappe, par évolution d’un karst actif sous l’effet de la circulation de l’eau ou bien par dissolution de roches solubles telles que le gypse ou l’halite (BRGM, 2012 ; INERIS, 2018). Il est donc nécessaire de bien évaluer le contexte géologique, hydrogéologique et historique pour établir un diagnostic.
La démarche de gestion de l’aléa cavité décrite dans le guide 2021 du CEREMA est constituée des quatre étapes suivantes : identification des terrains sensibles (expertise géologique, recherche documentaires), délimitation des zones à risques, méthodologie de reconnaissance, gestion.
La première étape consiste à établir un recensement des cavités souterraines à partir des indices en surface (identifiés par tournée pédestre, photogrammétrie, lidar) et de différentes sources historiques (incidentologie, témoignages, déclarations de carrières souterraines, comparaison d’orthophotographies, etc.). Cette recherche d’indices permet de mieux caractériser le risque en lien avec le contexte géologique et hydrogéologique. Toutefois, ce recensement est difficilement exhaustif sur de grandes surfaces. De plus, le mécanisme d’effondrement en cours peut ne présenter que très peu, voire aucun, observable avant la survenue de l’évènement.
L’étape de détection de cavités souterraines non accessibles, sur le périmètre défini à partir des indices de surface précédemment cités, se traduit en général par des investigations géophysiques puis géotechniques :
soit en curatif pour faire un état des lieux du sous-sol suite à l’apparition de fontis et permettre d’optimiser le traitement de sol qui s’ensuit ;
soit en préventif pour sécuriser une zone et surveiller l’évolution d’une cavité connue (dans l’attente de travaux de confortement par exemple) sur les premiers mètres à dizaines de mètres.
Que ce soit en contexte curatif ou préventif, pour choisir la ou les méthodes géophysiques les plus pertinentes, il est indispensable de prendre en compte les indices de surface et de caractériser au mieux la profondeur où se situe l’aléa, la nature des terrains géologiques en place et le niveau de nappe. Il faut aussi noter qu’une démarche préventive, surtout sur de très longs linéaires, peut se révéler complexe à analyser. En effet, de nombreuses anomalies géophysiques peuvent être mises en évidence sans pour autant correspondre à une cavité (ce que l’on appelle des faux positifs). Par exemple, suite au déraillement du TGV en 1993, SNCF Réseau a lancé une campagne d’investigation par microgravimétrie couvrant un linéaire de 56 km et moins de 1 % des sondages destructifs de contrôle ont révélé des zones décomprimées ou des vides (Lagabrielle et al., 2003). Ce retour d’expériences est certes à nuancer, car, d’une part, les méthodes et les protocoles employés auraient nécessité une meilleure adaptation vis-à-vis de la profondeur où se situait l’aléa et au vu du linéaire concerné. D’autre part, il est important de considérer la difficulté d’intercepter une cavité avec un forage unique. En effet, suite à la détection d’un indice d’effondrement de surface, EDF a réalisé une grappe de 14 forages sur une surface très limitée de 50 m2. Seuls deux sondages ont détecté une cavité sur 1,5 m de haut et uniquement un a montré une signature marquée par la chute de l’outil de forage. Donc, malgré un volume de cavité conséquent, la tortuosité fait que la détection par un forage est incertaine. D’ailleurs, dans le guide 2021 du CEREMA, il est indiqué que « la distance entre sondages doit être inférieure à la plus petite largeur (présumée) de la cavité recherchée, sinon la probabilité de réaliser deux sondages sans toucher le vide est très élevée ». Enfin, depuis les campagnes des années 1990, SNCF Réseau a fait évoluer ses protocoles et constate qu’environ 50 à 90 % des anomalies géophysiques maintenant retenues sont désormais confirmées par des sondages destructifs. Certes ces chiffres sont discutables car les rapports d’études ne sont pas publics, mais, sachant que SNCF Réseau fait réaliser entre 20 et 30 campagnes géophysiques par an sur la problématique fontis, il est difficile de trouver des chiffres plus représentatifs dans le domaine académique.
Le croisement de ces retours d’expériences encourage les deux maîtrises d’ouvrage à développer des méthodes de reconnaissances plus adaptés à des infrastructures de grands linéaires. Cela dans le but de mieux discriminer les zones où l’aléa cavités présente un risque non acceptable pour la sécurité des circulations ferroviaires. Au vu des contraintes précédemment citées, il semble que l’emploi des méthodes géophysiques avec des protocoles adaptés à la problématique, soit le plus pertinent. Les zones ainsi ciblées devront ensuite être contrôlées par plusieurs sondages destructifs (grappe de sondages). Si la campagne de détection ne permet pas de bien caractériser l’aléa ou bien si la cinétique des phénomènes nécessite une surveillance du sous-sol en continu, alors les méthodes de monitoring géophysiques peuvent prendre le relais et elles seront donc également présentées.
3 Les méthodes de reconnaissance ou d’auscultation pour un diagnostic d’aléa cavités
Comme mentionné en introduction, l’utilisation des méthodes géophysiques pour la détection de cavités a largement été étudiée par le passé (CFGI, 1977 ; LCPC, 2004), en identifiant la microgravimétrie comme la méthode non invasive de référence pour des cavités métriques à moins de 10 m de profondeur.
Dès 1999, des travaux académiques ont montré que l’exploitation de la propagation des ondes de Rayleigh dans le sous-sol permettait d’identifier de possibles cavités (Leparoux et al., 1999). Un plot d’essai réalisé en 2002 par SNCF Réseau, sur la base de répliques de galeries militaires à faible profondeur (moins de 3,5 m), mettait en évidence la pertinence de ces méthodes sismiques (passives et actives), ainsi que du radar géologique, pour les faibles profondeurs (Nebieridze, 2009). La poursuite des travaux de SNCF Réseau sur les méthodes sismiques entre 2003 et 2010 a permis de montrer un taux de détection positive par sondage destructif assez élevé. Il varie de 60 % pour des méthodes passives dérivant de l’analyse des ondes de surface, avec une profondeur d’aléa inférieure à 25 m surface, à 70 % pour des méthodes dérivant de l’analyse des ondes de volume réfléchies, pour une profondeur d’aléa supérieure à 25 m (retour d’expérience interne).
Par ailleurs, des travaux relativement récents issus du domaine académique sont prometteurs, notamment pour ceux en lien avec les ondes de surface (Xia et al., 2006 ; Park, 2015 ; Sloan et al., 2015 ; Breithaupt 2016 ; Harmankaya et al., 2013 ; Filippi 2019). À ce stade, il est nécessaire de présenter des généralités sur l’ensemble des méthodes précédentes afin de mieux comprendre leur utilisation dans les cas d’étude qui suivront. Toutefois, le lecteur pourra également trouver de plus amples précisions sur les méthodes présentées dans cet article et d’autres, comme les méthodes géoélectriques non évaluées dans ces travaux, dans la revue de 2019 de la thèse de C. Filippi.
3.1 La microgravimétrie
La microgravimétrie est considérée comme la méthode historique de référence à faible profondeur, son principe est rappelé brièvement ci-après. Il consiste à étudier les variations de l’attraction terrestre (accélération de la pesanteur terrestre en µgal) en relation avec les variations de densité affectant les terrains superficiels (densité intégrée des 10 à 100 premiers mètres). Le résultat, après de nombreuses corrections (topographie, influence régionale, diurne…), est une carte des isopotentiels gravimétriques, traduisant les variations de densité affectant les terrains superficiels. Le potentiel ainsi représenté est nommé anomalie de Bouguer et il présente les variations de masse dans le sous-sol par rapport à un modèle théorique. L’anomalie sera positive si la gravité mesurée est supérieure à celle du modèle. À l’inverse, elle sera négative s’il y a un déficit en masse par rapport à ce même modèle. Une cavité se traduit ainsi par une anomalie négative de masse (perte de masse). Ce type d’anomalie négative est illustré dans la deuxième ligne du tableau 1. Il est précisé dans ce tableau qu’un vide de 2 m de diamètre à plus de 10 m de profondeur est difficilement identifiable, car la variation d’amplitude est similaire à l’incertitude sur la mesure.
Comparaison des méthodes géophysiques pour la détection de cavités issue de la littérature.
Comparison of geophysical methods for the detection of cavities based on the literature.
3.2 Les méthodes sismiques par ondes de surface (BSA, BASW, CO, SI, DCOS)
L’inférence des ondes de Rayleigh avec une cavité plus petite que la longueur d’onde du signal va se traduire par une diffusion revenant vers la source d’une partie des ondes. C’est le phénomène dit de « backscattering » qui se traduit sur un enregistrement sismique (sismogramme) dans le domaine temporel par une hyperbole (Breithaupt, 2016). Toutefois, certains travaux mettent en avant une plus grande complexité des phénomènes en proche surface qui peuvent masquer ces diffractions (Bitri et al., 2016). Afin d’illustrer ce phénomène, nous avons réalisé la simulation de propagation d’un champ d’ondes élastiques dans un modèle homogène 2D (Vp = 2100 m/s, Vs = 600 m/s) avec une cavité de 20 m de large entre 20 et 30 m de profondeur, à l’aide du logiciel Geogiga (© 2001–2022 Geogiga Technology Corp). Le module de simulation est basé sur la résolution de l’équation d’onde en domaine élastique par méthode des différences finies. Le résultat présenté dans la sixième ligne du tableau 1 illustre un sismogramme synthétique montrant clairement un chevron de diffraction sous le cône des ondes de surface. C’est donc ce chevron que les différentes méthodes de traitement vont chercher à mettre en évidence.
Plusieurs techniques sont décrites dans la littérature pour mettre en valeur ces hyperboles. La méthode BackScattering Analysis (BSA) est décrite dans le guide utilisateur de 2015 du logiciel ParkSeis, qui est librement disponible sur le net. La méthode est également décrite dans l’article de Park et al. (1998). Cette méthode se rapproche de celle présentée dans l’article de Sloan et al. (2015), alors nommée Backscatter Analysis of Surface Waves (BASW).
Dans la méthode BSA, il y a une mise en valeur de l’énergie retrodiffusée globalement par une compression et une mise à l’horizontal du cône des ondes de surface. Pour cela, les données sont traitées comme suit : -1- calcul d’une courbe de dispersion (courbe reliant la vitesse des ondes de surface à la fréquence) issue de l’analyse des ondes de surface (MASW) pour chaque tir ou par profil, -2- application d’une correction dynamique comparable à ce qui est fait dans une chaîne de traitement de sismique réflexion, mais en considérant un modèle de vitesse issu des courbes de dispersion. Cette opération est réalisée par un filtre nommé Frequency Variable-Linear Move Out (FV-LMO ou DLMO, Park et al., 1998 : Bitri et al., 2016). Au final, seules les arrivées rétrodiffusées restent inclinées.
Dans la méthode BASW, l’isolation des ondes rétrodiffusées se fait plus directement par un filtre en vitesse (f, k), qui permet de ne retenir que les trajets revenant vers la source (vitesse négative).
Passons maintenant à l’interférométrie sismique (SI). Cette méthode consiste à réaliser une intercorrélation (ou cross-corrélation) d’un signal enregistré au niveau d’un premier capteur, par un signal enregistré au niveau d’un deuxième capteur (Campillo et Paul, 2003 ; Campillo et al., 2011 ; Wapenaar et al., 2010a, 2010b). Cette corrélation permet de reconstruire une trace virtuelle de la propagation d’une onde qui aurait été émise au droit du premier capteur et reçue par le second (Harmankaya et al., 2013). L’intercorrélation permet de s’affranchir du parcours de l’onde entre la source réelle et la trace de référence. L’avantage de cette méthode est que, théoriquement, elle peut s’appliquer aussi bien sur des données actives, avec des sources dans l’axe du profil, ou passives, avec des sources uniformément réparties (bruit de fond sismique ou microtremor).
Quant à la méthode d’Attenuation Analysis of Rayleigh Waves (AARW), décrit par Leparoux et al. (2000) ou Moghaddam (2006), elle est basée sur l’observation d’un phénomène de partage de l’énergie des ondes de Rayleigh par interférence avec une cavité. Les ondes sont fortement atténuées dans la région après la cavité. Toutefois, les récepteurs au-dessus de la cavité recevront un supplément d’énergie en lien avec la rétrodiffusion d’ondes de Rayleigh et de la réverbération des ondes de volume piégées à l’intérieur de la cavité. Cette signature apparaît plus nettement dans le domaine fréquentiel, avec des concentrations d’énergie anormalement élevées au droit d’une cavité. Si l’on reprend les simulations précédemment décrite pour illustrer l’effet de backscaterring (ligne 6 du tableau 1), mais après un filtrage de l’éventail des ondes de surface directes (mute), on met alors en évidence un pic d’énergie dans le domaine fréquentiel au droit de la cavité. Ce résultat dans le domaine fréquentiel illustre la figure de la ligne 7 du tableau 1.
La méthode de Détection de Cavités par Onde de Surface (DCOS®) proposée par SismOcéan (Mouton et al., 2017a) est basée sur le principe de l’AARW, mais en utilisant du bruit de fond sismique et non des tirs. En effet, cette méthode DCOS est basée sur une comparaison relative des distributions d’énergie dans le domaine fréquentiel, entre deux moitiés de dispositif pour une fenêtre d’analyse.
Comme on a déjà pu le constater, le tableau 1 résume, à partir des informations de la littérature, la comparaison des méthodes sismiques par ondes de surface et de la microgravimétrie, en précisant les hypothèses d’application de ces différentes méthodes. Il est à noter qu’afin d’être exhaustif vis-à-vis des méthodes sismiques, il est également important de parler de l’analyse des ondes réfractées et réfléchies.
En sismique réflexion, la détection des cavités est essentiellement réalisée de manière indirecte par l’observation d’un effet de masquage des réflecteurs sous-jacents (Grandjean et al., 2002). C’est ce qu’illustre la ligne 3 du tableau 1. Toutefois, lorsque la cavité est étroite par rapport à la longueur d’onde, il peut y avoir des diffractions. Ce phénomène est décrit dans le guide du LCPC (2004). Sloan et al. (2015) proposent une chaîne de traitement pour le mettre en évidence. La ligne 4 du tableau 1 illustre de telles diffractions à partir de données réelles où une image de sismique réflexion a été réalisée avec un simple stack à vitesse constante. De plus, pour ce même type de données, dans le guide utilisateur du logiciel ParkSeis (2015) mais également dans l’article de Grandjean et Leparoux (2004), il est noté que la simple organisation des données en section à déport constant (Common-Offset ou CO, c’est-à-dire le regroupement de toutes les traces ayant une même distance source récepteur, pour tous les tirs) peut aider à identifier des chevrons caractéristiques d’un phénomène de « backscattering ». Il est ensuite possible d’additionner les traces d’une même classe et d’organiser les résultantes en une section fonction des déports.
En sismique réfraction, la présence d’une cavité vide est révélée par des retards dans les temps d’arrivées des ondes réfractées sur les différents horizons (Engelsfeld et al., 2008). Ceci implique d’avoir un réfracteur sous la cavité. Or cette condition n’est pas compatible avec les cas d’études présentés dans cet article (cavité au cœur d’un horizon de craie, lentilles de gypse dans une formation marneuse).
3.3 Le radar géologique
Enfin, il est à noter que la méthode par radar géologique (GPR), bien que très pertinente, ne figure pas dans ce tableau, car la profondeur de pénétration de la méthode est trop limitée dans un milieu conducteur, comme peut l’être la majorité des milieux superficiels sur nos terrains d’investigations. SNCF Réseau l’utilise périodiquement pour contrôler la présence de possible remontée de fontis sous les structures d’assise rigides (Nebieridze, 2011). Elle est par ailleurs massivement déployée pour contrôler le niveau de pollution du ballast par des fines et pour identifier les interfaces entre le ballast, la couche intermédiaire et le sol support. Cette méthode n’est en revanche pas utilisée pour effectuer des reconnaissances plus profondes dans le sol. À noter toutefois que des progrès très intéressants ont été faits avec des antennes radar 3D à saut de fréquence, permettant d’améliorer la profondeur d’investigation de cette méthode, tout en gardant la résolution en surface.
En conclusion, en fonction des profondeurs moyennes des aléas cavités ciblés dans cette étude (moins de 20 m), les méthodes basées sur la propagation des ondes de surface dans le sol apparaissent bien comme les plus pertinentes pour des reconnaissances et de la surveillance en continu. Vis-à-vis de cette surveillance, en proche surface, il est également nécessaire de s’intéresser au potentiel de la fibre optique pour alerter sur la remontée d’un fontis.
3.4 Auscultation par fibre optique (FO)
L’auscultation par fibre optique a commencé par la thermométrie, cette technologie a permis d’effectuer des mesures réparties de température à l’aide de fibres optiques et d’un interrogateur opto-électronique de type DTS (Distributed Temperature Sensing). Des développements plus récents (interrogateur Distributed Strain Sensing) permettent d’employer cette même fibre pour détecter des déformations (élongation de la fibre) moyennées sur une longueur plurimétrique. Une nouvelle rupture technologique est apparue entre 2010 et 2020 avec de nouveaux types d’analyseurs améliorant le rapport signal sur bruit et ouvrant ainsi l’utilisation de la fibre optique comme capteur sismique (Distributed Acoustic Sensing).
Dans tous les cas, la mesure consiste à envoyer un faisceaux électromagnétique monochromatique cohérent (rayon laser) dans une fibre optique standard, installée à l’intérieur d’un ouvrage ou d’un remblai. Le système de mesure est constitué de la fibre et d’un interrogateur opto-électronique. Le principe de mesure est basé sur la réflectométrie résolue dans le temps. Une source laser dans l’interrogateur envoie des impulsions de courte durée (quelques ns) dans la fibre optique où la silice réagit en absorbant et rétrodiffusant une partie de l’onde incidente. Le signal rétrodiffusé est analysé par l’interrogateur en associant au temps d’aller-retour de l’onde celui de la distance parcourue. Le spectre de rétrodiffusion comprend plusieurs raies caractéristiques. La raie dite de « Rayleigh » correspond aux fluctuations de densité et de composition de la silice. Elle est utilisée dans les réflectomètres télécom pour vérifier l’intégrité des liaisons optiques. Les raies dites de « Brillouin » sont liées aux modes acousto-optiques, dépendant de la température et de la déformation de la fibre. Les raies dites de « Raman » sont liées aux vibrations moléculaires de la silice. Le rapport d’intensité des deux raies dites de « stokes » et « anti-stokes » est directement lié à la température de la fibre.
L’application des interrogateurs DSS à la détection précoce de fontis est toujours un domaine de R&D à EDF et ces travaux seront résumés dans le troisième cas d’étude.
4 Cas d’étude no 1
4.1 Plot d’essai de reconnaissance en contexte de cavités anthropiques
4.1.1 Contexte de l’essai
Ce plot d’essais a pour objectif de comparer le résultat d’une acquisition dite de référence par microgravimétrie sur un site en environnement relativement contrôlé, à différentes méthodes de mesure et d’analyses des ondes de surface, afin de qualifier la pertinence du déploiement d’une ou de plusieurs méthodes géophysiques le long d’une voie ferrée pour localiser des cavités.
4.1.2 Généralités sur le site étudié
La zone d’étude est caractérisée par l’apparition en 2017 d’un fontis de 3 à 5 m de diamètre et 3 m de profondeur, dans un champ à environ 29 m d’une voie ferrée et 20 m d’une route (cf. Fig. 1.1). Cet indice de surface est très probablement en lien avec la ruine partielle d’une ancienne carrière souterraine et sa localisation est la seule connaissance a priori. En effet, l’unique traitement identifié de cette cavité a été le comblement de la dépression probablement par l’exploitant agricole, de telle sorte qu’il n’y avait plus aucune trace en surface lors de la campagne de 2020. Au niveau du plateau crayeux concerné, les descriptions géologiques d’un certain nombre de forages permettent d’affiner l’évaluation de la puissance des terrains et les grandes lignes des objets que l’on cherche :
ballast ferroviaire d’environ 0 à 1 m ;
couverture limoneuse de 2 à 4 m ;
couverture argilo-sableuse à silex de 4 à 8 m ;
toit en craie de 1 à 2 m ;
cavité dans la craie sur 1 à 2 m de haut (hors nappe).
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Fig. 1.1 Localisation des profils géophysiques réalisés avec en noir le profil DCOS, en bleu le profil de sismique active et passive et en orange la microgravimétrie. Sur la droite figure la cartographie de l’anomalie de Bouguer et en bas l’anomalie résiduelle des trois profils. Location of the geophysical profiles produced with the DCOS profile in black, the active and passive seismic profile in blue and the microgravity in orange. On the right is the cartography of the Bouguer anomaly and at the bottom the residual anomaly of the three profiles. |
4.1.3 Expérimentation et résultats
Afin d’identifier la cavité et son extension, ont été réalisés :
trois profils de microgravimétrie de 50 mètres linéaires (ml) chacun centrés sur l’indice de surface historique, avec un point tous les 2,5 m (soit un cumul de 63 points en orange sur la Fig. 1.1) ;
un profil 2D d’enregistrement du bruit de fond sismique pour l’analyser par la méthode dite de Détection de Cavité par Ondes de Surface (DCOS). L’emprise de ce profil fait 237,5 ml (96 traces composées de géophones verticaux espacés de 2,5 m, afin de déborder également à l’Ouest de la voie ferrée, points noirs sur la Fig. 1.1) ;
un profil 2D de sismique active et passive de 95 ml, composé de 96 géophones verticaux espacés de 1 m (points bleus sur la Fig. 1.1), afin de pouvoir faire l’ensemble des analyses présentées précédemment : BSA, BASW, SI, CO.
La cartographie microgravimétrique (anomalie de Bouger en µgal visible sur la Fig. 1.1) met en évidence une anomalie ovale de 10 µgal au droit de la zone du fontis de 2017, soit au centre de la zone cartographiée. Ceci est tout à fait cohérent avec l’ordre de grandeur attendu pour une anomalie microgravimétrique métrique à 10 m de profondeur. Sur la même figure, l’extrémité Nord-Ouest de la zone traduit une anomalie encore plus étendue. En raison de la faible amplitude des anomalies recherchées (dizaine de microgals avec un écart type sur les mesures de plus ou moins 5 µgals), on constate que l’aspect de cartographie étendue est important pour identifier une organisation spatiale caractéristique (ovale), ce qui nécessite un grand nombre de points de mesures. Sur des profils 2D, il est nettement plus difficile d’isoler des anomalies en lien avec des cavités, car l’amplitude d’une perte de masse (creux dans le profil) est fortement dépendante de la régression traduisant les variations régionales de plus grande longueur d’onde.
Sur la figure 1.2, la zone du profil DCOS recoupant la cartographie de microgravimétrie permet d’identifier 2 anomalies cohérentes avec celles de la microgravimétrie, ainsi que d’autres anomalies sur la portion non couverte par les autres méthodes. À ce stade, les anomalies DCOS positives (jaunes) semblent donc être pertinentes pour identifier des zones éventuelles de cavités.
À la demande d’EDF, la société RealTime Seismic (RTS), spécialisée dans le traitement sismique, a implémenté la chaîne de traitement BASW, CO et SI (avec données actives) pour permettre de comparer avec la chaîne BSA, CO du logiciel Parkseis®. La méthode SI à partir des données actives (non présentée) donne des résultats peu probants. Nous n’avons pas pu établir la raison de cette difficulté, si ce n’est que cette méthode semble être la plus sensible au rapport signal sur bruit, mais aussi la méthode dont l’implémentation industrielle est la moins aboutie. Les enregistrements passifs ont également été exploités pour mener une analyse SI et ce sont eux qui sont présentés sur la figure 1.2. Dans leur ensemble, les analyses sismiques réalisées à partir des enregistrements des ondes de surface par méthodes actives ou passives montrent des chevrons aux droits des mêmes zones que la méthode DCOS et la microgravimétrie, notamment à l’abscisse x = 20 m. Toutefois, certaines anomalies sont plus prononcées sur certaines analyses, sans pour autant que ceci soit une constante (cf. anomalie en X = 43 et 65 sur la Fig. 1.2). Une approche combinée de toutes ces analyses est donc nécessaire pour d’un côté identifier les anomalies majeures, justifiant une vérification par sondages, et d’un autre côté éviter de trop nombreuses fausses alertes.
En complément, des images issues de la réflexion des ondes P ont été faites, en considérant des vitesses constantes pour les additions (Constant Velocity Stacks, CVS sur Fig. 1.2). Ces images, avec un traitement basique, montrent également une anomalie dans le marqueur du toit de la craie au droit du fontis de 2017 à l’abscisse x = 20 m, probablement à la faveur de vitesse P lente hors nappe. Ceci témoigne de la pertinence de cette approche, qui reste tout de même plus adaptée pour des investigations plus profondes (30–50 m). En revanche, cette capacité en proche surface pourrait probablement être mieux résolue par une acquisition en ondes S. En effet, la résolution d’un signal sismique dépend de sa longueur d’onde, qui dépend de sa fréquence et de sa vitesse. Or, travailler avec des ondes S est un moyen de jouer sur la vitesse du signal par rapport aux ondes P et, finalement, d’avoir des longueurs d’onde beaucoup plus faibles que celles des ondes P, de l’ordre du mètre voire moins.
Sur la base des reconnaissances géophysiques précédentes, deux sondages de contrôle ont été réalisés (orange sur la Fig. 1.3). Le premier sondage, au sud-ouest de la zone d’étude et au droit de l’anomalie identifiée par toutes les méthodes, a permis de révéler une cavité de 85 m3 (équivalent à 12 camions toupie de 7–8 m3). Cette cavité est longée par le profil sismique entre les abscisses X = 13 à 23 m et recoupée par ce profil entre 17,7 et 19,2 m, ce qui est cohérent avec l’étalement des anomalies détectées (cf. trace verte sur la Fig. 1.3) et un maximum plus localisé et énergétique.
Le sondage au nord-est, à l’abscisse 43 m, n’a rien rencontré de singulier. Ceci traduit que la cavité n’est pas située au droit du profil sismique et que le profil sismique est probablement affecté par des effets latéraux.
En conclusion, ce plot d’essai :
valide l’intérêt des méthodes sismiques basées sur l’analyse des ondes de surface (active ou passive), mais aussi des ondes réfléchies, comme méthode de détection des cavités à moins de 20 m de profondeur ;
valide plus précisément l’intérêt de certaines méthodes industrielles de reconnaissance (DCOS®, ParSeis®) et laisse espérer une industrialisation prochaine de plusieurs autres (SI active et passive) ;
démontre qu’il est souhaitable d’appliquer un maximum de méthodes d’analyse à partir du même jeu de données, soit du même dispositif d’acquisition ;
témoigne qu’il est souhaitable d’affiner la position des anomalies par des profils dans différentes directions ou une cartographie locale de microgravimétrie avant d’engager les sondages de contrôle.
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Fig. 1.2 De haut en bas, profil DCOS, BSA, BASW, CO, CVS, SI et en partie haute la localisation des deux anomalies de microgravimétrie, avec en rouge l’axe commun d’anomalies pouvant traduire une cavité. From top to bottom, DCOS, BSA, BASW, CO, CVS, SI profile and in the upper part the location of the two microgravity anomalies. |
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Fig. 1.3 Résultat du contrôle par sondage (orange), avec en vert sur la vue de dessus la trace en surface de la cavité trouvée, en haut à gauche l’enregistrement des paramètres du sondage et en bas le scan 3D de la cavité, le tout réalisé par l’entreprise Explor-e. Summary of borehole check (orange), with in green the trace of the cavity projected at the surface. |
5 Cas d’étude no 2
5.1 Plot d’essais d’auscultation par ondes de surface générées par le passage des trains, en contexte de terrains avec des lentilles solubles de gypse
5.1.1 Contexte de l’essai
SNCF Réseau a développé un projet de recherche pour évaluer la pertinence d’une surveillance en continu du sous-sol via les méthodes d’interférométrie sismique. Ce projet visait à exploiter les ondes de surface comme solution pour diagnostiquer des évolutions des propriétés mécaniques du sous-sol et des micro-déformations de la surface. Ceci dans le but de prévenir de la survenue d’un évènement au niveau de la plateforme ferroviaire.
Cette action est motivée par le fait que le risque d’effondrement lié à un aléa cavité représente un enjeu majeur pour SNCF Réseau, principalement en termes de sécurité des circulations ferroviaires, mais aussi d’un point de vue économique. En effet, la difficulté d’appréhender la cinématique d’un phénomène d’effondrement d’une cavité génère une problématique de régularité des circulations et d’interventions de maintenance en urgence, toujours plus coûteuses.
Pour développer ce projet, un partenariat a été créé en 2017 avec l’entreprise CGG (puis sa filiale SERCEL suite à restructuration de l’entreprise) pour bénéficier de toute son expertise géophysique (de la fabrication des capteurs au traitement de la donnée) et plus particulièrement dans les méthodes sismiques. L’idée était d’importer les méthodes de surveillance par interférométrie sismique développées par la CGG dans le domaine pétrolier, pour les adapter aux besoins du domaine ferroviaire (profondeur beaucoup plus faible, contraintes liées à l’infrastructure ferroviaire…).
5.1.2 Généralités sur le site étudié
Le plot d’essai a été conduit sur un site sélectionné par SNCF Réseau pour sa forte sensibilité à un aléa de cavités naturelles par dissolution de gypse. Ce site présente un fort enjeu en termes de sécurité, mais aussi financier en raison de la forte densité du trafic (Fig. 2.1a).
Les 600 m de long de la zone d’étude présentent un historique conséquent d’affaissements et de fontis. Ces derniers étant tous liés à la dissolution du gypse dans les formations du proche sous-sol. Le premier incident connu date de 1967, mais le phénomène de dissolution des lentilles de gypse est évolutif et s’est accéléré ces 20 dernières années avec 14 évènements (fontis et zone d’affaissement) depuis 2002.
Certaines parties de l’ouvrage ont déjà fait l’objet de reconnaissances géophysiques et géotechniques avant des premiers travaux d’injection de sol en 2012 et 2013. Elles ont permis de préciser la série stratigraphique suivante :
plateforme ferroviaire constituée d’environ 40 cm de ballast et d’une couche intermédiaire d’épaisseur variable (de 50 cm à 1 m) ;
2 à 3 m d’alluvions modernes ;
environ 12 m de marnes infra-gypseuses (localement fortement déconsolidée) ;
troisième masse de gypse d’épaisseur variable inférieure au mètre (résidus de masse donc parfois inexistante) ;
1 à 1,5 m de marnes à pholadomies ;
0,5 à 4 m de la quatrième masse de gypse ;
22 m de marno-calcaire de St-Ouen et sables de Beauchamp ;
15 à 16 m de marnes et caillasses ;
calcaire grossier du Lutétien inférieur.
Les écoulements de la nappe et l’infiltration des eaux (suite à de longues périodes pluvieuses) au sein des masses de gypse et, dans une moindre mesure, des marnes infra-gypseuses sont très probablement à l’origine des désordres constatés dans les 20 premiers mètres du sous-sol.
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Fig. 2.1a Apparition d’un fontis sur un ouvrage en terre soumis à l’aléa de dissolution de gypse (©SNCF Réseau). Sinkhole damage on an earthwork exposed to a gypsum dissolution hazard (©SNCF Réseau). |
5.1.3 Expérimentation et résultats
La première étape consistait à établir un état de référence du sous-sol sur le site sélectionné fin 2018. Pour ce faire, des investigations par sismique ondes de surface ont été menées, en mode actif (MASW avec une masse) et passif (par enregistrement du bruit de fond sismique notamment engendré par les circulations ferroviaires). Pour cela quatre profils composés de géophones (GS1 une composante) espacés tous les mètres sur 300 ml ont été mis en place sur le ballast (cf. Fig. 2.1b).
Au-delà d’établir un état de référence du sous-sol, cette étape avait pour but de définir les protocoles d’acquisition les plus pertinents. Elle a permis de répondre à des questions telles que la source à utiliser, ou le positionnement (sous ou sur le ballast, en pied de banquette de ballast…) et l’écartement des capteurs.
À l’issue de cette phase, il apparaissait que le signal généré par le train était de plusieurs ordres de grandeur supérieur (une amplitude environ 50 dB supérieure) au bruit dans la bande de fréquences utile en sismique haute résolution (0–200 Hz). SNCF Réseau et SERCEL ont donc décidé de n’utiliser que les circulations ferroviaires comme source sismique pour ce projet. Cette approche est singulière par rapport aux techniques classiques d’exploitation du bruit ambiant. En effet, ces dernières exploitent des fenêtres de temps où la signature du bruit sismique est homogène (considéré comme isotrope) et globalement proche du niveau de bruit. Or, pour l’analyse du signal généré par les trains, il faut sélectionner une fenêtre d’écoute centrée sur le passage de la circulation ferroviaire. En sommant l’ensemble des circulations ferroviaires sur une journée, le rapport signal sur bruit est nettement amélioré (cf. Fig. 2.2). De plus, le nombre de couples de capteurs possible permet d’obtenir un nombre très conséquent de trajets d’ondes de surface en considérant tous types de trajets d’ondes (longitudinale, transversale et en diagonale, cf. Fig. 2.3 – exemple de combinaisons croisées en configuration longitudinale), malgré les limitations montrées par Gouedard (2008) pour cette méthode dans certaines directions.
En plus, la comparaison du modèle de vitesse pseudo-2D obtenu entre l’analyse MASW et celle du bruit de fond lors du passage des trains (cf. Fig. 2.4) a permis de confirmer la pertinence de l’exploitation du signal émis par les trains.
La seconde étape a consisté à déployer un nouveau réseau de capteurs sismiques sur la plateforme ferroviaire suivant cinq profils de 125 ml parallèles aux voies et composés d’un géophone (DSU1-428 : capteur une composante verticale) tous les mètres. L’ensemble était relié à un système d’enregistrement en continu et de prétraitement. Dans un premier temps, afin d’exploiter au mieux le signal sismique généré par les trains, SERCEL a adapté l’algorithme de traitement des données basé sur le principe de l’interférométrie sismique (cf. Sect. 2) pour l’automatiser. Le prototype de chaîne de mesure et d’analyse obtenu a permis de générer, à un pas de temps défini, des cartes et des profils de vitesses de propagation des ondes de surface dans le sol. En raison de la cinétique des phénomènes de dissolution sur le site, SERCEL produisait des cartes de vitesse moyenne des ondes de Rayleigh hebdomadaires et mensuelles (pour différentes fréquences et donc profondeurs, cf. Fig. 2.5) ainsi que des cartes de variation de vitesses relatives à celles obtenues au début de l’expérimentation.
Durant la période de l’expérimentation de dix mois, SNCF Réseau a pu surveiller en continu l’état du sous-sol et détecter de possibles évolutions incompatibles avec la sécurité des circulations ferroviaires, et ce jusqu’à la réalisation de travaux de confortement. À noter que les données obtenues lors de cette expérimentation sont extrêmement riches d’information et mettent en évidence de nombreux phénomènes souterrains tels que les variations du contenu hydrique, de la température ou encore les variations de densité des sols (zones injectées, zones décomprimées). Aujourd’hui, le dispositif a été déplacé sur un second site à risque fontis, toujours en lien avec un aléa de cavités par dissolution de gypse.
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Fig. 2.1b Réseau de capteurs sismiques déployé sur la plateforme ferroviaire. Seismic sensors network along the railway platform. |
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Fig. 2.2 Illustration de la répétabilité de la signature par cross-corrélation entre deux capteurs lors du passage de plusieurs trains durant une même journée (©SERCEL). Illustration of the repeatability of the signature by cross-correlation between two sensors during the passage of several trains for the same day (©SERCEL). |
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Fig. 2.3 Combinaisons possibles de corrélation croisée et sismogrammes virtuels associés en configuration longitudinale (©SERCEL). Possible combinations of cross-correlation and corresponding virtual seismograms longitudinal configurations (©SERCEL). |
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Fig. 2.4 Comparaison des profils de vitesses des ondes de Rayleigh obtenus en mode actif (à gauche) et en mode passif (à droite). Les flèches jaunes indiquent une bonne corrélation entre les résultats obtenus en modes actif et passif (©SERCEL/SNCF Réseau). Comparison of the Rayleigh waves velocity cross-sections carried out with an active mode (left) or a passive mode protocols (right). The yellow arrows indicate a good correlation between active and passive mode protocols (©SERCEL/SNCF Réseau). |
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Fig. 2.5 Cartes mensuelles des vitesses de phase moyennes des ondes de Rayleigh obtenues à différentes fréquences (©SERCEL/SNCF Réseau). Monthly maps of the Rayleigh phase velocity obtained for different frequencies (©SERCEL/SNCF Réseau). |
6 Cas d’étude no 3
6.1 Plot d’essai d’auscultation par mesures de déformation avec une fibre optique, en contexte de terrains avec des lentilles solubles de gypse
6.1.1 Contexte de l’essai
Dans le cadre d’un projet de recherche interne à EDF, le plot d’essais présenté ici a pour objectif de vérifier la pertinence d’une auscultation basée sur les mesures de déformation par une fibre optique comme solution pour diagnostiquer des micro-déformations de la surface, avant la survenue d’un évènement affectant le remblai d’un ouvrage hydraulique. En effet, la surveillance opérationnelle de l’aléa cavité sur les canaux d’EDF repose sur les tournées d’inspections visuelles et l’auscultation par mesures topographiques. La fibre optique est une mesure complémentaire qui permet d’effectuer une mesure de déformation répartie avec un pas de mesure de 50 cm sur plusieurs dizaines de kilomètres, un pas horaire et une incertitude de mesure théorique de ±20 μm/m grâce à la technologie Brillouin (Interrogateur DTSS, cf. Sect. 2).
En préambule à l’essai in situ, plusieurs essais de qualification de la chaîne de mesure (système d’acquisition et câble à fibre optique) ont été effectués depuis 2005 avec le CEREMA Rouen afin de choisir les câbles à fibre optiques les plus adaptés aux conditions réelles (Lanticq et al., 2009 ; Blairon et al., 2011). Les essais en conditions contrôlées ont consisté à simuler la création d’une cavité grâce à une plaque pilotée par vérins positionnée sous un remblai ayant les caractéristiques géomécaniques proches d’un site réel (cf. Fig. 3.1).
Ces essais ont permis d’identifier la signature caractéristique en déformation de la formation d’une cavité : une zone de compression (déformation négative) entourée de deux pics en traction (déformation positive) (Blairon et al., 2011, cf. Fig. 3.1). Lors de l’apparition du tassement à la surface du remblai, le déplacement dans le remblai est tel que le câble à fibre optique est étiré et la signature en déformation se transforme en un pic de traction. Les déformations mesurées sont alors de l’ordre de 1000 μm/m. Les techniques de mesures surfaciques par photogrammétrie par drone et scanner Lidar ont été testées et comparées lors de cet essai pour déterminer le déplacement minimal détectable.
Plusieurs hauteurs du remblai ont été instrumentées avec du câble à fibre optique afin de visualiser la cinétique au sein du remblai de l’apparition de la cavité. Utilisant les différentes signatures sur plusieurs hauteurs du remblai, une méthodologie a été proposée par Buchoud et al. (2016) afin d’estimer le déplacement à partir des mesures de déformation par fibre optique. Les travaux de Suo et al. (2016) ouvrent également des perspectives intéressantes pour l’étude de l’interface câble − sol qui restent à caractériser.
Suite à ces essais de qualification, il a été possible de lever un point d’arrêt et ainsi de poursuivre les travaux de recherche sur l’utilisation in situ de ce type d’acquisition comme dispositif d’auscultation.
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Fig. 3.1 Réalisation d’un essai d’effondrement permettant de mettre en évidence l’évolution de la signature de déformation en fonction de l’évolution du fontis dans le remblai : a : mise en place des fibres optiques dans le remblai. b : vue de dessus du remblai. c : mise en évidence de la dimension de la plaque (en orange) et résurgence du fontis en surface. d : signatures en déformation caractéristiques de fontis (adimensionné) en fonction de la profondeur dans le remblai (axe y). Les pointillés verticaux mettent en évidence la position des bords de la plaque. Sinkhole creation on controlled condition to identify the different stages of evolution of the sinkhole in the earthen dam: a: optical fiber installation within the earthen dam. b: upper view of the dam. c: the dimension of the hole is shown in orange and the disorder caused by sinkhole is visible at the surface. d: adimensional strain signatures depending on the height in the dam (y-axis) and the distance to the centre of the hole (x-axis) Vertical dotted lines highlight the edge of the hole. |
6.1.2 Généralités sur le site étudié
Le site étudié est un canal trapézoïdal entièrement à ciel ouvert, à la jonction entre une plaine alluviale et des versants montagneux. Cette zone est soumise à un aléa de cavités naturelles par dissolution de gypse, avec un fort enjeu de sécurité.
Les principales grandeurs caractéristiques de l’ouvrage sont les suivantes :
la hauteur d’eau dans le canal est de l’ordre de 8,50 m. Le fruit des talus intérieurs est de 2 H/1 V théorique sur toute la longueur. Le fruit théorique des talus extérieurs est de 3 H/2 V ;
la largeur du chemin de crête est :
de 4 m en rive gauche (RG),
initialement prévu à 4 m, à la construction la rive droite (RD) a été élargie à 13 m afin d’améliorer la sûreté de l’ouvrage face à un risque de dissolution de lentilles de gypse en fondation.
Le contexte géologique régional est celui d’une série calcaire charriée sur un front de décollement gypseux du Trias. Sur la zone d’étude les terrains du Trias affleurent de façon discontinue en pied de versant, au contact avec les alluvions présentes en forte épaisseur dans la vallée (jusqu’à 230 m sans atteindre le substratum sous le canal, en partie amont). Au cours du charriage, des lambeaux calcaires ont été piégés au sein des formations triasiques. La taille de ces inclusions calcaires peut être très importante et atteindre plusieurs dizaines à centaines de mètres.
Une telle écaille calcaire de grandes dimensions, au contact des alluvions et du gypse, a été identifiée à la construction sur l’emprise de la zone d’étude. La nappe est située dans les alluvions environ 5 m sous le pied de l’ouvrage.
6.1.3 Expérimentation et résultats
À la faveur d’une vidange du canal, en 2011, 2 km de linéaire sous le radier ont été instrumentés avec un système de mesure à fibre optique de déformation. L’analyse des séries chronologiques a permis de détecter et localiser trois zones avec une signature en déformation caractéristique de la création d’une cavité (cf. Fig. 3.2). La cinétique est de l’ordre − 40 μm/m par an. Les mesures de nivellement dans la zone indiquent un tassement de 1 mm/an. Suite à ces résultats, des travaux de modélisation par la R&D d’EDF sont prévus pour reproduire les conditions sur site et étudier la faisabilité de quantification d’un tassement sur site.
La détection des signatures de fontis, protégés par le masque étanche de l’ouvrage relativement déformable, permet de prendre le temps d’enclencher des reconnaissances géophysiques additionnelles (basées sur les méthodes exposées dans le cas d’étude numéro 1) et des sondages de contrôle en cours de réalisation afin de mieux cerner la problématique.
Il faut noter que les méthodes de reconnaissance présentées dans le cas numéro 1 pourraient favorablement être réalisées en utilisant une fibre optique comme capteur avec un interrogateur de type « Distributed Acoustic Sensing » (DAS). Ceci est une perspective intéressante d’optimisation.
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Fig. 3.2 Superposition de la mesure de déformation répartie (en μm/m) sur le canal du sud de la France et évolution de la zone de fontis sur plusieurs années. GIS map of the South of France canal and distributed strain measurement showing negative strain in red and positive strain in blue. Evolution of the sinkhole strain signature over the years. |
7 Conclusion
Les exemples présentés dans cet article sont issus du partage d’expériences de deux maîtres d’ouvrage doté d’une ingénierie conseil en géophysique dans la gestion des risques liés à l’aléa cavités sur des ouvrages de grands linéaires en contexte ferroviaire et hydraulique. Cette coopération a permis de valider plusieurs méthodes de diagnostic, par reconnaissance et surveillance en continu afin de détecter des cavités souterraines et de surveiller leur évolution :
dans deux contextes géologiques distincts (craie et marnes à gypse), les méthodes sismiques actives et passives basées sur les ondes de surface se révèlent très pertinentes, aussi bien pour des reconnaissances que de l’auscultation :
dans un contexte de cavités anthropiques dans la craie et hors nappe.2, les exemples présentés valident l’intérêt de certaines méthodes industrielles de reconnaissance (DCOS®, ParSeis®) et laissent espérer une industrialisation prochaine de plusieurs autres (SI active et passive),
dans le contexte de dissolution de gypse, ces mêmes méthodes utilisant le signal généré par les circulations ferroviaires, sont très performantes pour assurer une surveillance en continu via un monitoring 4D du sol support de la plateforme ferroviaire. Grâce à ce développement, SNCF Réseau va pouvoir s’inscrire dans une démarche de maintenance préventive vis-à-vis du risque fontis ;
dans un contexte de dissolution de gypse, la mesure de déformation par fibre optique en place dans un remblai a démontré sa pertinence pour capter l’amorce de remontée d’un fontis, avant même l’apparition d’indice en surface.
En outre, le plot d’essai du premier cas d’étude permet de valider l’intérêt des méthodes sismiques basées sur l’analyse des ondes de surface (active ou passive), mais aussi des ondes réfléchies, comme méthode de détection des cavités à moins de 20 m de profondeur. Toutefois, il est souhaitable d’appliquer un maximum de méthodes d’analyse à partir d’un même jeu de données, donc d’un même dispositif d’acquisition. Enfin, avant le contrôle par forage, il est nécessaire d’affiner la position des anomalies par des profils dans différentes directions ou une cartographie locale de microgravimétrie.
Le deuxième plot d’essai permet de valider un protocole expérimental de surveillance du sous-sol en continu par enregistrement du signal engendré par les circulations ferroviaires. Durant la période de l’expérimentation de dix mois, le dispositif a permis à SNCF Réseau de disposer d’une solution pour détecter de possibles évolutions incompatibles avec la sécurité des circulations ferroviaires. Cette solution permet de maintenir un niveau de sécurité suffisant jusqu’à la réalisation de travaux de confortement. Il est à noter que les données obtenues sont extrêmement riches et mettent en évidence de nombreux phénomènes souterrains tels que les variations du contenu hydrique, de la température ou encore les variations de densité des sols (zones injectées, zones décomprimées).
Sur le troisième site d’expérimentation, EDF a été en capacité de surveiller en continu l’état sous le radier du canal suivi et de détecter des évolutions de l’ordre 40 μm/m par an, sur une durée de 10 ans. Ces taux de déformation étant admissibles par la capacité de déformation du revêtement d’étanchéité, des reconnaissances additionnelles (basées sur les méthodes exposées dans le cas d’étude numéro 1) et des sondages de contrôle ont pu être planifiées, afin de mieux cerner la problématique.
Enfin, il faut noter que les méthodes de reconnaissance et de surveillance en continu présentées pourraient favorablement être réalisées en utilisant une fibre optique comme celle exploitée dans le troisième cas d’étude. Cette mutualisation nécessiterait toutefois un interrogateur différent de type DAS.
Remerciements
EDF remercie les entreprises qui ont permis de réaliser les mesures et leur traitement : Geo2X, RTS, SismOcéan, Explor-e, Géophyconsult, CEREMA de Rouen.
SNCF Réseau remercie l’entreprise SERCEL pour le développement de la méthode de monitoring du sous-sol par exploitation des signaux engendrés par les circulations ferroviaires.
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Citation de l’article : Christophe Vergniault, Edouard Buchoud, Joséphine Boisson-Gaboriau, Amélie Hallier. Application des méthodes géophysiques pour le diagnostic de l’aléa cavités sur des ouvrages de grands linéaires, en contexte ferroviaire et hydraulique. Rev. Fr. Geotech. 2022, 172, 3.
Liste des tableaux
Comparaison des méthodes géophysiques pour la détection de cavités issue de la littérature.
Comparison of geophysical methods for the detection of cavities based on the literature.
Liste des figures
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Fig. 1.1 Localisation des profils géophysiques réalisés avec en noir le profil DCOS, en bleu le profil de sismique active et passive et en orange la microgravimétrie. Sur la droite figure la cartographie de l’anomalie de Bouguer et en bas l’anomalie résiduelle des trois profils. Location of the geophysical profiles produced with the DCOS profile in black, the active and passive seismic profile in blue and the microgravity in orange. On the right is the cartography of the Bouguer anomaly and at the bottom the residual anomaly of the three profiles. |
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Fig. 1.2 De haut en bas, profil DCOS, BSA, BASW, CO, CVS, SI et en partie haute la localisation des deux anomalies de microgravimétrie, avec en rouge l’axe commun d’anomalies pouvant traduire une cavité. From top to bottom, DCOS, BSA, BASW, CO, CVS, SI profile and in the upper part the location of the two microgravity anomalies. |
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Fig. 1.3 Résultat du contrôle par sondage (orange), avec en vert sur la vue de dessus la trace en surface de la cavité trouvée, en haut à gauche l’enregistrement des paramètres du sondage et en bas le scan 3D de la cavité, le tout réalisé par l’entreprise Explor-e. Summary of borehole check (orange), with in green the trace of the cavity projected at the surface. |
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Fig. 2.1a Apparition d’un fontis sur un ouvrage en terre soumis à l’aléa de dissolution de gypse (©SNCF Réseau). Sinkhole damage on an earthwork exposed to a gypsum dissolution hazard (©SNCF Réseau). |
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Fig. 2.1b Réseau de capteurs sismiques déployé sur la plateforme ferroviaire. Seismic sensors network along the railway platform. |
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Fig. 2.2 Illustration de la répétabilité de la signature par cross-corrélation entre deux capteurs lors du passage de plusieurs trains durant une même journée (©SERCEL). Illustration of the repeatability of the signature by cross-correlation between two sensors during the passage of several trains for the same day (©SERCEL). |
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Fig. 2.3 Combinaisons possibles de corrélation croisée et sismogrammes virtuels associés en configuration longitudinale (©SERCEL). Possible combinations of cross-correlation and corresponding virtual seismograms longitudinal configurations (©SERCEL). |
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Fig. 2.4 Comparaison des profils de vitesses des ondes de Rayleigh obtenus en mode actif (à gauche) et en mode passif (à droite). Les flèches jaunes indiquent une bonne corrélation entre les résultats obtenus en modes actif et passif (©SERCEL/SNCF Réseau). Comparison of the Rayleigh waves velocity cross-sections carried out with an active mode (left) or a passive mode protocols (right). The yellow arrows indicate a good correlation between active and passive mode protocols (©SERCEL/SNCF Réseau). |
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Fig. 2.5 Cartes mensuelles des vitesses de phase moyennes des ondes de Rayleigh obtenues à différentes fréquences (©SERCEL/SNCF Réseau). Monthly maps of the Rayleigh phase velocity obtained for different frequencies (©SERCEL/SNCF Réseau). |
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Fig. 3.1 Réalisation d’un essai d’effondrement permettant de mettre en évidence l’évolution de la signature de déformation en fonction de l’évolution du fontis dans le remblai : a : mise en place des fibres optiques dans le remblai. b : vue de dessus du remblai. c : mise en évidence de la dimension de la plaque (en orange) et résurgence du fontis en surface. d : signatures en déformation caractéristiques de fontis (adimensionné) en fonction de la profondeur dans le remblai (axe y). Les pointillés verticaux mettent en évidence la position des bords de la plaque. Sinkhole creation on controlled condition to identify the different stages of evolution of the sinkhole in the earthen dam: a: optical fiber installation within the earthen dam. b: upper view of the dam. c: the dimension of the hole is shown in orange and the disorder caused by sinkhole is visible at the surface. d: adimensional strain signatures depending on the height in the dam (y-axis) and the distance to the centre of the hole (x-axis) Vertical dotted lines highlight the edge of the hole. |
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Fig. 3.2 Superposition de la mesure de déformation répartie (en μm/m) sur le canal du sud de la France et évolution de la zone de fontis sur plusieurs années. GIS map of the South of France canal and distributed strain measurement showing negative strain in red and positive strain in blue. Evolution of the sinkhole strain signature over the years. |
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