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Numéro
Rev. Fr. Geotech.
Numéro 162, 2020
Amélioration et renforcement des sols
Numéro d'article 2
Nombre de pages 8
DOI https://doi.org/10.1051/geotech/2020004
Publié en ligne 24 juin 2020

© CFMS-CFGI-CFMR-CFG, 2020

1 Introduction

Ce travail s’inscrit dans le cadre des méthodes de Deep Soil Mixing qui permettent de mélanger des sols fins ou grenus avec un liant hydraulique. Des éléments sol-ciment sont ainsi formés via l’incorporation du liant et de son malaxage avec le sol. Pour de nombreux industriels, ces techniques représentent une solution économique afin de remédier au processus d’urbanisation qui tend à réduire le nombre de terrains constructibles, tout en limitant l’utilisation des ressources naturelles. Actuellement, le procédé est majoritairement utilisé pour réduire le tassement des sols, ou réaliser des parois relativement étanches, des écrans et des fondations (Abbey et al., 2015). Le rôle structurel du matériau est par ailleurs prometteur pour les ouvrages renforcés avec des profilés métalliques puisqu’il permettrait de réduire de 10 à 40 % la quantité nécessaire d’acier (Denies et Huybrechts, 2017). Ces dernières décennies, le développement des méthodes de mélange (Massarsch et Topolnicki, 2005), la meilleure connaissance des propriétés du matériau (Porbaha et al., 2000) ainsi que son association avec l’acier repoussent progressivement les limites d’utilisation du procédé. De nouvelles problématiques émergent donc en parallèle avec l’évolution du domaine d’application des méthodes de Deep Soil Mixing. De nouveaux projets de recherche portent maintenant sur les propriétés mécaniques et hydriques du matériau, et s’intéressent à sa durabilité.

Dans la pratique, les propriétés du matériau sol-ciment dépendent beaucoup de la nature du sol et du dosage en ciment. Les ouvrages sont dimensionnés à partir de paramètres comme la conductivité hydraulique du matériau dans le cas des parois étanches, ou à partir de ses propriétés mécaniques (résistance mécanique et module d’élasticité) dans le cas des fondations. Toutefois, la conductivité hydraulique du matériau est loin d’être simplement reliée à la porosité accessible à l’eau. Elle dépend aussi du diamètre caractéristique des pores comme le montre la littérature (Deng et al., 2015). Des tests effectués sur des mélanges sol-ciment prélevés in situ montrent que la conductivité hydraulique est souvent comprise entre 10−8 et 10−12 m/s, avec la cellule de la norme DIN 18130-1 (Denies et al., 2012). Cela est suffisamment faible dans des conditions de cure favorables, mais discutable en cas d’exposition à un environnement agressif. Concernant les propriétés mécaniques du matériau, il existe de nombreux modèles permettant d’estimer la valeur du module d’élasticité à partir de la résistance en compression (Panesar et Shindman, 2011). En revanche, les modèles proposés jusqu’à présent doivent encore être adaptés au caractère spécifique des bétons de sol. La mesure de la vitesse de propagation des ondes P et S permet également d’estimer de manière non destructive la résistance en compression simple du matériau (Larsson, 2005). Ce travail de recherche montre cependant que la précision des relations empiriques proposées peut encore être sensiblement améliorée en intégrant la masse volumique. En termes de durabilité, les calculs d’ingénierie actuels s’appuient pour l’instant sur des coefficients de sécurité empiriques (Topolnicki, 2015). Certains chercheurs commencent toutefois à étudier la durabilité du matériau en proposant une classification basée sur des indicateurs de durabilité tels que la porosité accessible à l’eau (Guimond-Barrett, 2013). Enfin, il existe des cas d’applications en Hollande et en Belgique ou la méthode du cutter soil mixing (CSM) est utilisée pour réaliser les parois définitives de parkings souterrains (De Fundações, 2012). Ces ouvrages sont souvent protégés par une couche de béton projeté mais en situation d’incendie le matériau est tout de même fortement sollicité thermiquement.

Le travail de recherche présenté synthétise de manière pragmatique les travaux effectués pour répondre aux différentes problématiques exposées précédemment. Cet article présente tout d’abord l’approche paramétrique adoptée en laboratoire ainsi que les méthodes de caractérisation utilisées. Ensuite, la discussion porte sur les propriétés hydriques et mécaniques obtenues, avec la proposition de nouveaux modèles prédictifs. Une dernière partie s’intéresse à différents modes de dégradation du matériau, notamment lorsque ce dernier est exposé à des cycles de vieillissement accéléré ou à des températures élevées. L’objectif étant d’évaluer les propriétés résiduelles suite à l’endommagement. Des classes de durabilité sont proposées pour les mélanges étudiés.

2 Approche expérimentale

L’objectif est de caractériser un matériau modèle constitué d’un mélange sol-ciment-eau, dont les propriétés sont proches de celles du matériau fabriqué in situ. L’approche paramétrique adoptée s’intéresse tout particulièrement à l’influence de la teneur en argile du sol et du dosage en ciment (Tab. 1). De façon à s’affranchir du caractère hétérogène des sols, l’étude a porté sur 6 sols artificiels élaborés en mélangeant du sable de Fontainebleau et de kaolinite Speswhite™. Le choix de ces sols non grossiers s’explique par leur utilisation relativement fréquente pour la modélisation physique dans le domaine de la géotechnique. De plus, la kaolinite est une argile non gonflante qui contrairement aux montmorillonites peut entrer dans la composition du mélange sans a priori, trop affecter la durabilité du matériau. Dans la présente étude, le taux de substitution volumique du sable par l’argile varie de 0 à 50 % (Tab. 1) et deux dosages en ciment ont été testés (200 et 300 kg de ciment par m3 de mélange). Dans le tableau 1, le dosage en ciment est exprimé en fonction des différentes approches possible pour permettre la comparaison avec d’autres études. Les différents sols élaborés sont mélangés à sec avec du ciment CEMIII/C 32.5 N CE PM-ES NF, un liant souvent utilisé en travaux souterrains pour sa résistance aux attaques sulfatiques. Le mélange mécanique avec l’eau est ensuite réalisé à l’aide d’un malaxeur CONTROLAB équipé d’un crochet ou d’un fouet selon la consistance. La durée de malaxage est fixée à 10 minutes, car au-delà le résultat des essais de caractérisation mécanique est faiblement influencé.

En raison de la capacité de rétention et de la forte surface spécifique de la kaolinite, le dosage en eau est nécessairement plus important en présence d’argile. La quantité d’eau retenue est déterminée expérimentalement en cherchant à obtenir un étalement de 32 cm au mini-cône (volume 687 cm3). Le mélange est ainsi suffisamment fluide conformément à la consistance autoplaçante souvent recherchée in situ. Les valeurs d’E/C sont donc particulièrement élevées (entre 1 et 3). En l’absence d’argile, le manque d’éléments fins ne permet en revanche pas d’obtenir un étalement de 32 cm exempt de ségrégation. Les mélanges ont donc été formulés à eau efficace constante sachant que la masse d’eau varie linéairement en fonction de la masse de kaolinite à ouvrabilité constante (Éq. (1)). La consistance des mélanges sable-ciment est alors beaucoup plus ferme puisque l’on obtient un affaissement au mini-cône de 1 à 3 cm. Les essais classiques sur granulats n’étant pas adaptés pour estimer l’eau absorbée par l’argile, on estime par régression linéaire que l’argile adsorbe 96 % de son poids en eau. Cette eau ne participe pas à la lubrification et à l’hydratation du ciment d’où le terme « eau efficace », qui correspond la différence entre l’eau de gâchage et l’eau adsorbée. (1)

Une fois que la gâchée est prête, des moules cylindriques et parallélépipédiques sont remplis en 3 couches successives. Pour chaque couche, une partie de l’air occlus est extrait en tapant les moules sur le plan de travail (15 coups / couche) ou à l’aide d’une table vibrante selon la consistance. Les éprouvettes sont démoulées après 7 jours de cure dans les moules, puis enroulées dans un tissu humide et placées dans un sac plastique. Ce mode de conservation endogène permet d’éviter un séchage prématuré des éprouvettes. La méthode utilisée pour chacun des essais de caractérisation est résumée ci-dessous. Le lecteur est toutefois invité à se référer aux publications antérieures pour obtenir davantage de détails sur les protocoles expérimentaux (Helson et al., 2016, 2017, 2018a, b).

Variation dimensionnelles (ε). La valeur du retrait de séchage a été déterminée à 20 °C et 50 % d’humidité relative selon la norme NF P15-433 pour les mortiers hydrauliques. La mesure est effectuée sur des éprouvettes parallélépipédiques (4 × 4 × 16 cm) à l’aide d’un bâti en métal muni d’un comparateur.

Porosité (η). La porosité accessible à l’eau a été mesurée suivant la norme NF P18-459, sur des éprouvettes cylindriques (Ø = 40 mm et h = 100 mm). Les échantillons sont séchés en étuve à 60 °C jusqu’à masse constante, puis saturés sous vide et conservés 3 jours dans l’eau. La porosité est alors déterminée à partir de la masse sèche, de la masse humide et de la masse obtenue par pesée hydrostatique. Des essais par intrusion de mercure pour déterminer le rayon d’accès aux pores ont également été réalisés sur des échantillons cubiques de 18 mm de côté préalablement séchés en étuve à 60 °C, en utilisant le système AutoPore IV.

Conductivité hydraulique (k). Un échantillon cylindrique (Ø = 50 mm et h = 25 mm) préalablement saturé sous vide est placé dans une cellule triaxiale entre 2 pierres poreuses. Une membrane en latex et des joints toriques assurent l’étanchéité entre l’échantillon et l’eau de la chambre de confinement. Un gradient de pression est appliqué (ΔP = 25 kPa) à l’aide de contrôleurs GDS et la conductivité hydraulique est déterminée selon la loi de Darcy.

Résistance en compression (fc). Les surfaces supérieures et inférieures des éprouvettes cylindriques (Ø = 50 mm et h = 100 mm) testées sont rectifiées par ponçage. Le chargement est réalisé à l’aide d’une presse électromécanique INSTRON en contrainte contrôlée à une vitesse de 0,04 MPa/s.

Propriétés élastiques statiques (E et ν). Une partie des éprouvettes cylindriques testées en compression a été instrumentée avec des jauges de déformation. Un chargement cyclique a permis de déterminer la valeur du module d’élasticité et du coefficient de Poisson pour un chargement équivalent à 30 % de la résistance à la rupture (seuil recommandé par la norme NF EN 12390-13).

Vitesses d’ondes (Vp). La vitesse de propagation des ondes de compression est obtenue à l’aide d’un appareil de test ultrasonique appelé « Pundit 7 ». L’essai consiste à mesurer le temps de parcours de l’onde P suivant la longueur de l’éprouvette, avant chaque essai en compression.

Tableau 1

Composition des mélanges sol-ciment testés. Caractéristiques du sol (S = sable et K = kaolinite), dosages en ciment (C) et en eau (E).

Composition of soil-cement mixtures tested. Soil characteristics (S = sand and K = kaolinite), cement (C) and water content (E).

3 Étude des propriétés de transfert dans le cas des parois relativement étanches

Les matériaux modèles testés après 180 jours de cure endogène présentent une distribution unimodale des pores en présence d’argile, mais bimodale en absence d’argile (Fig. 1a). La plupart des pores sont de l’ordre de 50 à 100 nm. Toutefois, les éprouvettes sable-ciment présentent aussi une taille de pore caractéristique de l’ordre de 0,7 à 3 μm, ce qui s’explique par une moins bonne ouvrabilité et l’absence de fines dans le sable. Pour les formulations dont le sol contient 0 à 25 % d’argile, la conductivité hydraulique varie entre 2,10−9 et 10−10 m/s après 180 jours de cure endogène (Fig. 1b). Les résultats montrent que la conductivité hydraulique du matériau est divisée par 4 environ lorsque le dosage en ciment augmente de 100 kg/m3, ce qui s’explique par une porosité et une taille de pores légèrement inférieures. D’autre part, la conductivité hydraulique augmente quasi linéairement en fonction de la teneur en argile du sol car celle-ci demande plus d’eau pour maintenir l’ouvrabilité requise. D’après la figure 1b, la conductivité hydraulique du matériau peut-être estimée avec précision à partir du diamètre des pores (Ø) et de la porosité (η) (Costa, 2006). Avec Ø obtenu par porosité au mercure et défini comme le diamètre caractéristique des pores les plus fins (premier pic). Les valeurs de conductivité hydrauliques expérimentales « k exp » et celles estimées par intrusion de mercure « k est » (Éq. (2)) sont en effet relativement proches. (2)

thumbnail Fig. 1

Répartition des diamètres de pores obtenus par intrusion de mercure (a) et valeurs expérimentales / théoriques de conductivité hydraulique (b) pour différents mélanges.

Pores diameters distribution obtained by mercury intrusion (a) and experimental/theoretical values of hydraulic conductivity (b) for different mixtures.

4 Caractérisation mécanique du matériau avec une approche prédictive

La résistance en compression simple et le module d’élasticité sont les deux principales caractéristiques sur lesquelles se base le dimensionnement d’ouvrages structurels réalisés par la méthode du Deep Soil Mixing (Porbaha et al., 2000). Les paramètres des relations proposés dans l’Eurocode 2 demeurent toutefois inadaptés au caractère spécifique des mélanges sol-ciment. Cette étude propose donc d’améliorer les modèles existants, sachant que l’évolution de la résistance en compression est logarithmique en fonction du temps (Hayashi et al., 2003) et que les méthodes non destructives donnent rapidement accès aux propriétés mécaniques du matériau (Guimond-Barrett et al., 2013). La relation de l’Eurocode 2 concernant l’évolution de la résistance en compression en fonction du temps dépend du type de ciment utilisé, par l’intermédiaire d’un coefficient s (Éq. (3)). La démarche consiste à adapter l’équation au cas des bétons de sol en déterminant la valeur empirique de s par régression linéaire. En associant les résultats de cette étude à ceux de la littérature (Guimond-Barrett et al., 2012 ; Szymkiewicz et al., 2012), le coefficient s obtenu est de 0,71 avec le ciment CEMIII/C pour un total de 372 essais en compression (Fig. 2a). L’utilisation de l’équation (3), implique donc de connaître la résistance en compression après 28 jours de cure endogène (fc28). (3)

Une corrélation entre la valeur des vitesses d’ondes P en m/s et la résistance en compression en MPa (Éqs. (4) et (5)) montre qu’un couplage avec la masse volumique humide en kg/m3 (ρh) améliore sensiblement l’estimation de fc. Pour l’équation (4), la plus grande dispersion est liée aux paramètres de formulation qui influent sur Vp en modifiant la porosité et les caractéristiques intrinsèques du matériau. La vitesse des ondes P dans le quartz est en effet de l’ordre de 6000 m/s dans le quartz et de seulement 2000 m/s dans l’argile. De la même manière, pour estimer la valeur du module d’élasticité statique (E), il est préférable d’utiliser la relation de l’Eurocode 2 pour les bétons légers qui tient compte de la masse volumique (Fig. 2b). Une nouvelle relation est proposée en adaptant la formule de l’Eurocode 2 aux matériaux sol-ciment (Éq. (6)). Le coefficient de détermination proche de 1, atteste de la précision du modèle. (4) (5) (6)

thumbnail Fig. 2

Prédiction de la résistance en compression en fonction du temps de cure (a) et relation entre fc et E en tenant compte de la masse volumique sèche (b).

Prediction of the compressive strength as a function of curing time (a) and relation between fc and E taking into account the dry density (b).

5 Classes de durabilité sur la base de vieillissements accélérés

Les principaux risques de dégradation du matériau sol-ciment ont été identifiés dans la littérature comme étant liés aux cycles humidification / séchage et gel / dégel, aux phénomènes de carbonatation et de lixiviation, et aux contaminants des sols (Denies et al., 2015). Dans l’optique d’évaluer la durabilité du matériau, une partie des éprouvettes sol-ciment confectionnées ont donc été soumises à des cycles humidification / séchage (H/S) et à des attaques sulfatiques externes. Ces essais de vieillissement accéléré débutent après 180 jours de conservation endogène, afin que les réactions d’hydratation particulièrement lentes du CEMIII/C n’interfèrent pas avec l’endommagement du matériau. Les cycles H/S consistent à immerger les éprouvettes pendant 2 jours dans de l’eau à 20 °C puis à les sécher pendant 2 semaines en étuve à 20 °C et 50 % HR. Les essais en condition d’attaques chimiques consistent à immerger les éprouvettes dans une solution avec 25 g/l de sulfates de sodium, en renouvelant cette solution tous les 2 mois.

La figure 3 illustre l’effet des cycles H/S et des attaques sulfatiques sur le matériau sol-ciment. Les cycles H/S entrainent une diminution de la vitesse de propagation des ondes P qui traduit un endommagement par microfissuration, plus rapide avec 200 kg/m3 de ciment. Pour un dosage en ciment d’au moins 300 kg/m3 et une teneur en argile d’au plus 10 %, le matériau conserve 80 % de sa résistance en compression initiale (Helson et al., 2018b). À partir d’un certain seuil de fissuration la vitesse des ondes P des éprouvettes K25 n’est plus mesurée car la limite de mesure de l’appareil est atteinte. Pour ces formulations, une plus grande quantitée de ciment retarde considérablement la chute de Vp. Toutefois, après respectivement 5 et 15 cycles H/S le séchage atteint le coeur de l’éprouvette K25C200 et K25C300. Un palier ou une chute importante de Vp est alors observé, la fissuration due aux déformations différentielles entre la pâte de ciment et le sable devenant prépondérante par rapport à l’influence du gradient de retrait entre la surface et cœur de l’éprouvette. L’immersion des éprouvettes dans la solution agressive provoque un gonflement important pour les formulations dont le sol contient 25 % d’argile. La formation d’ettringite est clairement favorisée par la présence d’argile mais se traduit assez tardivement par un gonflement (plus d’un an), en raison de la forte porosité du matériau. Ces résultats semblent confirmer que la kaolinite participe à la formation de cristaux d’ettringite en libérant de l’alumine réactive en solution (Puppala et al., 2005). L’ensemble des formulations sont toutefois conformes au guide du LCPC, puisque la déformation des éprouvettes est inférieure à 0,4 ‰ après 12 mois d’immersion.

Au-delà d’une fraction argileuse de 10 %, des problèmes de durabilité peuvent être rencontrés selon la valeur du dosage en ciment. Sur la base des essais de vieillissement accéléré, la figure 4 propose un système de classification avec plusieurs indicateurs de durabilité. La résistance en compression simple n’est pas un paramètre suffisamment sensible en matière de durabilité (Guimond-Barrett, 2013), elle n’est donc pas prise en compte. Lorsque la porosité du matériau et sa conductivité hydraulique sont supérieures à respectivement 40 % et 10−9 m/s, la durabilité du matériau est compromise. D’autres paramètres comme le retrait (ε), la vitesse des ondes P (Vp), le module d’élasticité (E), et la masse volumique (ρ) complètent l’analyse en augmentant la probabilité de choisir la bonne classe.

thumbnail Fig. 3

Évolution de la vitesse des ondes P au cours des cycles H/S (a) et variations dimensionnelles en fonction du temps d’immersion dans la solution sulfatée (b).

Evolution of P-wave velocity during W/D cycles (a) and dimensional changes as function of the immersion time in sulphated solution (b).

thumbnail Fig. 4

Classes de durabilité multiparamétriques.

Multi-parametric durability class.

6 Comportement à haute température en cas d’incendie en parking souterrain

La technique du Cutter Soil Mixing est utilisée en Belgique et en Hollande pour réaliser des structures de soutènement permanentes, pour des applications telles que les parkings souterrains. En France, ces ouvrages sol-ciment sont renforcés par des profilés métalliques et une paroi de revêtement en béton projeté (De Fundações, 2012). Bien que protégé en surface, le matériau est donc potentiellement exposé à de hautes températures en situation d’incendie. Des tests de caractérisation mécanique ont donc été effectués après avoir soumis des éprouvettes sol-ciment à des cycles de chauffage / refroidissement. La figure 5 présente l’évolution de la résistance en compression simple suite à un chauffage à 0,5 °C/min, pour différents paliers de température (300, 450 et 600 °C).

Pour les éprouvettes contenant de l’argile, la résistance en compression est peu influencée par le chauffage à 300 °C. À ce stade, l’argile se densifie et limite la microfissuration du matériau. En revanche, une importante chute de résistance en compression est observée entre 300 et 600 °C, en raison des contraintes générées par l’augmentation des gradients thermo-hydriques. Pour les éprouvettes sable-ciment, la résistance en compression simple diminue linéairement en fonction de la température. Ce comportement s’explique par une microfissuration et une déstructuration de la matrice cimentaire beaucoup plus rapides (décohésion sable-matrice). Après un chauffage à 600 °C, la résistance en compression simple résiduelle vaut 45 % de la valeur initiale de fc en présence d’argile, et seulement 25 à 36 % en absence d’argile selon le dosage en ciment. L’argile atténue donc la diminution de résistance en cas d’incendie. Les propriétés élastiques du matériau sont toutefois considérablement affectées puisque, quelle que soit la formulation, le module d’élasticité diminue de 84 % entre 20 et 300 °C (Helson, 2017). La forte porosité du matériau sol-ciment et la finesse de ses granulats sont donc favorables en matière de comportement à haute température, mais en raison d’une plus grande quantité de pâte de ciment l’endommagement est plus rapide que celui d’un béton ordinaire.

thumbnail Fig. 5

Influence de la température de chauffage sur la résistance en compression.

Influence of heating temperature on unconfined compressive strength.

7 Conclusion

L’objectif de ce travail de recherche était d’apporter une aide au dimensionnement des ouvrages en matériau sol-ciment. Dans ce contexte, une étude expérimentale paramétrique a permis d’établir des modèles de prédiction et des potentiels de durabilité. Dans des conditions de cure endogène, la conductivité hydraulique varie entre 2,10−9 et 10−10 m/s après 180 jours de maturation. Les résultats montrent que les forts dosages en eau rencontrés en Deep Soil Mixing induisent une forte interconnexion des pores. La conductivité hydraulique du matériau est donc particulièrement bien corrélée avec la porosité et le diamètre caractéristique des pores. Les caractéristiques mécaniques du matériau (fc = [2–15] MPa et E = [5–22] GPa) sont plus faibles que celles d’un béton ordinaire. Les modèles de prédiction proposés dans l’Eurocode 2 ont donc été adaptés au caractère spécifique des bétons de sol. Sur la base d’un grand nombre de données, il est ainsi possible de prédire l’évolution de la résistance en compression en fonction du temps à partir d’un essai en compression au jeune âge. La corrélation entre les propriétés élastiques (Vp et E) et la résistance en compression est particulièrement bonne, en tenant compte de la masse volumique. Ces relations ne sont en revanche pas valables lorsque le matériau subit un endommagement (conditions d’exposition hostiles ou chargement mécanique). Des essais de vieillissement accéléré ont notamment montré que suivant les paramètres de formulation, le matériau était plus ou moins endommagé par dessiccation (séchage) ou gonflement (sulfates). Des classes de durabilité ont été établies d’après les propriétés résiduelles obtenues suite aux cycles humidification / séchage et aux attaques chimiques. Dans une dernière partie, le matériau a également fait l’objet d’une étude à haute température. La chute des propriétés mécaniques en fonction de la température (jusqu’à 600 °C) est analysée. Pour le matériau sol-ciment, la résistance en compression est moins impactée en présence d’argile. En revanche, l’endommagement est plus rapide en comparaison avec un béton ordinaire.

L’une des principales perspectives de ce travail de recherche est de valider les relations prédictives et les classes de durabilité proposées, en effectuant des tests sur un matériau sol-ciment prélevé in situ.

Remerciements

Les auteurs remercient la Fondation Université de Cergy-Pontoise qui abrite la chaire « Constructions, Matériaux et Innovations » pour avoir accompagné ce travail de recherche.

Références

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Citation de l’article : Olivier Helson, Javad Eslami, Anne-Lise Beaucour, Albert Noumowe, Philippe Gotteland. Étude parametrique de matériaux modèles : aide au dimensionnement des ouvrages souterrains issus de mélanges sol-ciment. Rev. Fr. Geotech. 2020, 162, 2.

Liste des tableaux

Tableau 1

Composition des mélanges sol-ciment testés. Caractéristiques du sol (S = sable et K = kaolinite), dosages en ciment (C) et en eau (E).

Composition of soil-cement mixtures tested. Soil characteristics (S = sand and K = kaolinite), cement (C) and water content (E).

Liste des figures

thumbnail Fig. 1

Répartition des diamètres de pores obtenus par intrusion de mercure (a) et valeurs expérimentales / théoriques de conductivité hydraulique (b) pour différents mélanges.

Pores diameters distribution obtained by mercury intrusion (a) and experimental/theoretical values of hydraulic conductivity (b) for different mixtures.

Dans le texte
thumbnail Fig. 2

Prédiction de la résistance en compression en fonction du temps de cure (a) et relation entre fc et E en tenant compte de la masse volumique sèche (b).

Prediction of the compressive strength as a function of curing time (a) and relation between fc and E taking into account the dry density (b).

Dans le texte
thumbnail Fig. 3

Évolution de la vitesse des ondes P au cours des cycles H/S (a) et variations dimensionnelles en fonction du temps d’immersion dans la solution sulfatée (b).

Evolution of P-wave velocity during W/D cycles (a) and dimensional changes as function of the immersion time in sulphated solution (b).

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thumbnail Fig. 4

Classes de durabilité multiparamétriques.

Multi-parametric durability class.

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thumbnail Fig. 5

Influence de la température de chauffage sur la résistance en compression.

Influence of heating temperature on unconfined compressive strength.

Dans le texte

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