Il y a environ trente ans, la communauté française a redécouvert l’existence et l’importance de son patrimoine de digues de protection contre les inondations, fluviales, maritimes et torrentielles, à l’occasion de crues sur le Rhône aval ayant endommagé les digues de Camargue et inondé son delta. Depuis, les épisodes se sont multipliés dans des contextes géographiques divers, et parfois de manière répétée sur certains secteurs : Rhône aval en octobre 1993, janvier 1994, décembre 2003, Gard et Rhône septembre 2002, Aude 1999, Agly 1999, 2013, 2014 et 2020, tempête Xynthia 2010, crues torrentielles de juin 2013 dans les Pyrénées, pour ne citer que les plus importants en termes de conséquences humaines ou matérielles. Ces événements récents sont survenus après plus d’un siècle de « tranquillité », les derniers événements majeurs de crue mettant en jeu des digues datant du XIX^e siècle, même si d’autres événements ont pu amener à des prises de conscience du patrimoine de digues et à des actions de reprise en main plus locales, comme par exemple sur la Loire dans les années 1960 ou dans le Centre-ouest du pays suite aux crues de 1982–1983.

Suite ces différents évènements parfois très récents, un constat a été fait de l’importance du patrimoine (recensement national lancé en 1999) des besoins en corpus scientifique et technique et d’organisation de la gouvernance (réglementation technique et organisation de la gestion des ouvrages à travers la compétence GEMAPI). Des évolutions conséquentes ont eu lieu dans tous ces domaines, entre autres la communauté scientifique et technique a produit de nombreuses avancées marquantes dans les connaissances et les pratiques. L’objectif de toutes ces actions étant une meilleure sûreté et efficacité de ces ouvrages et systèmes de protection.

Le colloque Digues 2024, qui se tient après quelques années d’exercice de la compétence GEMAPI, est le quatrième colloque national sur ce sujet, après 2004 à Orléans et 2013 et 2019 à Aix en Provence. Pour l’édition 2024, le colloque intègre explicitement et pour la première fois les ouvrages de stockage provisoire des eaux de crues (barrages écrêteurs et autres bassins de stockage, éventuellement organisés en systèmes complexes).

Comme les éditions précédentes, il a pour objet de partager les connaissances et les bonnes pratiques. C’est une vitrine de la communauté œuvrant sur les digues au niveau français, avec une ouverture à l’international, qui regroupe tous les professionnels concernés par le domaine : personnels des sociétés d’ingénierie, chercheurs et universitaires, élus et techniciens des organisations en charge de la gestion et de l’exploitation des systèmes de protection, entreprises de travaux, prestataires de services, services de l’État en charge du contrôle des ouvrages ou de la gestion des risques. Cette communauté plurielle réunie dans un même évènement fait une richesse de ces journées.

Le colloque permet d’établir un état des lieux en particulier sur :

• l’organisation des gestionnaires et des autorités compétentes ;

• le retour d’expérience sur des événements récents ;

• les projets de confortement ou de construction d’ouvrages ;

• récents ou en cours de conception ou de réalisation ;

• les résultats et avancées en matière d’analyse, d’évaluation et de gestion des risques, de la vulnérabilité et de la résilience des territoires et leur application dans les études de dangers des systèmes d’endiguement et des aménagements hydrauliques de stockage provisoire des eaux ;

• les résultats et avancées techniques, technologiques et scientifiques dans les différents domaines géomécanique, génie civil et hydraulique, en lien avec les systèmes et ouvrages de protection fluviaux, torrentiels et maritimes, incluant les résultats et avancées des nombreux projets de recherche récents ou en cours dans le domaine.

Les communications ont été regroupées en sept thèmes faisant l’objet de sessions individualisées pendant le colloque et de chapitres séparés dans le recueil des résumés. Le Comité Scientifique a travaillé en sous-groupes pour la sélection, les relectures et la mise au point du programme, chacun étant chargé d’un thème particulier parmi :

• Gouvernance et organisation ;

• Ouvrages et systèmes de protection et stratégies de gestion des risques inondations ;

• Connaissance et modélisation des aléas naturels ;

• Connaissance, y compris retour d’expérience, et modélisation des modes de rupture, des mécanismes et scénarios de défaillance des ouvrages et des systèmes ;

• Reconnaissances, surveillance, auscultation, diagnostic, des digues, aménagements hydrauliques et ouvrages associés (aide à la décision 1 – ouvrages) ;

• Analyses de risque, Analyses Coûts Bénéfices, Analyses MultiCritères (aide à la décision 2 – systèmes) ;

• Confortement et travaux sur les ouvrages et systèmes.

Quatre-vingt-dix-neuf articles ont été retenus au total pour publication et présentation au colloque sous forme de présentation orale ou de poster avec ou sans présentation flash en séance.

Une sélection d’articles en lien avec la géotechnique a été effectuée, certains thèmes étant plus particulièrement concernés. Cette sélection fait l’objet de ce numéro spécial de la Revue Française de Géotechnique. Elle réunit les meilleurs articles dans le champ de la géotechnique, soumis au colloque et sélectionnés par le Conseil Scientifique. Ils concernent des innovations dans les essais géotechniques in situ et de laboratoire, des méthodes d’auscultation remarquables, et des techniques innovantes pour la conception et la réalisation d’ouvrages de protection.

Perspectives d’avenir

Les progrès réalisés depuis une trentaine d’année sont conséquents mais ils méritent d’être poursuivis. La communauté des digues et ouvrages de protection contre les inondations a désormais une existence bien établie. À l’échelle nationale, la prise en main depuis le début des années 2000 du sujet des digues par le CFBR, qui regroupe tous les types professionnels concernés par le sujet, et la création de l’association France Digues en 2013 qui regroupe les structures gestionnaires assurent un cadre d’échange permanent. À l’échelle internationale, le Club Européen de la CIGB¹ (EurCOLD) abrite un groupe de travail « Digues et ouvrages de protection contre les inondations » et la CIGB (ICOLD) un Comité Technique sur les digues. De nombreux projets de recherche nationaux ou internationaux concernent ces ouvrages particuliers. Gageons que la dynamique qui s’est créée se poursuivra, et espérons qu’elle ne s’essoufflera jamais ; l’histoire l’a montré que de nombreuses années ou décennies sans crue majeure peuvent faire oublier le risque, et des digues oubliées ne sont plus des digues fiables.

Rémy Tourment – Président du Comité Scientifique du colloque Digues 2024

Laurent Peyras – Président du Comité d’Organisation du colloque Digues 2024

Muriel Gasc-Barbier – Éditeur en chef invité

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