Ce numéro spécial de la Revue Française de Géotechnique regroupe la sélection de quatre articles portant sur la conception et la construction des ouvrages en sols fins. Ces articles font suite aux travaux de recherche réalisés dans le cadre du projet ANR Terredurable (2012 à 2017). Pour rappel, ce projet visait à améliorer la connaissance du comportement des sols fins compactés utilisés dans la conception et la construction des ouvrages en terre comme les barrages, les digues ou les remblais d’infrastructures routières et ferroviaires.

Ces articles sont représentatifs du déroulement d’une recherche appliquée, depuis les aspects théoriques à l’échelle granulaire, en passant par les expérimentations en laboratoire et in situ, la conception et la construction d’un barrage et le retour d’expérience dans le cas d’une rupture.

À noter que dans le domaine de la recherche appliquée en géotechnique, les ouvrages en terre sont souvent un peu délaissés au profit des grands ouvrages du type sol-structure. Pour autant, les enjeux en termes d’environnement, de sécurité et d’économie sont primordiaux pour les ouvrages en sols fins. En effet, ces ouvrages en terre peuvent s’avérer relativement complexes du point de vue de leur conception théorique et des protocoles de construction. Ces articles mettent bien en valeur ce point.

Le premier article (Monnet et al.), s’intéresse à la modélisation théorique de la courbe de rétention. En effet, la relation entre la succion et la teneur en eau est un élément essentiel du comportement des sols non saturés. Cet article propose une approche physique pour la modélisation des sols non saturés, basée sur un sol constitué d’un assemblage de particules sphériques et faisant appel à des paramètres physiques faciles à mesurer, plutôt qu’une approche classique des courbes de rétention basée sur des corrélations expérimentales. Ainsi le modèle proposé, appliqué à deux exemples de sols différents, permettrait de définir une courbe de rétention sans aucune mesure de succion. Il s’agit donc d’une nouvelle voie de recherche pour modéliser le phénomène physique de rétention avec un nombre de paramètres expérimentaux limité et ayant tous une signification physique.

Le deuxième article (Boutonnier et al.), expose les résultats d’une recherche expérimentale sur l’influence du sens de compactage pour un limon. Cette recherche s’appuie sur de nombreux essais de laboratoire et sur les résultats d’une planche d’essai instrumentée permettant notamment d’observer l’état de contrainte et de déformation du sol au passage du compacteur. Il en ressort que la mise en œuvre d’un compactage alterné (du type aller-retour) génère des défauts de compactage, expliqués par des phénomènes de cisaillement. Ces défauts, déjà observés par les entreprises spécialistes des terrassements, conduisent à des performances mécaniques moindres sur l’ouvrage construit. Cet article permet de faire évoluer les procédures de construction des ouvrages sensibles tels que les digues ou les barrages en sols fins.

Le troisième article (Kham et al.) expose la modélisation numérique du glissement survenu lors de la construction du barrage de Mirgenbach. Bien que ce cas d’étude soit ancien (plus de quarante ans), il est suffisamment documenté pour être utilisé pour la validation d’une modélisation de la construction d’un barrage en argile et permettant de prédire une rupture. Cette modélisation s’appuie sur un modèle de sol quasi-saturé prenant en compte l’air occlus après compactage, dont le domaine d’application est le côté humide de la courbe Proctor ce qui correspond à la pratique de construction des digues et barrages en sols fins. Cette modélisation, effectuée avec Code_Aster (EDF), a fait preuve de son aptitude à détecter un comportement critique conduisant à la rupture du barrage. Cette approche calculatoire est très utile pour les études de sensibilité et pour donner des indications pertinentes pour le suivi de la construction. Elle constitue aussi une aide à la décision pour le diagnostic du comportement singulier de barrages en argile.

Le dernier article (Fry) relate l’historique de la construction du barrage cité ci-avant et expose méthodiquement les retours d’expérience et les recommandations applicables lors de la construction de barrages en argile. Il en résulte notamment que les contrôles des teneurs en eau doivent être stricts et sans dérogation, contrôles basés sur la méthode de Hilf. Il convient aussi d’assurer le suivi des résistances non drainées étalonnées et il est primordial qu’une inspection visuelle permette de vérifier l’absence de feuilletage lié au protocole de compactage. Les études doivent comprendre l’analyse précise des conditions de séchage des argiles et la réalisation de planche d’essais qui confirment les hypothèses de compactage en laboratoire. Enfin, la fiabilité et l’efficacité de l’instrumentation passent par une redondance des points de mesure, tant pour les cellules de pression interstitielle que pour les mesures des déformations de l’ouvrage.

En définitive,ces articles illustrent l’importance de poursuivre les recherches pour mieux maîtriser le comportement des sols fins compactés et la modélisation théorique de ce comportement pour tendre vers une conception d’ouvrages robustes et fiables, ceci dans des conditions économiques acceptables.

Au-delà des aspects théoriques et de la conception, il est essentiel de maîtriser la construction en se basant sur des expérimentations in situ, comme les planches d’essai, et sur l’élaboration de procédures de contrôle précises. Il convient également de s’appuyer largement sur les retours d’expérience des professionnels de la construction, souvent très riches d’enseignements.

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