Accès gratuit
Numéro
Rev. Fr. Geotech.
Numéro 155, 2018
Numéro d'article 1
Nombre de pages 15
DOI https://doi.org/10.1051/geotech/2018007
Publié en ligne 30 octobre 2018

© CFMS-CFGI-CFMR-CFG, Published by EDP Sciences 2018

1 Introduction

Les tunnels en tranchées couvertes, les stations de métro comme les parkings souterrains, sont, en milieu urbain, souvent construits dans un environnement bâti sensible qu’il convient de préserver. La profondeur des fouilles comme la proximité d’immeubles, de canalisations et réseaux divers impose des contraintes strictes en termes de déplacement et tassement. Aussi, les parois de soutènement comportent souvent des niveaux d’ancrages multiples et les terrassements doivent être réalisés suivant un phasage bien défini. Les méthodes de dimensionnement les plus utilisées reposent soit sur l’hypothèse du coefficient de réaction soit sur l’approche en éléments finis ou différences finies. En raison des limites de l’hypothèse du coefficient de réaction, et de la question du choix du modèle de sol, la confrontation des résultats de ces deux approches au comportement effectif de ces ouvrages permet de cerner leur domaine d’application et leurs limites.

Bien que pénétrant dans la nappe, les configurations de tranchées couvertes présentées ici concernent des ouvrages qui ne sont pas soumis à des gradients d’écoulement, l’action de l’eau se limitant à des diagrammes hydrostatiques de part et d’autre des parois de soutènement (Sect. 4.1). Par ailleurs, et à l’exception d’un seul des sites considérés (Sect. 4.1.2), les parois de soutènement étudiées ici n’ont pas subi de fluage notable, soit qu’il s’agisse de palplanches métalliques, soit qu’elles étaient maintenues par plusieurs niveaux de butons métalliques.

2 Le dimensionnement des parois de soutènement

Avec le développement des outils de calcul numériques, les méthodes de calcul dites classiques des rideaux de soutènement, dont on trouvera une description dans Delattre (1999), ont été progressivement remplacées par l’approche basée sur le coefficient de réaction et les approches en continuum du type différences finies ou éléments finis, qui permettent de traiter le cas des écrans à appuis multiples, passifs ou précontraints, en prenant en compte les caractéristiques de l’écran et le phasage de réalisation.

L’approche au coefficient de réaction dont une version simplifiée a été introduite par Haliburton (1968) a fait l’objet en France de développements débouchant sur divers logiciels tels que RIDO (Fages et Bouyat, 1971), Dénébola (Balay et al., 1982) et K-Réa (2018) qui sont actuellement largement utilisés pour dimensionner les parois de soutènement. Cette approche suppose que la pression de contact sol-paroi σh en un point de l’écran est normale à celui-ci et varie linéairement avec le déplacement horizontal y de ce point. Cette pression est limitée par les pressions actives et passives, avec prise en compte d’un comportement irréversible lorsque la poussée ou la butée sont atteintes (Fig. 1). Cependant, cette hypothèse pose un problème fondamental, dans la mesure où elle n’est pas physique, la pression en un point au contact sol-écran ne dépendant évidemment pas du seul déplacement de ce point, et de plus, elle peut être localement inférieure à la poussée ou supérieure à la butée. Il en découle que le coefficient de réaction Kh ne peut pas être mesuré et est estimé à partir de diverses approches empiriques.

Grâce à l’augmentation de la puissance de calcul des ordinateurs et du développement des interfaces d’entrée-sortie, les approches en différences finies ou éléments finis sont progressivement adoptées pour dimensionner les parois de soutènement, dès lors notamment que le contexte de l’ouvrage est complexe. Si le principe de cette approche ne pose pas de problème similaire à celui du coefficient de réaction, la question posée est celle du niveau de complexité du modèle de sol nécessaire pour représenter correctement le comportement de ces ouvrages.

Le modèle élastique linéaire – parfaitement plastique avec critère de Mohr-Coulomb et loi d’écoulement non associée (noté EL-MC par la suite), en dépit de ses limites, est encore fréquemment utilisé. Des modèles non linéaires, tels que le modèle HSM (Hardening Soil Model) implanté dans PlaxisTM (Schanz et al., 1999) apparaissent a priori mieux adaptés au comportement des terrains mis en jeu lors du creusement de fouilles protégées par des parois. On en trouve par ailleurs des variantes proches dans la plupart des logiciels géotechniques par éléments finis ou différences finies.

Par rapport au modèle EL-MC, en vue de la modélisation des rideaux de soutènement, ce modèle présente notamment les améliorations suivantes :

  • une évolution non linéaire du module avec la déformation de cisaillement ;

  • une augmentation du module en fonction de la contrainte moyenne ;

  • la prise en compte d’un module plus élevé en déchargement-rechargement.

Les limites de l’hypothèse du coefficient de réaction comme le problème du choix du modèle de sol nous ont conduit à mettre en place des sections expérimentales sur les tranchées couvertes du métro de Lyon (Kastner, 1982), puis plus tard de Toulouse (Vanoudheusden et al., 2005) afin de confronter le résultat de ces approches à la réalité du terrain. En parallèle, une campagne d’essais sur un modèle réduit nous a permis d’éclairer certains aspects du comportement des parois de soutènement en explorant un large éventail de configurations.

thumbnail Fig. 1

Principe de l’approche au coefficient de réaction.

Principle of the subgrade reaction approach.

3 Les essais sur modèle

Pour cette étude, c’est le modèle réalisé avec le matériau bi-dimensionnel de Schneebeli qui a été retenu. Constitué de rouleaux en inox de 3 à 5 mm de diamètre, ce matériau a un angle de frottement faible, de 21°, une cohésion nulle, une forte dilatance et une densité élevée égale à 6,5. En dépit de ses limites, notamment vis-à-vis des règles de similitude, son avantage majeur est sa facilité de mise en place dans des conditions bien contrôlées (Masrouri, 1986). On obtient ainsi une excellente répétabilité des essais, ce qui permet de faire des comparaisons pertinentes entre diverses configurations.

Un rideau en aluminium de 0,8 m de haut est mis en place dans un bâti de 2 m de large sur 1,5 m de hauteur (Fig. 2). La mesure précise du déplacement de la paroi, de sa courbure et des efforts d’appui permet de déterminer sa déformée ainsi que le diagramme de pression différentielle avec le logiciel Palplan (Boissier et al., 1978).

thumbnail Fig. 2

Le modèle réduit de paroi de soutènement.

The small-scale retaining wall model.

3.1 Résultats du modèle réduit

Le programme des essais comprend un large éventail de configurations : rideaux autostables, rideaux maintenus par un ou deux niveaux d’ancrages ou butons, soit passifs soit précontraints. Les résultats complets sont décrits dans (Masrouri, 1986, Masrouri et Kastner, 1991). Seuls trois essais caractéristiques seront présentés ici.

3.1.1 Essai avec 1 buton de faible raideur axiale

La faible raideur axiale du buton autorise un déplacement latéral important par rapport à la déformée (Fig. 3). Cette configuration permet le développement progressif des diagrammes de poussée et butée classiques côté terre et côté fouille, avec une mobilisation totale de la butée lorsque la rupture est imminente pour une excavation de 55 cm. La comparaison de la pression différentielle mesurée aux valeurs théoriques de poussée et butée confirme l’angle de frottement de 21° et la cohésion nulle, mesurée par essais biaxiaux.

thumbnail Fig. 3

Essai avec un buton de faible raideur axiale.

Test with a low axial stiffness strut.

3.1.2 Essai avec 2 butons de forte raideur axiale

Dans cet essai, le rideau est bloqué en tête par les deux niveaux de butons, alors que sa fiche se déplace vers la fouille avec la progression de l’excavation. À 40 cm d’excavation, le deuxième buton n’est pas encore posé. La pression au niveau de ce buton est alors proche de la poussée théorique (Fig. 4b). Dans le plan de réaction qui relie la pression en ce point au déplacement (Fig. 4d), cette pression est conforme, aux incertitudes de mesure près, à la courbe de réaction théorique. Lorsque l’excavation atteint 60 cm, le rideau, bloqué dans sa partie supérieure, s’écarte cependant faiblement au niveau du deuxième buton (Fig. 4a). Suivant l’hypothèse du coefficient de réaction, la pression devrait alors rester égale à la poussée. En fait, la courbe de pression différentielle montre au contraire une forte augmentation de la pression (Fig. 4c). Dans le plan de réaction, cela se traduit par le chemin BC, qui s’éloigne fortement alors de la courbe de réaction théorique. Cet essai est ainsi une belle illustration de l’effet de voûte décrit par de nombreux auteurs, mais surtout un exemple de comportement qui ne peut pas être représenté par le modèle au coefficient de réaction.

thumbnail Fig. 4

Essai avec 2 butons de forte raideur axiale.

Test with 2 struts of high axial stiffness.

3.1.3 Essai avec 2 butons précontraints

Le troisième essai caractéristique concerne un rideau maintenu par deux butons précontraints. On note dès 30 cm d’excavation une forte pression à l’arrière du rideau, engendrée par la précontrainte du premier buton. Ce diagramme s’étend vers le bas lors de la pose du deuxième buton précontraint, et reste ensuite sensiblement constant jusqu’à l’excavation finale (Fig. 5). Il ne s’agit pas ici d’un effet voûte mais d’un diagramme de pression induit directement, et donc contrôlé, par le niveau de précontrainte des appuis. Le même comportement a été observé avec des ancrages précontraints.

thumbnail Fig. 5

Essai avec 2 butons précontraints – évolution de la pression différentielle avec l’excavation.

Test with 2 prestressed struts – evolution of differential pressure with excavation.

3.2 Rétro analyse

Ces résultats ont été confrontés aux approches au coefficient de réaction, d’une part, et par éléments finis, d’autre part. Dans les deux cas, un calage initial par rétro analyse a été réalisé sur des essais sans effet de voûte, en minimisant les écarts entre mesures et calculs pour l’effort de butonnage et la pression différentielle.

Que ce soit pour l’approche au coefficient de réaction ou par éléments finis, les caractéristiques à la rupture ont été fixées à ϕ = 21° et c = 0, conformément aux diagrammes de pression active et passive observés.

3.2.1 Calcul au coefficient de réaction

Pour l’approche au coefficient de réaction (Masrouri, 1986), le seul paramètre de calage restant est Kh. La rétro analyse sur des essais sans effet de voûte conduit à la valeur Kh/σv = 1500 m−1.

Avec ces paramètres, l’approche au coefficient de réaction a été confrontée aux différentes configurations testées sur le modèle réduit. Deux résultats caractéristiques sont présentés sur la figure 6.

Dans le cas de deux butons passifs (Fig. 6a), le résultat confirme logiquement que cette approche ne peut pas représenter l’effet de voûte, ce qui se traduit concrètement par une sous-estimation de 35 % des efforts d’appui. On peut noter cependant que le diagramme de moment fléchissant calculé reste relativement proche de celui mesuré, malgré des écarts importants sur les efforts d’appui (Masrouri, 1986). Cela s’explique par le fait que la sous-estimation des efforts d’appui coté fouille est compensée en partie par la sous-estimation de la pression du sol coté terres.

En revanche, dans le cas des butons précontraints (Fig. 6b), malgré l’hypothèse très pauvre du coefficient de réaction, le calcul décrit correctement le comportement observé. Cela s’explique par le fait que, dans ce cas, ce sont les efforts directement imposés par la précontrainte des appuis qui contrôlent le diagramme de pression à l’arrière de l’écran.

thumbnail Fig. 6

Approche au coefficient de réaction : confrontation aux observations.

Subgrade reaction approach: comparison with observations.

3.2.2 Calcul par éléments finis

Lors de la rétro analyse par éléments finis (Zghondi et al., 2008, Zghondi, 2010), le calage a été effectué sur le module d’Young E pour le modèle EL-MC. Pour le modèle HSM, les tests préliminaires ont montré que le paramètre ayant une influence majeure est le module de référence E50ref. Les tests effectués sur les autres paramètres, et en particulier sur la dilatance ayant montré que leur influence apparaissait du second ordre par rapport à E50ref, les valeurs proposées par défaut ont été retenues (Tab. 1).

Pour l’essai avec 2 butons passifs (Fig. 7a), le modèle EL-MC décrit bien un effet de voûte, mais en accentue localement les effets. En revanche, le modèle HSM reproduit très bien le comportement observé, que ce soit en termes de déformée, pression passive et efforts d’appui.

Dans le cas des butons précontraints (Fig. 7b), le modèle EL-MC conduit toujours à des concentrations d’effort trop localisées, alors que le modèle HSM reproduit là encore le comportement observé.

Finalement confronté à tous les essais à deux butons qui sont les plus délicats à modéliser, le modèle HSM décrit les efforts et les pressions différentielles mesurés avec un écart dépassant rarement 10 %, alors que l’approche au coefficient de réaction est mise en défaut dès lors que les appuis sont passifs.

Tableau 1

Modèle réduit : paramètres du modèle HSM.

Small scale model: Hardening Soil Model parameters.

thumbnail Fig. 7

Modélisation par éléments finis : confrontation aux mesures.

Finite element modelling: comparison with measurements.

4 Observations sur chantiers et retours d’expérience

Dans le cadre des travaux du métro de Lyon, divers ouvrages en palplanches, en parois préfabriquées ou parois moulées situés en rive gauche du Rhône ont fait l’objet d’instrumentations et observations spécifiques, dans un contexte géologique et géotechnique similaire. Sous une faible épaisseur de remblais anthropiques, un horizon d’une quinzaine à une trentaine de mètres d’alluvions d’origine fluviatile surmonte le socle molassique (Fig. 8).

Le fuseau granulométrique des alluvions est étalé, mais s’arrête aux sables fins (Fig. 9). On y rencontre localement des horizons métriques plus sableux, mais aussi des strates décimétriques de gravillons crus qui confèrent à cet horizon une perméabilité horizontale très élevée, atteignant souvent 1 cm/s. Cette granulométrie ne permet pas de tester ces sols en laboratoire sur échantillons intacts, et, pour les travaux de la ligne A du métro, leur angle de frottement a été a priori évalué à 35° avec une cohésion nulle. À la suite de l’analyse des premiers sites instrumentés, des essais de cisaillement in situ ont été réalisés avec une boîte de 60 × 60 cm (Fig. 9). Un bilan de ces essais a été présenté par Bourdeau (1997). Si l’on considère les essais effectués à Lyon, en rive gauche du Rhône, les résultats sont assez dispersés en raison de leurs conditions de mise en œuvre : l’angle de frottement au pic est compris entre 26.5° et 37.5°, avec une cohésion allant de 3 à 20 kPa, les valeurs moyennes étant égales à ϕ = 32.5° et c = 12 kPa. À noter que sur le site de la Cité Judicaire de Lyon situé dans le même contexte géologique, une quarantaine d’essais au phicomètre ont conduit à des valeurs légèrement plus élevées, soit ϕ = 38° et c = 17.5 kPa.

thumbnail Fig. 8

Rive gauche du Rhône – coupe géologique type.

Left bank of the Rhône river – typical geological section.

thumbnail Fig. 9

Granulométrie des alluvions du Rhône et essai de cisaillement in situ.

Granulometry of the Rhône alluvium and in situ shear test.

4.1 Retours d’expérience sur les lignes A et B et D du métro de Lyon

Les lignes A, B et D du métro de Lyon ont été réalisées pour leur plus grande part en tranchée couverte, pénétrant généralement dans la nappe phréatique, avec des soutènements en palplanches, parois moulées et parois préfabriquées. En raison de la perméabilité très élevée des alluvions du Rhône dans lesquelles se situent ces tranchées, avec une perméabilité horizontale proche de 10−2 m/s, il n’est pas possible de mettre hors d’eau ces tranchées par simple pompage : les arrivées d’eau sont toujours fortement limitées soit par un radier injecté, soit en prolongeant les parois jusqu’au substratum molassique. Dans ces conditions, l’effet de l’eau sur les soutènements se limite à une différence de poussée hydrostatique de part et d’autre de la paroi.

4.1.1 Ligne A – site Ney

Tenant compte des kilomètres de soutènements projetés pour les lignes suivantes, et en raison du manque de recul sur la technique de la paroi préfabriquée, sur les caractéristiques des alluvions ainsi que sur la méthode de calcul au coefficient de réaction, la Semaly, maître d’œuvre, a décidé d’implanter une section instrumentée en rive gauche du Rhône (Kastner, 1982), à l’angle de la rue Ney et du Cours Vitton.

La fouille (Fig. 10) d’une dizaine de mètres de profondeur est protégée par des parois préfabriquées, complétées par un radier injecté afin de permettre la mise hors d’eau. Compte tenu de la proximité des immeubles existants, les données de dimensionnement retenues étaient raisonnablement prudentes avec un angle de frottement de 35° et une cohésion nulle. Afin de respecter la limite contractuelle d’un déplacement maximal de 20 mm de la paroi, le dimensionnement conduit à 3 niveaux de butons (Fig. 10a).

Ce site a fait l’objet d’une instrumentation complète et les mesures de moment, de déformée et d’effort dans les butons ont montré que ce soutènement était très largement surdimensionné, avec un déplacement maximal de 1,8 mm, 10 fois inférieur aux prévisions (Fig. 10b). De même, l’effort d’appui global ainsi que le moment fléchissant mesurés sont 5 fois inférieurs aux valeurs calculées.

En raison de la faiblesse de la déformée mesurée et de diverses incertitudes, portant notamment sur les caractéristiques du radier injecté, les rétro analyses n’ont pas permis ici de juger de la pertinence de l’approche au coefficient de réaction. Elles ont montré toutefois que seule l’attribution d’une cohésion de 20 kPa aux alluvions fluviatiles permet de retrouver les ordres de grandeur mesurés (avec ϕ = 35° et Kh = 105 kN/m3). Cette valeur de la cohésion se situe au maximum des valeurs obtenues lors des essais de cisaillement in situ.

Un autre site de soutènement en palplanches, situé à proximité (place Kléber) a fait l’objet d’une instrumentation similaire et a confirmé ce résultat (Kastner, 1982).

thumbnail Fig. 10

Site Ney – Déplacements et efforts d’appui calculés et mesurés.

Ney Site – Calculated and measured displacement and support efforts.

4.1.2 Ligne B – site Saxe-Gambetta

Lors de la construction de la ligne B, le retour d’expérience de la ligne A a été partiellement pris en compte : le dimensionnement des parois a été effectué avec ϕ = 35°, c = 20 kPa et Kh = 2.104 kN/m3.

Afin de vérifier la pertinence de ces valeurs, un site de cette ligne situé à l’angle du Cours Gambetta et de l’Avenue de Saxe a été instrumenté. Il s’agit d’un soutènement en paroi préfabriquée, avec un écran en coulis argile-ciment ancré de 3 m dans le substratum molassique pour permettre le rabattement de la nappe (Fig. 11a). À noter que le haut des parois en béton est situé à 3 m sous le terrain naturel et est prolongé par des parois en coulis armé par des IPN. Pour cette fouille légèrement plus profonde que celle du site Ney, le dimensionnement par l’approche au coefficient de réaction conduit à un seul niveau de butons, contre 3 pour le site Ney. Les résultats de la rétro-analyse (Fig. 11b) présentés en détail dans Kastner (1982) confirment globalement les résultats de la ligne A, et montrent une forte sensibilité à la cohésion qui a dû être augmentée à 25 kPa, valeur supérieure aux valeurs maximales mesurées in situ.

Un résultat a priori plus surprenant est qu’il a fallu attribuer à la paroi une raideur en flexion E.I. près de 2 fois supérieure à celle mesurée directement par un essai préalable de flexion de la paroi préfabriquée, confirmé par la valeur du module du béton mesuré sur éprouvettes. Cet écart peut être attribué au moins partiellement au modèle de calcul : le sol y est vu comme une surcharge externe, agissant normalement à la paroi, sans autre interaction. En fait, l’interface rugueux entre le sol et la paroi solidarise, au moins pour les faibles déflexions, le sol et la paroi. Le terrain crée ainsi une flexion de la paroi par sa poussée, mais simultanément, sa liaison en cisaillement avec la paroi le fait participer à la raideur en flexion de l’ensemble.

Par ailleurs, il faut noter que dans cette configuration proche d’un « écran butonné simplement buté », où le fonctionnement de la paroi peut être assimilé à une poutre isostatique sur deux appuis, le fluage du béton conduit à une augmentation progressive de la déformée du rideau si le soutènement définitif n’est pas mis en œuvre rapidement. Cette déformation différée a été effectivement mesurée sur ce site. Elle peut être simulée simplement par la prise en compte du module différé du béton.

thumbnail Fig. 11

Site saxe – Gambetta.

Saxe – Gambetta Site.

4.1.3 Ligne D – site Felix Faure

Les suivis expérimentaux effectués sur les lignes A et B ont montré l’importance de la cohésion pour le dimensionnement des rideaux de soutènement et ont permis d’évaluer par rétro-analyse la valeur de la cohésion et du coefficient de réaction des alluvions fluviatiles, à l’échelle des ouvrages, pour l’approche au coefficient de réaction. Cependant, en raison de diverses incertitudes (déformations et efforts très faibles, caractéristiques du radier injecté pour le site Ney, effort et moment fléchissant à l’interface entre la tête des parois béton et le prolongement en coulis armé pour le site Saxe-Gambetta), il n’a pas été possible sur ces exemples de mettre clairement en évidence les limites de l’approche au coefficient de réaction.

La ligne D a été l’occasion de tester un système de paroi préfabriquée original, mis en place sur le Cours Gambetta à proximité de l’intersection avec l’avenue Félix Faure, où la partie soutènement est constituée par des palplanches métalliques. La fouille de 11,3 m de profondeur est protégée par des palplanches de faible module, insérées dans une tranchée perforée au coulis argile-ciment, avec un ancrage de 4 m dans la molasse pour permettre la mise hors d’eau (Fig. 12).

Le projet initial reposait sur l’hypothèse que le complexe palplanche-coulis fonctionne comme une poutre composite, et que le module en flexion résultant était assez élevé pour qu’un seul niveau de butons soit suffisant. En raison de la forte différence de module entre le coulis et l’acier, on pouvait craindre qu’il y ait fissuration au contact coulis-palplanche, réduisant la raideur de la paroi à celle des palplanches seules. Dans ce dernier cas, 2 niveaux de butons sont nécessaires pour respecter la déformée contractuelle maximale de 20 mm.

Face à l’incertitude sur ce fonctionnement, la Semaly, maître d’œuvre, a proposé d’instrumenter ce rideau. À titre expérimental, sur le site instrumenté, considérant que les parois étaient suffisamment éloignées des immeubles riverains, le deuxième lit de butons a été conçu comme une sécurité, avec un jeu à la pose de 10 mm de chaque côté. Il ne devait être mis en compression que si la continuité paroi-coulis était rompue par fissuration du coulis.

L’équipement de la paroi a été conçu pour mesurer précisément son déplacement, mais aussi pour mettre en évidence le comportement du complexe coulis-palplanche. Il comporte des tubes inclinométriques fixés sur la palplanche, des extensomètres à corde vibrante fixés sur l’extrados et l’intrados des palplanches pour mesurer leur courbure, et des extensomètres adaptés à la raideur du coulis, qui ont été spécifiquement conçus et mis en place dans le coulis (Fig. 13).

thumbnail Fig. 12

Coupe de la fouille du site Félix Faure.

Section of Felix Faure excavation.

thumbnail Fig. 13

Site Félix Faure : Équipement expérimental.

Félix Faure site: monitoring instrumentation.

4.1.3.1 Comportement en flexion du complexe palplanche-coulis

La figure 14 présente l’évolution des déformations longitudinales mesurées à l’extrados et à l’intrados de la palplanche ainsi qu’au sein du coulis argile-ciment de la paroi préfabriquée. Pour une faible courbure du rideau (Fig. 14a), les déformations mesurées suivant un axe orthogonal à la paroi s’alignent sur une droite unique, représentant la courbure de la paroi, montrant qu’à ce stade le coulis reste solidaire de la paroi. Avec l’augmentation de la courbure (Fig. 14b), seul l’extensomètre A, situé au creux de la palplanche, présente une déformation alignée sur celles des deux palplanches contiguës. En revanche, les deux extensomètres B et C exhibent un comportement dissocié, le coulis dans la zone concernée ayant alors une courbure inférieure à celle des palplanches. Cela montre que le coulis s’est bien fissuré entre les extensomètres A et B, et que seule une zone de coulis très réduite située au creux des palplanches est resté solidaire de celles-ci. La raideur en flexion de la paroi se réduit alors pratiquement à celle des palplanches.

thumbnail Fig. 14

Déformation en flexion de la palplanche et du coulis.

Bending deformation of the sheet pile and the grout.

4.1.3.2 Évolution des déformée et efforts d’appui avec l’excavation

La figure 15 présente l’évolution de la déformée du rideau de palplanches avec le niveau d’excavation et de rabattement de la nappe dans la fouille. La déformée est d’ampleur réduite lors des deux premières phases d’excavation (Fig. 15a et b). Elle dépasse ensuite largement la limite contractuelle de 20 mm lors de la phase d’excavation maximale, entraînant le rattrapage du jeu au niveau inférieur de butonnage qui est alors mis en appui (Fig. 15c). Ce résultat est cohérent avec le constat sur la fissuration du coulis.

Les efforts d’appui sont mesurés sur deux butons à chaque niveau (Fig. 16). Au cours des travaux, le buton 1 a été malencontreusement heurté et déplacé lors d’une manutention, provoquant un écart d’effort entre les 2 butons du niveau supérieur.

Cet incident explique les écarts sur les mesures ponctuelles du moment fléchissant (marques rouges – Fig. 17b) entre les deux palplanches voisines. On note cependant une bonne cohérence globale entre ces mesures ponctuelles du moment fléchissant et le diagramme de moment fléchissant déduit par double dérivation de la déformée inclinométrique. En raison de ces écarts sur les efforts d’appui, le diagramme de pression différentielle (Fig. 17c) déduit de ces mesures (Boissier et al., 1978) est qualitatif : il montre bien cependant le développement d’un effet de voûte, avec une concentration des efforts en tête du rideau maintenu par les butons passifs.

thumbnail Fig. 15

Évolution de la déformée de la palplanche avec l’excavation.

Evolution of the sheet pile deformation with excavation.

thumbnail Fig. 16

Évolution des efforts d’appui avec l’excavation et le niveau de la nappe dans la fouille.

Evolution of support forces with the excavation and the groundwater level.

thumbnail Fig. 17

Résultats de l’instrumentation lors de l’excavation maximale.

Instrumentation results at maximum excavation level.

4.1.3.3 Rétro-analyse par l’approche au coefficient de réaction

Une première rétro-analyse a été effectuée par l’approche au coefficient de réaction. Dans un premier temps, les propriétés de l’horizon de remblais anthropiques ont été ajustées précisément sur la déformée en tête mesurée lors des premières phases de terrassement. Les propriétés des alluvions obtenues par le retour d’expérience sur le site Saxe-Gambetta proche permettent alors une représentation correcte de la déformée du rideau.

Le travail de rétro-analyse a été ensuite poursuivi en considérant l’incidence de la cohésion et du coefficient de réaction. Il apparaît sur cet exemple impossible de retrouver simultanément les valeurs mesurées de déformée et d’effort dans les butons. Aussi, le calage a-t-il été effectué sur la seule déformée.

Le facteur le plus sensible est alors logiquement la cohésion, pour laquelle une valeur de 24,5 kPa est obtenue, quasi identique à celle obtenue sur le site Saxe Gambetta voisin. Le résultat est moins sensible à la valeur du coefficient de réaction. Considérant que celui-ci peut varier avec la profondeur suivant la relation Kh = K1 + K2.σv, il apparaît que diverses combinaisons de K1 et K2 conduisent à des résultats très proches en termes de déformée, parmi lesquelles K1 = 2.104 kN/m3 et K2 = 11000 m−1 apparaît optimale (Fig. 18), la valeur initiale K0 = 105 kN/m3 conduisant à des résultats acceptables.

Si le déplacement et la déformée du rideau sont proches des valeurs mesurées (Fig. 18a), les efforts dans les deux niveaux de butons sont sous-estimés de près de 50 %, quels que soient les jeux de paramètres testés. Cela confirme les observations des essais sur modèle concernant les appuis passifs, pour lesquels les effets de voûte, non simulés par l’approche au coefficient de réaction, conduisent à sous-estimer fortement les efforts d’appui.

Il faut noter cependant que la courbe de moment fléchissant calculée (Fig. 18b) reste relativement proche des mesures ponctuelles, avec des valeurs maximales légèrement supérieures aux valeurs expérimentales.

thumbnail Fig. 18

Site Félix-Faure. Rétro-analyse par la méthode du coefficient de réaction.

Félix-Faure site. Back analysis: subgrade reaction method.

4.1.3.4 Rétro-analyse par éléments finis

La rétro-analyse par éléments finis a été réalisée avec le logiciel PlaxisTM. On trouvera les détails de cette modélisation dans Zghondi (2010). Le modèle de sol retenu dans cette approche est le modèle HSM. Les paramètres des alluvions pour la rétro-analyse sont résumés dans le tableau 2. Devant l’impossibilité pour une telle rétro-analyse de considérer l’ensemble des paramètres, le calage de ce modèle a été effectué sur les paramètres ayant l’incidence la plus marquée : il s’agit dans un premier temps de la cohésion et du module E50ref, puis du coefficient m qui pilote la variation du module avec la pression moyenne. Pour les autres paramètres, les valeurs standard proposées pour ce modèle ont été adoptées.

La recherche des valeurs optimales est basée sur un critère d’erreur combinant les écarts entre mesures et simulations numériques, portant sur la déformée de la palplanche, d’une part, et l’effort global d’appui, d’autre part.

La variation de cette erreur avec C et E50ref est cartographiée sur la figure 19a. Ce graphe met en évidence un minimum bien défini par les valeurs C = 13 kPa et E50ref = 60 MPa. L’incidence de la valeur de m a été ensuite considérée pour divers couples C-E50ref et conduit dans tous les cas à un optimum m = 0,9.

Il est intéressant de noter que si l’on considère l’écart par rapport à la déformée mesurée (Fig. 19b), cette modélisation par éléments finis n’est pas plus performante que l’approche au coefficient de réaction. En revanche pour les efforts d’appui (Tab. 3), l’erreur est de 47 % pour le modèle au coefficient de réaction, ce qui confirme l’importance des effets de voûte dans le cas de rideaux maintenus par des appuis passifs et les limites de cette approche dans cette configuration. Cette erreur tombe à 2 % avec l’approche par éléments finis, confirmant que le modèle HSM permet de simuler correctement le comportement global d’une telle paroi.

Ce qui est remarquable également, c’est que la rétro analyse conduit à une valeur de la cohésion de 13 kPa, valeur proche de la moyenne des essais de cisaillement in situ, et plus vraisemblable que celle de 25 kPa déduite des rétro-analyses effectuées avec l’hypothèse du coefficient de réaction.

Lors de la rétro-analyse suivant l’hypothèse du coefficient de réaction, s’il s’est avéré possible de simuler assez précisément la déformée mesurée, c’est au prix de différences considérables sur les efforts d’appui, ce qui implique que le diagramme de pression calculé diffère notablement du diagramme réel. La cohésion ainsi déterminée par rétro-analyse n’est alors qu’un artifice permettant de caler le modèle au coefficient de réaction sur la déformée mesurée.

Ce résultat illustre également la nécessité, pour toute rétro-analyse, de confronter les modélisations à tous les paramètres représentatifs du comportement de l’ouvrage.

Tableau 2

Analyse en retour du site Félix Faure : paramètres du modèle HSM.

Félix Faure site back analysis: Hardening Soil Model parameters.

thumbnail Fig. 19

Site Félix-Faure. Rétro-analyse par éléments finis (modèle HSM) – comparaison avec l’approche au coefficient de réaction.

Félix-Faure site. FEM back-analysis (HSM model) – comparison with subgrade reaction method.

Tableau 3

Analyse en retour du site Félix Faure : erreur sur la déformée et les efforts d’appui.

Félix Faure site back analysis: errors on deformation and support forces.

4.2 Retour d’expérience sur la ligne B du métro de Toulouse

La construction de la station Canal du Midi de la ligne B du métro de Toulouse a nécessité la création d’une fouille de 21 m de profondeur, à l’abri de parois moulées (Fig. 20). Celles-ci ont été maintenues, pour des raisons constructives, par un système mixte d’ancrages précontraints et de butons passifs. La complexité de ce système a conduit à mettre en place une instrumentation de la paroi, des butons et des ancrages afin de suivre leur comportement lors des terrassements, pour le confronter ensuite à l’approche suivant le coefficient de réaction ainsi qu’à une modélisation par éléments finis.

Le contexte géotechnique est ici très différent, les parois moulées étant pour l’essentiel situées dans des horizons molassiques sableux ou argileux fortement surconsolidés, avec un K0 supérieur à 1. On trouvera dans Vanoudheusden et al. (2005) les caractéristiques géotechniques détaillées des différents horizons ainsi que le résultat des observations et des modélisations par les approches au coefficient de réaction et par éléments finis. Les principaux résultats concernant l’excavation maximale sont présentés sur la figure 21.

On constate que la déformée mesurée est très nettement supérieure à la déformée calculée par l’approche au coefficient de réaction (Fig. 21a) utilisée pour la conception de cette paroi. De plus, les efforts calculés dans le buton supérieur sont restés quasi constants et très nettement inférieurs à la valeur mesurée dès lors que les ancrages ont été mis en précontrainte (Fig. 22). En revanche, le calcul par éléments finis effectué avec les mêmes caractéristiques géotechniques (à l’exception évidemment des paramètres propres à chaque approche) conduit à une déformée proche de celle mesurée. L’effort dans le bouton supérieur est, dans cette approche avec un modèle EL-MC, légèrement supérieur à la valeur expérimentale, l’écart restant dans une limite compatible avec les incertitudes liées aux divers paramètres de calcul.

Les diagrammes de pression différentielle (Fig. 21b et c) illustrent clairement la différence entre les deux approches, avec une concentration de pression en tête de la paroi dans l’approche par éléments finis, absente dans le calcul au coefficient de réaction. Cet exemple confirme ainsi les limites de l’hypothèse du coefficient de réaction pour un tel système mixte combinant des appuis passifs et précontraints, d’une part, et l’impossibilité de représenter les effets de voûte, d’autre part, comme le montre les diagrammes de pression différentielle.

thumbnail Fig. 20

Métro de Toulouse – station Canal du Midi.

Toulouse Metro – Canal du Midi station.

thumbnail Fig. 21

Station Canal du Midi : calcul de dimensionnement et rétro-analyse par éléments finis.

Canal du Midi station: project design and FEM back analysis.

thumbnail Fig. 22

Station Canal du Midi : évolution des efforts dans les butons supérieurs avec les phases de creusement.

Canal du Midi station: evolution of upper struts forces with excavation phases.

5 Conclusion

Lorsqu’elle a été conçue spécifiquement dans cet objectif, l’instrumentation d’un ouvrage, complétée par les observations effectuées lors de sa construction et par des rétro-analyses, constitue une source importante d’enseignements concernant les interactions sol-structure, les caractéristiques des terrains concernés à l’échelle de l’ouvrage, les possibilités et limites des approches de dimensionnement. Elle permet également d’évaluer de nouvelles approches constructives.

Les différents retours d’expérience effectués sur les soutènements ancrés ou butonnés, complétés par une campagne extensive sur modèle réduit ont permis de mettre en évidence les éléments suivants :

  • l’importance des effets de voûte lorsque les appuis, butons ou ancrages, sont passifs. Ces effets de voûte se traduisent par d’importantes concentrations de pression sur la paroi au niveau de ces appuis, parfois très nettement supérieure à la valeur de la pression active ;

  • dans le cas des appuis précontraints, le diagramme de pression à l’arrière du rideau, est apparemment semblable à celui constaté dans le cas des appuis passifs. Toutefois, il ne résulte pas alors d’un effet de voûte mais de la réaction du terrain aux efforts de précontrainte imposés par les appuis.

Les rétro-analyses effectuées suivant l’hypothèse du coefficient de réaction montrent les limites de cette approche :

  • dans le cas des appuis passifs, s’il est le plus souvent possible de représenter les déformations du rideau observées, en ajustant les valeurs de ϕ, C et du coefficient de réaction, l’impossibilité de traduire l’effet de voûte se traduit par une sous-estimation parfois très importante des efforts d’appui. De plus, les valeurs de la cohésion déduites de ces rétro-analyses apparaissent trop élevées par rapport à celles déduites des mesures sur le terrain et des approches par éléments finis ;

  • dans le cas des appuis précontraints, les rétro-analyses effectuées tant sur modèle que sur un ouvrage réel montrent que le diagramme de pression à l’arrière du rideau est correctement modélisé par cette approche, dans la mesure où ce diagramme résulte directement de l’amplitude des efforts de précontrainte ;

  • cette approche considérant que le sol agit comme une simple pression normale à la paroi, et ne tenant pas compte de l’interaction en cisaillement entre le sol et le rideau, conduit à sous-évaluer la raideur en flexion du complexe sol-rideau.

Les approches en continuum, par éléments finis (ou par différences finies) permettent par leur principe une représentation des effets de voûte et des reports d’efforts complexes qui se développent lors des interactions entre un rideau déformable et le massif de sol, comme le montre l’exemple du métro de Toulouse. Toutefois, les analyses plus fines comme celles effectuées sur modèle réduit mettent bien en évidence la nécessité d’un modèle de sol capable de traduire les comportements en jeu dans ce type d’ouvrage.

Ainsi, le modèle rudimentaire EL-MC conduit à des concentrations d’effort trop localisées. Il faut souligner également que derrière son apparente simplicité, le choix d’un module d’Young unique dans ce modèle est évidemment problématique, alors que le sol autour de la paroi suit des chemins de déformation très variés.

Le modèle du type HSM est apparu a priori plus adapté : sur les différentes configurations du modèle réduit comme sur le site Félix Faure, très caractéristique du développement d’un effet de voûte, les rétro-analyses ont permis de représenter avec une bonne précision à la fois la déformée et les efforts d’appui du rideau de soutènement. Comparé au modèle EL-MC, ses apports principaux concernent la variation de son module avec la déformation et la contrainte moyenne, ainsi que la distinction entre les chemins en chargement ou déchargement. La valeur de la cohésion est apparue logiquement comme le paramètre le plus sensible pour les ouvrages réels. Cependant, et contrairement à l’approche par le coefficient de réaction, la valeur de la cohésion issue de ces calages est ici cohérente avec les autres approches de ce paramètre.

Enfin, ce travail de retour d’expérience a confirmé le danger d’effectuer des rétro-analyses sur un nombre restreint de paramètres : il est apparu possible dans la totalité des cas examinés de caler les calculs au coefficient de réaction sur les déformées mesurées. C’est alors la confrontation aux valeurs des efforts d’appui qui a permis de confirmer l’inaptitude de ce modèle à décrire les effets de voûte. Ainsi, pour que l’instrumentation d’un ouvrage permette un retour critique sur les approches de calcul, il convient de bien identifier à l’amont et de mesurer ensuite l’ensemble des paramètres qui caractérisent son comportement. De même, il faut souligner la nécessité de dispositifs de mesure surabondants : ils permettront, d’une part, de pallier les défaillances inévitables de quelques capteurs lors de suivis sur chantier réels et, d’autre part, d’évaluer la précision des mesures, ce qui constitue un élément important pour leur interprétation.

Références

  • Balay J, Frank R, Harfouche L. 1982. Programme DÉNÉBOLA pour le calcul des soutènements par la méthode des modules de réaction. Bull liaison Labo P et Ch 120: 3–12. [Google Scholar]
  • Boissier D, Gielly J, Kastner R, Mangin J.C. 1978. Détermination des moments et des pressions exercées sur un écran à partir de mesures inclinométriques. Can Geotech J 15(4): 522–536. [Google Scholar]
  • Bourdeau Y. 1997. Le comportement des alluvions du Rhône dans une grande boîte de cisaillement direct, établi. Rev Fr Géotech 79: 31–42. [Google Scholar]
  • Delattre L. 1999. Comportement des écrans de soutènement : expérimentations et calculs. Thèse de doctorat, Paris, ENPC. [Google Scholar]
  • Fages R, Bouyat C. 1971. Modèle mathématique intégrant le comportement irréversible du sol en état élasto-plastique, Exemple d’application. Étude de l’influence des paramètres. Travaux 441: 38–46. [Google Scholar]
  • Haliburton AT. 1968. Numerical analysis of flexible retaining walls. ASCE, J Soil Mech Found Eng Div SM 6: 1233–1251. [Google Scholar]
  • Kastner R. 1982. Excavations profondes en site urbain. Problèmes liés à la mise hors d’eau. Dimensionnement des soutènements butonnés. Thèse de Doctorat d’État ès Sciences, Lyon, INSA et Université Claude Bernard, I-DE-8210. [Google Scholar]
  • K-Réa. 2018. Disponible sur https://www.terrasol.fr/wp-content/uploads/2018/01/k-rea_v4_-_presentation_generale.pdf [Google Scholar]
  • Masrouri F. 1986. Comportement des rideaux de soutènement semi-flexibles : étude théorique et expérimentale. Lyon, Institut National des Sciences Appliquées, I-DO-8604. [Google Scholar]
  • Masrouri F, Kastner R. 1991. Essais sur modèle de rideaux de soutènement : confrontation à diverses méthodes de calcul. Rev Fr Géotech 55: 17–33. [CrossRef] [Google Scholar]
  • Schanz T, Vermeer PA, Bonnier PG. 1999. The Hardening-Soil Model: Formulation and verification. In: Brinkgreve RBJ, ed. Beyond 2000 in Computational Geotechnics. Rotterdam: Balkema, pp. 281–290. [Google Scholar]
  • Vanoudheusden E, Petit G, Robert J, Emeriault F, Kastner R. 2005. Comportement d’une paroi moulée en site urbain : modélisations et mesures. XVIe Congrès International de Géotechnique et Mécanique des Sols, Osaka, (Japon), pp. 1141–1144. [Google Scholar]
  • Zghondi J, Emeriault F, Kastner R. 2008. Validation of a multi-criteria procédure for the numerical back-analysis of multi-supported retaining walls. Proceedings 6th Int. Symp. Geotechnical aspects of Underground construction in Soft Ground, Shanghai, pp. 207–213. [Google Scholar]
  • Zghondi J. 2010. Modélisation avancée des excavations multi-supportées en site urbain. Thèse de Doctorat, Lyon, Institut National des Sciences Appliquées, 2010-ISAL-0092. [Google Scholar]

Citation de l’article : Richard Kastner. Conférence Coulomb prononcée le 13 juin 2018 : « Parois de soutènement ancrées ou butonnées : l’apport des retours d’expérience organisés ». Rev. Fr. Geotech. 2018, 155, 1.

Liste des tableaux

Tableau 1

Modèle réduit : paramètres du modèle HSM.

Small scale model: Hardening Soil Model parameters.

Tableau 2

Analyse en retour du site Félix Faure : paramètres du modèle HSM.

Félix Faure site back analysis: Hardening Soil Model parameters.

Tableau 3

Analyse en retour du site Félix Faure : erreur sur la déformée et les efforts d’appui.

Félix Faure site back analysis: errors on deformation and support forces.

Liste des figures

thumbnail Fig. 1

Principe de l’approche au coefficient de réaction.

Principle of the subgrade reaction approach.

Dans le texte
thumbnail Fig. 2

Le modèle réduit de paroi de soutènement.

The small-scale retaining wall model.

Dans le texte
thumbnail Fig. 3

Essai avec un buton de faible raideur axiale.

Test with a low axial stiffness strut.

Dans le texte
thumbnail Fig. 4

Essai avec 2 butons de forte raideur axiale.

Test with 2 struts of high axial stiffness.

Dans le texte
thumbnail Fig. 5

Essai avec 2 butons précontraints – évolution de la pression différentielle avec l’excavation.

Test with 2 prestressed struts – evolution of differential pressure with excavation.

Dans le texte
thumbnail Fig. 6

Approche au coefficient de réaction : confrontation aux observations.

Subgrade reaction approach: comparison with observations.

Dans le texte
thumbnail Fig. 7

Modélisation par éléments finis : confrontation aux mesures.

Finite element modelling: comparison with measurements.

Dans le texte
thumbnail Fig. 8

Rive gauche du Rhône – coupe géologique type.

Left bank of the Rhône river – typical geological section.

Dans le texte
thumbnail Fig. 9

Granulométrie des alluvions du Rhône et essai de cisaillement in situ.

Granulometry of the Rhône alluvium and in situ shear test.

Dans le texte
thumbnail Fig. 10

Site Ney – Déplacements et efforts d’appui calculés et mesurés.

Ney Site – Calculated and measured displacement and support efforts.

Dans le texte
thumbnail Fig. 11

Site saxe – Gambetta.

Saxe – Gambetta Site.

Dans le texte
thumbnail Fig. 12

Coupe de la fouille du site Félix Faure.

Section of Felix Faure excavation.

Dans le texte
thumbnail Fig. 13

Site Félix Faure : Équipement expérimental.

Félix Faure site: monitoring instrumentation.

Dans le texte
thumbnail Fig. 14

Déformation en flexion de la palplanche et du coulis.

Bending deformation of the sheet pile and the grout.

Dans le texte
thumbnail Fig. 15

Évolution de la déformée de la palplanche avec l’excavation.

Evolution of the sheet pile deformation with excavation.

Dans le texte
thumbnail Fig. 16

Évolution des efforts d’appui avec l’excavation et le niveau de la nappe dans la fouille.

Evolution of support forces with the excavation and the groundwater level.

Dans le texte
thumbnail Fig. 17

Résultats de l’instrumentation lors de l’excavation maximale.

Instrumentation results at maximum excavation level.

Dans le texte
thumbnail Fig. 18

Site Félix-Faure. Rétro-analyse par la méthode du coefficient de réaction.

Félix-Faure site. Back analysis: subgrade reaction method.

Dans le texte
thumbnail Fig. 19

Site Félix-Faure. Rétro-analyse par éléments finis (modèle HSM) – comparaison avec l’approche au coefficient de réaction.

Félix-Faure site. FEM back-analysis (HSM model) – comparison with subgrade reaction method.

Dans le texte
thumbnail Fig. 20

Métro de Toulouse – station Canal du Midi.

Toulouse Metro – Canal du Midi station.

Dans le texte
thumbnail Fig. 21

Station Canal du Midi : calcul de dimensionnement et rétro-analyse par éléments finis.

Canal du Midi station: project design and FEM back analysis.

Dans le texte
thumbnail Fig. 22

Station Canal du Midi : évolution des efforts dans les butons supérieurs avec les phases de creusement.

Canal du Midi station: evolution of upper struts forces with excavation phases.

Dans le texte

Les statistiques affichées correspondent au cumul d'une part des vues des résumés de l'article et d'autre part des vues et téléchargements de l'article plein-texte (PDF, Full-HTML, ePub... selon les formats disponibles) sur la platefome Vision4Press.

Les statistiques sont disponibles avec un délai de 48 à 96 heures et sont mises à jour quotidiennement en semaine.

Le chargement des statistiques peut être long.