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Numéro
Rev. Fr. Geotech.
Numéro 160, 2019
Numéro d'article 2
Nombre de pages 12
DOI https://doi.org/10.1051/geotech/2020001
Publié en ligne 17 février 2020

© CFMS-CFGI-CFMR-CFG, 2020

1 Introduction

Le delta du Rhône couvre une superficie de 1500 km2. Il est protégé par trois systèmes d’endiguement fluviaux et un système d’endiguement maritime (Fig. 1) constitués respectivement de 225 km de digues fluviales et de 50 km de digues maritimes. La population protégée par ces systèmes est estimée à 115 000 personnes. Elle peut doubler, voire tripler en période estivale.

Le syndicat mixte interrégional d’aménagement des digues du delta du Rhône et de la mer (Symadrem) est un établissement public qui regroupe deux régions, deux départements et six établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI-FP). Il gère la majeure partie des ouvrages, à savoir : 210 km de digues fluviales et 25 km de digues maritimes. La gestion des autres ouvrages (remblais ferroviaires, remblais portuaires, écluses, routes, digues privées) est répartie entre différents acteurs avec qui le Symadrem a conventionné pour être à l’horizon 2020, le gestionnaire unique de l’ensemble des systèmes d’endiguement.

Les systèmes ont été créés après les crues de 1840 et 1856 (périodes de retour très supérieures à 100 ans) en lieu et place d’autres ouvrages encore plus anciens, dont certains remontent au XIIe siècle. Du fait de leur mode de réalisation (compactage manuel avec des dames de 15 kg, non prise en compte de la teneur en eau à l’optimum – concept introduit en 1933 par Ralph Proctor) et de l’effet « mille-feuilles » dû aux phases successives de rehaussement, les digues du Rhône sont fortement exposées au risque d’érosion interne pouvant conduire à une brèche avant la surverse.

Les crues de 1993, 1994, 2002, 2003 et 2016 ont montré que les digues pouvaient céder bien avant que l’eau n’atteigne la crête. Sur les 29 brèches et départs de brèche recensés sur la période 1993–2016, 83 % des accidents ont été initiés par érosion interne et 17 % par surverse. Les accidents initiés par érosion interne ont tous été causés par érosion conduite dans des terriers d’animaux fouisseurs ou dans des vides le long d’ouvrages hydrauliques traversants. Aucun accident n’a été provoqué par érosion régressive, érosion de contact ou suffusion (Mallet et al., 2019).

Depuis sa création en 1997 en lieu et place des associations de propriétaires qui géraient jusque-là les digues de protection, le SYMADREM s’est efforcé de remettre à niveau, vis-à-vis de l’état de l’art, ses ouvrages qui étaient totalement délaissés, lors de la crue du Rhône d’octobre 1993, qui provoqua l’inondation de l’île de Camargue après 137 ans passés sans inondation.

Trois grandes phases de travaux peuvent être distinguées :

  • une première phase dite d’urgence a été réalisée en 1998 et 1999. Elle faisait suite aux crues de 1993 et de 1994 et concernait des points très fragiles révélés par ces deux crues ;

  • une deuxième phase intitulée « programme des invariants » a été réalisée entre 2004 et 2007. Ces travaux mis en œuvre dans la continuité de la première phase ont été réalisés au droit de zones à enjeux ;

  • la troisième phase intitulée « programme de sécurisation des ouvrages de protection contre les crues du Rhône depuis le Barrage de Vallabrègues jusqu’à la Mer » (SYMADREM, 2012) s’inscrit dans le cadre du plan Rhône qui fait suite à la crue centennale du Rhône de décembre 2003 qui a occasionné 4 brèches dans le système causant l’inondation de 12 000 personnes et 700 millions d’euros de dommages dans le delta du Rhône. Il a débuté en 2008 et devrait s’achever en 2030 si l’effort de financement actuel est maintenu.

Si l’on ajoute les réparations post-crues de 1993 à 2003, le montant des deux premières phases de travaux s’élève à 45 millions d’euros HT (tous les montants indiqués dans la suite de l’article sont hors taxes).

Le montant du programme de sécurisation est quant à lui estimé à un peu plus de 400 millions d’euros. 215 millions d’euros ont été engagés au 1er janvier 2019 et 170 millions ont d’ores et déjà été réalisés.

Plutôt que de rehausser les digues, ce qui a été jusqu’au plan Rhône, la réponse apportée par les pouvoirs publics après chaque crue, il a été opté pour une solution d’acceptation de l’inondation pour des crues rares (période de retour 100 ans) en considérant la formation de brèches comme inacceptable jusqu’à des événements qualifiés d’exceptionnels (période de retour 1000 ans). Ce choix passe par la réalisation de digues résistantes à la surverse, ce qui consiste à renforcer avec des enrochements bétonnés le talus de digue côté zone protégée de manière à résister à l’érosion liée aux vitesses élevées. En amont et aval, la crête des digues est calée 50 cm au-dessus de la crue millénale pour éviter tout risque de contournement des digues résistantes à la surverse, en phase de déversement sur ces dernières.

L’objet du présent article est de présenter le retour d’expérience de quatre chantiers de terrassement réalisés entre 1998 et 2018. Il dresse un bilan de l’évolution de la conception des ouvrages et du cahier des charges au prisme des prescriptions de mise en œuvre des remblais étanches, des objectifs de compacité et de teneur en eau des matériaux avant compactage. Il évoque également la fréquence des contrôles prescrits et effectivement réalisés et conclut sur l’évolution dans les cahiers de charges de l’atteinte d’un objectif de résultats à l’atteinte désormais d’objectifs de résultats et de moyens matériels à employer.

thumbnail Fig. 1

Systèmes d’endiguement dans le delta du Rhône.

Levees systems in the Rhône Delta.

2 REX du chantier d’Emmaüs-Passerons (rive droite du Grand Rhône sud d’Arles)

Ce chantier peut être considéré comme le premier chantier du SYMADREM ; les précédents chantiers ayant été réalisés sous maîtrise d’ouvrage de la ville d’Arles.

Les travaux se sont déroulés de décembre 1997 à avril 1998 en rive droite du Grand Rhône juste au sud du quartier de Trinquetaille. Ils ont été réalisés par l’entreprise SATAL sous maîtrise d’œuvre de la DDE des Bouches-du-Rhône. Le linéaire de digue conforté est de 1,2 km et le montant des travaux s’est élevé à 500 000 euros.

La digue confortée a une hauteur moyenne mesurée depuis le côté zone protégée de 3,3 m (localement 3,8 m) et depuis le côté fleuve de 2,9 m1 (localement 3,6 m). Le volume de matériaux argileux mis en œuvre pour rétablir la fonction étanchéité de la digue est estimé à 18 500 m3. Aucun dossier des ouvrages exécutés (DOE) n’a été établi. L’analyse a été conduite à partir du cahier des charges et des comptes rendus de chantiers.

Les travaux (Fig. 2) ont consisté en :

  • le décapage de la terre végétale sur les talus ;

  • la mise en œuvre sur le talus côté fleuve d’un masque en matériaux argileux suivant un fruit de 2. D’après un compte rendu, il s’agirait de matériaux A2 suivant la GTR. Ce masque d’une largeur de 3,50 m a été prolongé en fondation jusqu’à une profondeur sous le terrain naturel de 1,50 m ;

  • la pose d’un géotextile filtrant/drainant (de classe 7) sur le talus côté zone protégée, destiné à filtrer et drainer l’ensemble de ce talus vis-à-vis de fuites potentielles pouvant générer un départ de brèche par érosion de conduit (ICOLD, 2015) ;

  • la mise en œuvre côté zone protégée avec un fruit de 2, d’une recharge en matériaux provenant des déblais du talus côté fleuve ;

  • la pose d’un grillage anti-fouisseurs et la végétalisation des deux talus ainsi que la réalisation d’une piste en grave non traitée 0/150 sur un géotextile anti-contaminant en crête de digue.

Le bon état du géo-composite filtrant/drainant et du grillage galvanisé ont pu être constatés lors de sondages réalisés à divers endroits à l’automne 2017 dans le cadre d’investigations pour l’étude de dangers du système Camargue Insulaire (Fig. 3).

Les prescriptions techniques relatives au terrassement se sont limitées à l’utilisation de matériaux A2m suivant la GTR en provenance d’emprunts locaux ou de carrières et aux modalités de compactage suivant l’extrait du guide technique de la réalisation des remblais et couches de forme du SETRA/LCPC : Norme NF-P 11-300) (Fig. 4). Des références au fascicule 2 du CCTG figuraient également dans le marché.

L’objectif de densification a été fixé : supérieur ou égal à 95 % de la densité de l’Optimum Proctor Normal (OPN) sur 97,5 % des mesures et la teneur en eau du matériau avant compactage devait être dans l’intervalle entre 0,9 et 1,1 de wopn.

Trois niveaux de contrôles étaient prévus (contrôles interne et externe sous la responsabilité de l’entreprise et contrôle extérieur par le maître d’œuvre) mais aucune fréquence n’avait été définie concernant la réalisation d’essais Proctor, de mesures de teneur en eau ou de mesures au gammadensimètre.

L’examen des comptes rendus de chantier révèle que le matériau a été compacté en effectuant six passes avec un compacteur de type V3 sur une épaisseur de 30 cm.

Six mesures au gamma-densimètres ont été rapportées dans les comptes rendus de chantier donnant des taux de compactage de 95, 93, 94, 96, 96 et 96 % de l’OPN.

Compte tenu du volume de matériaux étanches mis en œuvre, on obtient une mesure de densité sèche pour environ 3100 m3.

On retiendra de cette phase de travaux que le cahier des charges demandait de respecter les règles de l’art pour le compactage des remblais et, définissait un objectif de densification. Ces prescriptions étaient plus d’ordre qualitatif ; le cahier des charges étant relativement « muet » sur la fréquence et le type de contrôles à effectuer pour s’assurer de la bonne mise en œuvre des remblais.

La digue a subi trois chargements correspondant à des situations rares de crues (deux crues vingtennales en 2002 et une crue centennale en 2003). Aucun désordre n’a été observé.

thumbnail Fig. 2

Digue Emmaüs-Passerons – principe des travaux de confortement (fleuve à gauche).

Emmaüs-Passerons Levee – principle of reinforcement works (river on the left).

thumbnail Fig. 3

Géo-composite filtrant/drainant extrait de la digue en 2017.

Geo-composite filtering and draining extracted from the levee in 2017.

thumbnail Fig. 4

Extrait du cahier des charges (guide technique du SETRA/LCPC).

Extract from the specifications (SETRA/LCPC technical manual).

3 REX du chantier de Barriol (rive gauche du Grand Rhône sud d’Arles)

Ce chantier est le dernier réalisé dans le cadre du programme dit « des invariants » juste avant le démarrage du Plan Rhône.

Les travaux se sont déroulés de septembre 2006 à octobre 2007 en rive gauche du Grand Rhône au droit du quartier de Barriol. Ils ont été réalisés par l’entreprise MASONI TP sous maîtrise d’œuvre de la société ISL Ingénierie. Le linéaire de digue conforté est de 2,35 km et le montant des travaux s’est élevé à 2,2 millions d’euros. La digue confortée a une hauteur moyenne mesurée depuis le côté zone protégée de 2,6 m (localement 3,7 m) et depuis le côté fleuve de 2,3 m (localement 3,2 m). Le volume de matériaux argileux mis en œuvre pour rétablir la fonction étanchéité de la digue est de 48 800 m3. Un dossier des ouvrages exécutés (DOE) a été établi de manière sommaire.

À l’instar des travaux réalisés dans le cadre de ce programme, les travaux (Fig. 5) ont consisté en :

  • le décapage de la terre végétale sur les talus ;

  • la mise en œuvre sur le talus côté fleuve avec un fruit de 2, d’un masque en matériaux argileux de type A2 suivant la GTR 2000 d’une largeur de 3 m et prolongé en fondation. Les matériaux proviennent de carrières (sédimentation de boues de lavage) ;

  • la réalisation d’un drain horizontal entouré de géotextile filtrant ;

  • la mise en œuvre côté zone protégée suivant un fruit de 2, d’une recharge en matériaux, soit de type tout venant (0/150 mm), soit de matériaux issus du démontage du talus côté fleuve de la digue d’origine ;

  • la pose d’un grillage anti-fouisseurs, d’une géogrille tridimensionnelle de type MacMat ou Enkamat et la végétalisation des deux talus ;

  • la réalisation d’une piste en grave non traitée 0/150 en crête et pieds de digue sur un géotextile anti-contaminant.

Par rapport à la première phase de travaux réalisée en 1998, on note une évolution notable dans la conception des ouvrages. Le géo-composite, filtrant et drainant l’ensemble du talus côté zone protégée vis-à-vis de fuites potentielles pouvant initier une érosion de conduit, a été remplacé par un simple drain horizontal en matériaux minéraux protégé par un filtre, limitant la filtration d’éventuelles fuites à l’interface digue/fondation. On note également la mise en œuvre de nouveaux composants comme des géo-grilles ou des géotextiles biodégradables destinés à protéger les talus avant re-végétalisation.

Les prescriptions techniques relatives au compactage des matériaux destinés à rétablir la fonction d’étanchéité de la digue deviennent plus précises. Les essais de convenance sur les matériaux à utiliser et de contrôle sur les matériaux mis en œuvre sont plus développés. À l’instar des autres chantiers réalisés précédemment, il est demandé l’emploi de matériaux A2 suivant la GTR 2000. Pour les essais de convenance :

  • un essai d’identification simplifié (granulométrie et valeur au bleu de méthylène) tous les 500 m3 ;

  • deux mesures quotidiennes de la teneur en eau des matériaux approvisionnés ;

  • un essai d’identification complète tous les 1500 m3 de matériaux utilisés (granulométrie, limites d’Atterberg) avec, en sus, une analyse sédimentométrique et un essai Proctor normal.

Pour la mise en œuvre, il est demandé une teneur en eau comprise en 0,9 et 1,1 wopn et moins de 2 % de teneur en matière organique.

Des planches d’essais avant la mise en œuvre du remblai étanche sont exigées. Les contrôles sont sensiblement renforcés. Il est demandé un objectif de densification de 98 % de l’OPN sur 90 % des mesures et de 95 % de l’OPN sur 100 % des mesures.

Le compacteur à rouleau lisse vibrant est proscrit. Une scarification superficielle d’une profondeur au moins égale à 5 cm est demandée pour améliorer la liaison entre couches successives du remblai. La méthode du remblai excédentaire est utilisée.

L’épaisseur minimale des couches ne peut excéder 30 cm après compactage. Les moyens de compactage (équipements, nombre de passes minimal) sont laissés à l’initiative de l’entreprise avec des valeurs plancher (nombre de passes minimum de 6) ou plafond. Des préconisations pour la gestion des intempéries sont également définies (pente de 2 % pour le drainage des eaux, compactage au rouleau lisse avant arrêt prolongé du chantier ou prévision d’intempéries, purge de 20 cm après une pluie).

Il est demandé également la réalisation par une société externe à l’entreprise d’une mesure au gamma-densimètre tous les jours de remblaiement, avec un minimum d’un essai tous les 100 ml de digue.

L’examen du DOE montre que pour le masque argileux (volume 48 800 m3 mis en œuvre avec des compacteurs de type VP5 à pieds de mouton) :

  • 2 essais OPN et 12 identifications complètes (granulométrie, teneur en eau et VBS) ont été réalisés en phase de préparation sur les matériaux d’emprunt. La consistance des investigations a été revue à la baisse, compte tenu de l’homogénéité supposée du gisement de matériaux ;

  • 4 essais OPN et 32 mesures au gamma-densimètre ont été réalisés en phase de réalisation sur les matériaux mis en œuvre, dont 14 concernaient la planche d’essais et 18 le contrôle en continu, ce qui représente une mesure au gamma tous les 2700 m3 si on se limite au contrôle en continu et une mesure tous les 1500 m3, si on englobe les mesures réalisées pour la planche d’essai.

Sur les 18 mesures au gamma-densimètre, on constate que les objectifs de densification ont été tous atteints (valeur minimum de 98 % et valeur maximum de 110 %). La teneur en eau du matériau mis en œuvre a été, pour 80 % des mesures, très sèche (entre 8,7 % et 15,6% pour une teneur en eau à l’OPN comprise entre 18 et 19,5 %) et, pour 20 % des mesures, conforme aux prescriptions du cahier des charges. Les matériaux de carrière étaient dans un état très humide. D’importants moyens ont été mis en œuvre pour les assécher et disposer d’une portance suffisante avant leur mise en remblai (étalés sur un site de l’entreprise et aérés par grand vent) les faisant basculer finalement dans un état trop sec comme le montrent les photos ci-dessous (Fig. 6) prises en avril.

Dans le cadre des études de dangers, six sondages carottés inclinés ont été réalisés en 2017 dans le masque étanche de la digue. Les essais réalisés sur les échantillons intacts prélevés ont été :

  • des analyses granulométriques et sédimentométriques, qui ont confirmé qu’il s’agissait des matériaux A2 suivant la GTR ;

  • des mesures de densité sèche et des essais Proctor normal pour évaluer a posteriori le niveau de compacité ;

  • des mesures HET (Hole Erosion Test) pour évaluer la résistance à l’érosion de conduit.

Les essais Proctor normal ont donné des références légèrement moindres que celles retenues en phase chantier et des teneurs en eau à l’OPN sensiblement inférieures (13,5 et 17,7 % contre 18 à 19,5 %).

Sur les six essais réalisés, la moitié présentait des contraintes critiques et des index d’érosion compris respectivement entre 10 et 40 Pa et 2,8 et 3,6. Ces matériaux avaient tous en commun une teneur en argile (passant à 2 μ) inférieure à 25 % mais supérieure à 19 % et un taux de compactage, mesuré a posteriori, compris entre 88 et 94 % de l’OPN.

L’autre moitié des matériaux présentait des contraintes critiques comprises entre 160 et

350 Pa et des index d’érosion compris entre 3,8 et 4,2. Ces matériaux avaient en commun une teneur en argile comprise entre 30 et 40 % et un taux de compactage compris entre 102 et 112 % de l’OPN.

Ces essais réalisés a posteriori montrent l’importance de la teneur en argile et du taux de compactage du matériau vis-à-vis de la résistance à l’érosion du matériau (Hanson et al., 2011).

On retiendra de ce chantier une amélioration sensible de la qualité du cahier des charges avec cependant des faiblesses quant à la quantité des contrôles de densité et de teneur en eau au moment du compactage.

thumbnail Fig. 5

Digue de Barriol – principe des travaux de confortement (fleuve à droite).

Barriol Levee – principle of reinforcement works (river on the right).

thumbnail Fig. 6

Travaux de confortement de la digue de Barriol en avril 2017.

Barriol Levee reinforcement works in april 2017.

4 REX du chantier Digue Sud d’Arles (rive gauche du Grand Rhône)

Les travaux se sont déroulés dans le cadre du Plan Rhône de novembre 2014 à septembre 2016 en rive gauche du Grand Rhône en aval du chantier précédemment décrit. Ils ont été réalisés par le groupement d’entreprises GUINTOLI/TP SPADA/MASONI/CROZEL/SLTP. La maîtrise d’œuvre a été assurée par EGISeau qui a également assuré la mission de supervision géotechnique G4 suivant la NF P 94 500. Le contrôle extérieur a été confié à la Société du Canal de Provence (SCP).

Le linéaire de digue conforté est de 6,5 km et le montant des travaux s’est élevé à 14,3 millions d’euros. La digue confortée a une hauteur moyenne mesurée depuis le côté zone protégée de 2,7 m (localement 3,2 m) et depuis le côté fleuve de 2,9 m (localement 3,7 m). Le volume de matériaux argileux mis en œuvre pour rétablir la fonction étanchéité de la digue est de 320 000 m3 pour un total d’environ 1 million de m3. Un dossier des ouvrages exécutés (DOE) complet a été établi.

La digue intitulée « sud d’Arles » est la première digue qui a fait l’objet d’un décorsetage limité, terme utilisé localement pour décrire l’opération qui consiste à démonter une digue trop proche du fleuve et la reconstruire en recul (Fig. 7) à une distance du fleuve (de l’ordre de 50 à 200 m) suffisamment importante pour s’affranchir des risques d’affouillement en crue ou de glissement de berges à la décrue. Ce démontage de la digue et sa reconstruction en recul sur des zones agricoles ont permis également d’éviter la destruction d’importants enjeux environnementaux situés de part et d’autre de la digue. L’espace libéré pour le fleuve a fait en outre l’objet d’une renaturation écologique. On se reportera à (Normand et al., 2019) pour plus de détails sur le chantier.

Les travaux illustrés (Fig. 8) ont consisté en :

  • le démontage de la digue d’origine ;

  • le tri des matériaux, et reconstruction du corps de digue avec les matériaux issus du démontage et des matériaux prélevés à proximité de la digue ;

  • la création d’une clé d’étanchéité en fondation (profondeur de 1,75 m sous le terrain naturel côté zone protégée) ;

  • la mise en œuvre des matériaux par couche de 30 cm ;

  • l’humidification (arroseuse queue de carpe) ou séchage des matériaux de manière à les porter à la bonne teneur en eau ;

  • le compactage des matériaux avec des compacteurs pieds de moutons type VPM5,

  • le contrôle du niveau de compacité requis (gammadensimètre) ;

  • la pose d’un géo-composite filtrant/drainant sur le talus côté zone protégée et en fondation de manière à retenir les matériaux en cas de fuite (seconde barrière de sécurité en sus de l’étanchéité) et drainer les eaux d’infiltration ;

  • la mise en œuvre d’une recharge aval en matériaux de remblai de type tout venant et limons excédentaires provenant du chantier ;

  • la pose d’un grillage anti-fouisseurs, végétalisation des talus et création de piste en pieds et crête de digue.

La figure 9 illustre la pose du géo-composite filtrant/drainant après la création de la partie étanche de la digue et avant mise en œuvre de la recharge aval.

Pour ce chantier, il a été demandé à l’entreprise de recourir à un bureau d’étude agréé « digues et petits barrages » pour la réalisation des études d’exécution, qui a été ISL ingénierie. Pour la mission G3, l’entreprise a eu recours à la société hydrogéotechnique et le SYMADREM a confié la mission de contrôle extérieur à la SCP, sous direction de la maîtrise d’œuvre, titulaire également d’une mission G4.

Concernant l’exécution des remblais, les prescriptions étaient quasiment similaires à celles du chantier de Barriol :

  • méthode du remblai excédentaire ;

  • scarification superficielle d’une profondeur de 5 cm assurée par le compacteur à pieds de mouton ;

  • objectif de densification : 98 % de l’OPN sur 90 % des mesures et 95 % de l’OPN sur 100 % des mesures ;

  • épaisseur des couches laissée à la diligence de l’entreprise sans excéder 30 cm ;

  • nombre de passes minimal du compacteur : 6 ;

  • rouleau lisse avant intempérie et pente de 2 % pour les drainages des eaux de pluie et purge de 20 cm après chaque pluie ;

  • redans aux transitions.

Pour les contrôles (G3), il a été demandé :

  • un essai d’identification simplifiée (granulométrie et valeur au bleu de méthylène) tous les 1500 m3 ;

  • un essai d’identification complète tous les 4500 m3 de matériaux utilisés (granulométrie, limites d’Atterberg) avec en sus une analyse sédimentométrique et un essai Proctor normal ;

  • des mesures quotidiennes au gamma-densimètre tous les 50 m de digue ;

  • des mesures quotidiennes de teneurs en eau ;

  • la tenue d’un cahier avec pour chaque jour : quantité de matériau mis en œuvre, surface couverte par les compacteurs, Q/S.

Ce chantier s’est distingué des autres par une conception plus robuste consistant à démonter le mille-feuille constitué depuis le XIIe siècle pour reconstruire une nouvelle digue étanche dans les règles de l’art et la doter d’un complexe filtrant et drainant en seconde barrière de sécurité. Il a également été prescrit aux entreprises de recourir à un bureau d’étude agréé pour les études d’exécution. Concernant les prescriptions de compactage et les moyens matériels, il n’y a pas eu de changements notables par rapport aux chantiers précédents. En revanche, la fréquence des contrôles prescrits, moindre que celle demandée dans des chantiers antérieurs, a pu être suivie. Ce respect a été renforcé par la mise en œuvre d’un contrôle extérieur qui a permis également, en appui de la maîtrise d’œuvre, le renforcement du contrôle des entreprises.

thumbnail Fig. 7

Démontage de la digue sud d’Arles et reconstruction en retrait du fleuve.

Dismantling of the levee and reconstruction back from the river.

thumbnail Fig. 8

Digue sud d’Arles – principe des travaux de reconstruction (fleuve à droite).

South Levee of Arles – principle of reconstruction works (river on the left).

thumbnail Fig. 9

Digue sud d’Arles – mise en œuvre du géo-composite filtrant/drainant vue depuis la zone protégée.

South Levee of Arles – implementation of the geo-composite filtering/draining seen from the protected area.

5 REX du chantier Beaucaire-Fourques (digue du Rhône rive droite)

Ce chantier a été réalisé dans le cadre du Plan Rhône. Il couvre 13 km de digue, dont 5 km de digue résistante à la surverse. Les travaux se sont déroulés de novembre 2016 à janvier 2019. Ils ont été découpés en deux lots :

  • un lot attribué au groupement d’entreprises VALERIAN/BERTHOULY TP pour la réalisation de 8 km de digues dites « millénales » calées en altimétrie 50 cm au-dessus du niveau atteint par la crue millénale. Le montant des travaux a été de 18,4 millions d’euros ;

  • un lot attribué au groupement d’entreprises GUINTOLI/TP SPADA/MASONI TP/CROZEL TP/SLTP/EGIS pour la réalisation de 5 km de digue résistante à la surverse calée en altimétrie au niveau atteint par la crue centennale du Rhône et résistante au déversement jusqu’à la crue millénale du Rhône. Le montant des travaux a été de 21,9 millions d’euros.

La maîtrise d’œuvre a été assurée par SUEZ Consulting (ex Safege). Une mission de supervision géotechnique G4 suivant la NF P 94 500 avec contrôle extérieur a été confiée au groupement GINGER CEBTP/ Société du Canal de Provence.

À l’instar de la digue sud d’Arles, la digue d’origine a été entièrement arasée de manière à, briser le mille-feuille (source d’hétérogénéités) constitué depuis le XIIe siècle et reconstituer un nouvel ouvrage. Le volume de matériaux argileux mis en œuvre pour rétablir la fonction étanchéité de la digue est de 1 060 000 m3. Le dossier des ouvrages exécutés de la digue résistante à la surverse étant en cours d’établissement à la date de rédaction de l’article, seul le chantier de digue millénale a été analysé. La mission G3 a été réalisée par le laboratoire de l’entreprise Valérian.

La digue millénale a une hauteur moyenne mesurée depuis le côté zone protégée de 4,8 m (localement 10 m) et depuis le côté fleuve de 4,4 m (localement 12,5 m). Le volume de matériaux argileux mis en œuvre est de 540 000 m3. Le dossier des ouvrages exécutés est très complet. La coupe type est illustrée dans les figures 10 et 11.

Les travaux ont consisté en la réalisation des phases suivantes :

  • démontage de la digue d’origine ;

  • tri des matériaux, et reconstruction du corps de digue avec les matériaux issus du démontage et de matériaux prélevés à proximité de la digue ;

  • création d’une clé d’étanchéité en fondation (profondeur 2,5 m par rapport au TN aval) ;

  • mise en œuvre des matériaux par couche de 30 cm ;

  • humidification (arroseuse enfouisseusse) ou séchage des matériaux de manière à les porter à la bonne teneur en eau ;

  • homogénéisation de la teneur en eau grâce au malaxeur ou pulvimixeur ;

  • compactage des matériaux avec des compacteurs pieds de moutons type VPM5 ;

  • contrôle du niveau de compacité requis (gammadensimètre) ;

  • pose du géotextile filtrant de manière à retenir en cas de fuite les matériaux (seconde barrière de sécurité en sus de l’étanchéité) ;

  • pose du gravier sur le géotextile filtrant de manière à drainer les fuites éventuelles et d’une fibre optique d’auscultation ;

  • pose d’un second géotextile filtrant destiné à protéger le drain du colmatage ;

  • mise en œuvre d’une recharge aval en matériaux de remblai de type limon, tout venant ;

  • pose d’un grillage anti-fouisseurs, végétalisation des talus et création de pistes en pieds et crête de digue ;

  • l’exutoire du drain est constitué de petits blocs d’enrochements 10/100 kg avec un filtre intercalé entre ces derniers et les matériaux du drain.

En termes de conception, par rapport au chantier réalisé au sud d’Arles, il a été opté, compte tenu des enjeux et de la hauteur des ouvrages, pour un complexe filtrant/drainant avec un drain en matériaux minéraux plutôt qu’un complexe de type géo-composite. L’exutoire du drain a fait également l’objet d’une conception spécifique.

Le plan de contrôle a été précisé avec l’entreprise en fonction de l’organisation de la mission G3. Il a consisté en la réalisation de :

  • une mesure de teneur en eau tous les 200 m3 de matériaux mis en œuvre ;

  • une mesure de densité in situ au gamma-densimètre tous les 200 m3 de matériaux mis en œuvre ;

  • un contrôle au pénétromètre dynamique léger tous les 40 ml, sur 1 m de profondeur afin de contrôler le taux de compactage de 3 couches et leur bon mariage ;

  • un essai Proctor tous les 2500 m3 mis en œuvre, soit un à deux essais par jour (parfois quatre à cinq en période de pointe) ;

  • une identification GTR tous les 2500 m3 mis en œuvre avec mesure de la teneur en matière organique.

Les objectifs figurant au CCTP étaient : densité sèche ≥ 98 % de la densité à l’OPN avec une teneur en eau w comprise entre ± 2 % wopn. L’épaisseur minimale des couches était fixée à 30 cm après compactage. L’utilisation de compacteurs à pied dameurs était également exigée.

Fort du retour d’expérience des études de dangers (Mallet et al., 2018) et des résultats obtenus sur les mesures HET (Mallet et al., 2014), il a été demandé d’adapter les objectifs du CCTP en incitant l’entreprise à mettre en œuvre les matériaux systématiquement du côté humide de l’OPN quitte à accepter un objectif de densification légèrement moindre. Les objectifs arrêtés ont été finalement les suivants :

  • densité sèche ≥ 95 % de la densité à l’OPN sur 100 % des mesures ;

  • teneur en eau à la mise en œuvre : wopn < w < wopn + 3 % avec tolérance de 20 % des essais entre wopn – 1 % et wopn.

Le contrôle extérieur a été réalisé à l’aide d’une Jauge Électrique de Densité (JED), déjà testée par la SCP sur le chantier de la digue sud d’Arles. C’est un dispositif de mesure des propriétés de polarisation d’un sol soumis à un champ électrique entre des électrodes plantées dans la couche à tester. L’exploitation du signal, par régression et comparaison avec un « modèle de sol » réalisé en début de chantier, permet de déterminer lors d’une même mesure la teneur en eau, la densité et le taux de compactage. Cet appareillage présente l’énorme avantage de ne pas utiliser de source radioactive. Des essais inter-comparés avec le gamma-densimètre ont été réalisés lors des planches d’essai et tout au long du chantier validant le recours à cet appareillage pour les contrôles extérieurs.

En ce qui concerne la mise en œuvre, en sus des moyens matériels habituels, l’entreprise a également eu recours à des arroseuses enfouisseuses, qui ont permis des apports d’eau au cœur des couches et des malaxeurs ou pulvimixeurs qui ont permis de réduire la mouture et homogénéiser la teneur en eau de la couche à compacter.

Les avantages de cette adaptation sont que le compactage du côté humide a permis une meilleure homogénéité en masse du corps de digue et une meilleure résistante attendue à l’érosion.

Les gisements de matériaux mis en œuvre nécessitant en majorité une humidification avant compactage, la quantité d’eau injectée a été calibrée sur un objectif wopn + 1 %. Le malaxage a permis d’obtenir une bonne homogénéisation à wopn.

Les contraintes de cette adaptation sont :

  • la traficabilité chute et l’orniérage débute rapidement au-delà de w > wopn + 2 % ;

  • une faible variation de la référence Proctor du matériau engendre une mesure hors tolérance d’où la nécessité d’un suivi quotidien de la référence Proctor avec un contrôle et un recalage éventuel de la référence avec 24 h de décalage sur la mise en œuvre.

On se reportera à Chaussée et al. (2019) pour plus de détails sur le contrôle de ce chantier de terrassement.

La fréquence importante des contrôles implique la présence d’un technicien géotechnicien sur les zones de mise en œuvre, ce qui présente un enjeu de sécurité fort quant au risque de collision engin/homme à pied. L’organisation de plots de grande longueur (plusieurs centaines de mètres) facilite cette gestion du risque, le technicien intervenant plus facilement sur une zone éloignée de l’atelier. Les reprises 24 h après le contrôle sont plus simples, le nombre de couches étant plus réduit.

Il ressort également de ce chantier très contrôlé que la mesure de w doit être effectuée à l’étuve (ou à la poêle), la mesure de w à l’aide de la sonde à neutron du gammadensimètre étant peu fiable.

La complémentarité des mesures de contrôle de compacité : pénétromètre dynamique léger (bon mariage des couches)/gamma-densimètre (objectif de densification)/JED (objectif de densification par le contrôle extérieur) est apparue comme un plus pour s’assurer de la bonne mise en œuvre des matériaux.

Ce chantier s’est distingué par une conception très robuste digne de grands barrages en terre, une exécution soignée avec une attention particulière au respect de la teneur en eau et l’introduction de malaxeurs ou pulvimixeurs, et par des contrôles fréquents. In fine, le suivi géotechnique a consisté en la réalisation de 14 892 essais ainsi répartis :

  • 13 321 essais (89 %) réalisés par le laboratoire de l’entreprise dans le cadre de la mission G3 ;

  • 1571 essais réalisés par le contrôle extérieur.

Treize pour cent des essais ont été effectués en phase G3-études et G4-études (y compris lors des planches d’essai) et 87 % ont été effectués en phase de suivi des travaux.

Dans le détail, cela correspond à :

  • classification GTR : 551 essais, soit 1 pour 1180 m3 mis en œuvre ;

  • teneur en matière organique : 508 essais, soit 1 pour 1280 m3 mis en œuvre ;

  • proctor : 461 essais, soit 1 pour 1410 m3 mis en œuvre ;

  • teneur en eau à l’étuve : 5645 essais, soit 1 pour 115 m3 mis en œuvre ;

  • densité in situ : 5207 essais, soit 1 pour 125 m3 mis en œuvre ;

  • pénétromètre léger : 2472 essais, soit 1 pour 263 m3 mis en œuvre ;

  • perméabilité : 48 essais, soit 1 pour 13 452 m3 mis en œuvre.

thumbnail Fig. 10

Digue millénale de Beaucaire-Fourques – principe des travaux de renforcement.

Beaucaire-Fourques millenial Levee – principle of reinforcement works.

thumbnail Fig. 11

Coupe type de la digue vue depuis la zone protégée.

Typical section of levee seen from the protected area.

6 Synthèse du REX des différents chantiers et conclusion

L’examen de ces 4 chantiers montre que le cahier des charges a évolué sans cesse depuis la création du Symadrem. Sur le plan de la conception des renforcements de digues, la filtration de l’ensemble du talus côté zone protégée, barrière essentielle de sécurité pour la prévention des accidents (ICOLD, 2015), avait été intégrée, dès les premiers travaux, sur recommandations d’IRSTEA (ex-Cemagref). Remplacée pendant un certain temps par un tapis drainant horizontal, à l’efficacité moindre dans le cas des digues « sèches » du delta du Rhône où la principale cause des brèches est l’érosion de conduit, la fonction filtration a été à nouveau intégrée dans les projets de confortement du plan Rhône. Un complexe « minéral » de type géotextile-graviers-géotextile est désormais retenu pour les ouvrages à forts enjeux et de grande hauteur (≈ 5 mètres) et de type géo-composite sur les ouvrages éloignés des zones à enjeux et de moindre hauteur.

Les prescriptions de mise en œuvre et de contrôle ont également largement évolué. On est ainsi passé d’objectifs qualitatifs en termes de contrôle de la compacité pour les premières phases de travaux post-crues de 1993 et 1994, à des cahiers de charges incluant des programmes minimaux de mission G3 à respecter.

Les contrôles réalisés par le passé ont parfois privilégié l’objectif de densification au détriment de la teneur en eau avant compactage. Fort du retour d’expérience des mesures HET (Hole Erosion Test) réalisées depuis plus de 10 ans sur ses digues et des progrès de la recherche réalisés ces dernières années sur l’érosion interne notamment au travers du programme ERINOH, le Symadrem et ses maîtres d’œuvre privilégient désormais un compactage côté humide de l’OPN assorti d’une très légère diminution des objectifs traditionnels de densification. Les objectifs sont désormais les suivants :

  • densité sèche : 95 % de l’OPN sur 100 % des mesures ;

  • teneur en eau : comprise entre wopn et wopn + 2 % avec une tolérance de 20 % des résultats dans la fourchette wopn – 1 % et wopn.

Ce compactage côté humide de l’OPN, bien connu dans le domaine des barrages pour diminuer la perméabilité de sols, permet également d’améliorer la résistante à l’érosion des sols (Hanson et al., 2011).

À ces objectifs de résultats et prescriptions de mise en œuvre s’ajoutent également des obligations minimales de moyens matériels dont la liste s’est allongée au fil du temps. Elle est désormais la suivante :

  • arroseuse enfouisseuse (Fig. 12) pour maîtriser les quantités d’eau injectées dans les limons (l’arrosage à la carpe seule est proscrit) ;

  • pulvimixeur (Fig. 13) pour malaxer chaque couche avant compactage et garantir la bonne homogénéité de la teneur en eau ;

  • compacteur à pieds dameurs ou pieds de mouton (Fig. 14) pour garantir le bon mariage des couches en elles.

Il est également demandé (nouveauté sur le chantier de construction de la digue Tarascon-Arles en cours de réalisation) à ce que les compacteurs soient équipés d’un système GPS de manière à mieux suivre le compactage de chaque couche en sus du contrôle Q/S.

En termes de contrôle, les prescriptions minimales de la mission G3 sont désormais les suivantes :

  • une mesure au gammadensimètre et teneur en eau (à l’étuve obligatoirement) tous les 200 m3 ;

  • une mesure au pénétromètre dynamique tous les 50 ml sur trois couches pour s’assurer de l’épaisseur des couches (l’homogénéité est conditionnée par une chute de résistance de pointe à l’interface entre deux couches inférieure à 20 % sur une hauteur inférieure à 10 cm) ;

  • une identification complète, un contrôle de densité et une teneur en matière organique tous les 5000 m3 de remblais mis en œuvre (idem en phase préparation sur les gisements d’emprunts).

Il est également demandé en sus des analyses granulomériques, des analyses sédimentométriques (trois tous les 200 ml dans le tiers inférieur, médian et supérieur) pour une valorisation ultérieure dans les études de dangers.

Il est également demandé au maître d’œuvre d’assurer la mission G4 de supervision géotechnique d’exécution et de diriger le contrôle extérieur nécessaire à la contradiction avec les mesures conduites par l’entreprise dans le cadre de sa mission G3.

L’analyse de ces quatre chantiers permet un examen rétrospectif de vingt années de travaux sur les digues du delta du Rhône. L’article montre l’importance de la prise en compte des modes de rupture dans l’évolution de la conception des ouvrages qui permet aujourd’hui de répondre au principal risque de brèche sur les digues du delta du Rhône, qui est l’érosion de conduit. Il permet également de montrer l’influence, que les travaux de recherche, menés depuis plus de dix ans sur l’érosion interne, ont eue pour une meilleure prise en compte de la teneur en eau pendant la phase de compactage. La multiplication des contrôles, l’accroissement des moyens matériels pour rendre plus sûrs les digues de protection permettent in fine d’en améliorer la performance, réduire les incertitudes et estimer au mieux le risque résiduel de brèche après travaux (Mallet et al., 2019).

thumbnail Fig. 12

Arroseuse enfouisseuse.

Water cart with burier sprinkler.

thumbnail Fig. 13

Pulvimixeur.

Pulvimixer.

thumbnail Fig .14

Compacteurs pied dameurs.

Vibrating roller with padfoot.

Références

  • Chaussée D, Delaunay C, Perset V, Mallet T, Mercier P. 2019. Travaux de sécurisation de la digue du Rhône entre Beaucaire et Fourques : retour d’expérience sur le suivi géotechnique d’exécution, sa supervision et son contrôle. 3e Colloque National sur les digues maritimes et fluviales de protection contre les inondations, Aix-en Provence, 20 et 21 mars 2019. [Google Scholar]
  • Hanson GJ, Temple DM, Hunt SL, Tejral RD. 2011. Development and characterization of soil material parameters for embankment breach. Appl Eng Agric 27(4): 587–595. [CrossRef] [Google Scholar]
  • International Commission of Large Dams (ICOLD/CIGB). 2015. Internal erosion of existing dams, levees and dikes, and their foundations – bulletin no 164. [Google Scholar]
  • Mallet T, Outalmit K, Fry JJ. 2014. Probability of failure of an embankment by internal erosion using the Hole Erosion Test. ICOLD BALI International Symposium. [Google Scholar]
  • Mallet T, Dast C, Requi M, Chardès C, Castagnet A, Fry JJ. 2018. Étude de dangers du système d’endiguement rive gauche du delta du Rhône. ICOLD Vienna Congress. [Google Scholar]
  • Mallet T, Fry JJ, Tourment R, Mériaux P. 2019. Accidentologie des digues du delta du Rhône de 1840 à nos jours. 3e Colloque National sur les digues maritimes et fluviales de protection contre les inondations, Aix-en Provence, 20 et 21 mars 2019. [Google Scholar]
  • Mallet T, Dast C, Requi M, Chardès C, Castagnet A, Fry JJ. 2019. Étude de dangers des systèmes d’endiguement fluviaux du delta du Rhône. 3e Colloque National sur les digues maritimes et fluviales de protection contre les inondations, Aix-en Provence, 20 et 21 mars 2019. [Google Scholar]
  • Mallet T, Fry JJ, Tourment R, Mériaux P. 2019. Accidentologie des digues du delta du Rhône de 1840 à nos jours. 3e Colloque National sur les digues maritimes et fluviales de protection contre les inondations, Aix-en Provence, 20 et 21 mars 2019. [Google Scholar]
  • Normand M, Delaunay C, Mallet T, Mercier P. 2019. Le recul stratégique des ouvrages de protection contre les inondations au service de la préservation et valorisation des milieux aquatiques – Confortement de la digue sud d’Arles. 3e Colloque National sur les digues maritimes et fluviales de protection contre les inondations, Aix-en-Provence, 20 et 21 mars 2019. [Google Scholar]
  • SYMADREM. 2012. Plan Rhône volet inondations – Programme de sécurisation des ouvrages de protection contre les crues du Rhône du Barrage de Vallabrègues à la Mer. [Google Scholar]

1

Le niveau du terrain côté fleuve est généralement plus élevé que côté zone protégée, du fait des dépôts alluviaux en crue.

Citation de l’article : Thibaut Mallet, Denis Chaussée, Mathieu Normand, Marc-Henri Prost, Grégoire Becker, Clément Porciero, Olivier Masoni. Digues du Rhône du Symadrem : retour d’expérience de quatre chantiers réalisés entre 1998 et 2018 et évolution de la conception et du cahier des charges des terrassements. Rev. Fr. Geotech. 2019, 160, 2.

Liste des figures

thumbnail Fig. 1

Systèmes d’endiguement dans le delta du Rhône.

Levees systems in the Rhône Delta.

Dans le texte
thumbnail Fig. 2

Digue Emmaüs-Passerons – principe des travaux de confortement (fleuve à gauche).

Emmaüs-Passerons Levee – principle of reinforcement works (river on the left).

Dans le texte
thumbnail Fig. 3

Géo-composite filtrant/drainant extrait de la digue en 2017.

Geo-composite filtering and draining extracted from the levee in 2017.

Dans le texte
thumbnail Fig. 4

Extrait du cahier des charges (guide technique du SETRA/LCPC).

Extract from the specifications (SETRA/LCPC technical manual).

Dans le texte
thumbnail Fig. 5

Digue de Barriol – principe des travaux de confortement (fleuve à droite).

Barriol Levee – principle of reinforcement works (river on the right).

Dans le texte
thumbnail Fig. 6

Travaux de confortement de la digue de Barriol en avril 2017.

Barriol Levee reinforcement works in april 2017.

Dans le texte
thumbnail Fig. 7

Démontage de la digue sud d’Arles et reconstruction en retrait du fleuve.

Dismantling of the levee and reconstruction back from the river.

Dans le texte
thumbnail Fig. 8

Digue sud d’Arles – principe des travaux de reconstruction (fleuve à droite).

South Levee of Arles – principle of reconstruction works (river on the left).

Dans le texte
thumbnail Fig. 9

Digue sud d’Arles – mise en œuvre du géo-composite filtrant/drainant vue depuis la zone protégée.

South Levee of Arles – implementation of the geo-composite filtering/draining seen from the protected area.

Dans le texte
thumbnail Fig. 10

Digue millénale de Beaucaire-Fourques – principe des travaux de renforcement.

Beaucaire-Fourques millenial Levee – principle of reinforcement works.

Dans le texte
thumbnail Fig. 11

Coupe type de la digue vue depuis la zone protégée.

Typical section of levee seen from the protected area.

Dans le texte
thumbnail Fig. 12

Arroseuse enfouisseuse.

Water cart with burier sprinkler.

Dans le texte
thumbnail Fig. 13

Pulvimixeur.

Pulvimixer.

Dans le texte
thumbnail Fig .14

Compacteurs pied dameurs.

Vibrating roller with padfoot.

Dans le texte

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