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Numéro
Rev. Fr. Geotech.
Numéro 165, 2020
Microstructure des matériaux argileux – conséquences pour l’ingénieur
Numéro d'article 4
Nombre de pages 9
DOI https://doi.org/10.1051/geotech/2020027
Publié en ligne 22 janvier 2021

© CFMS-CFGI-CFMR-CFG, 2021

1 Introduction

La stabilisation du sol à la chaux et/ou au ciment est couramment utilisée en géotechnique pour améliorer les caractéristiques du sol telles que la résistance, la portance, le module élastique, etc. Les principaux effets de ces traitements sont relativement bien caractérisés. Plusieurs auteurs (par exemple, Bell, 1996 ; Brandl, 1981 ; Kafodya et Okonta, 2018 ; Little, 1995) ont ainsi montré que le traitement à la chaux améliore l’ouvrabilité du sol ainsi que la résistance et le module élastique du sol. La chaux peut également avoir un impact sur la conductivité hydraulique des sols en fonction des conditions de compactage (Le Runigo et al., 2009 ; McCallister et Petry, 1991), permet de limiter le potentiel de gonflement des sols expansifs (Nalbantoglu et Tuncer, 2001) ou d’améliorer la résistance à l’érosion des sols (Chevalier et al., 2012 ; Mehenni et al., 2016).

Au-delà de la performance obtenue avec un traitement donné, une préoccupation importante est l’évaluation de la durabilité des performances du sol traité sur la durée de vie de l’ouvrage à construire. Certaines études in situ de sols stabilisés à la chaux ont montré qualitativement que l’exposition aux conditions climatiques peut avoir un impact négatif sur le comportement des sols stabilisés à long terme (Gutschick, 1978 ; Kelley, 1988). Cela a également été mis en évidence par des études en laboratoire qui ont montré que la succession d’humidification/séchage (Alavez-Ramirez et al., 2012 ; Chittoori et al., 2018 ; Consoli et al., 2017 ; Dempsey et Thompson, 1968 ; Guney et al., 2007 ; Khattab et al., 2007) ou des cycles répétés de gel/dégel (Bin-Shafique et al., 2010 ; Dempsey et Thompson, 1973) pouvaient entraîner une diminution significative des caractéristiques hydromécaniques du sol traité. D’autres processus comme le lessivage (Le Runigo et al., 2011 ; McCallister et Petry, 1991 ; Moghal et al., 2015), le contact permanent avec l’eau (Kenai et al., 2006 ; Mehenni et al., 2015) peuvent également induire une modification négative des performances dans le temps. Il existe donc plusieurs préoccupations quant à la durabilité des caractéristiques du sol stabilisé au fil du temps, et il est fondamental de comprendre les mécanismes qui conduisent à l’altération des caractéristiques hydromécaniques des sols traités.

Dans le cadre de cet article, une attention spéciale sera portée à la relation existant entre le comportement mécanique macroscopique, des sollicitations hydriques et la microstructure des sols gonflants traités à la chaux, en se basant sur des études existantes. Ces résultats permettront de montrer l’importance de la prise en compte de la microstructure dans l’analyse du comportement macroscopique des sols argileux traités pour évaluer leur durabilité. Deux aspects seront considérés successivement. L’impact d’une sollicitation hydrique monotone sur la microstructure d’un sol gonflant traité sera abordé dans un premier temps. Dans cette partie, la méthode de porosimétrie par intrusion de mercure est utilisée pour quantifier les modifications de microstructure induites par des sollicitations hydriques. Dans un deuxième temps, l’influence de sollicitations hydriques cycliques sur le comportement mécanique d’un sol argileux traité sera discutée en s’appuyant sur une approche indirecte de quantification de la microstructure du sol basée sur l’analyse des courbes de compressibilité.

2 Caractéristiques du sol étudié

Le sol employé dans ces études était un sol argileux gonflant échantillonné dans l’Est de la France. Le tableau 1 résume ses propriétés physiques et géotechniques. La fraction argileuse (< 2 µm) analysée par diffraction des rayons X montre qu’elle est principalement composée de smectite et de minéraux de muscovite avec une petite quantité de chlorite. Les limites d’Atterberg des sols traités à la chaux ont montré une augmentation significative de la limite de liquidité et de la limite de plasticité, ce qui est typique de ce type de sol argileux.

La chaux utilisée dans cette étude contenait 94 % de chaux vive (CaO).

Pour la préparation de l’échantillon, la teneur en eau du sol argileux a été ajustée pour atteindre la teneur optimale en eau du compactage qui dépend de la teneur en chaux vive considérée (Tab. 2). Après une période de stockage de 24 heures pour homogénéiser la teneur en eau du matériau, le sol et la chaux vive ont été mélangés dans un malaxeur mécanique. Le mélange a été laissé une heure dans un récipient hermétique avant le compactage pour permettre le développement de réactions immédiates entre la chaux vive et les particules de sol. Ensuite, le mélange a été compacté statiquement dans un moule jusqu’à la densité sèche visée (Tab. 2). Lorsqu’une période de cure avant l’essai était nécessaire, les échantillons compactés étaient enveloppés dans un sachet hermétique pour éviter toute perte d’eau, et maintenus à 20 ± 1,5 °C tout au long de la cure.

Tableau 1

Caractéristiques géotechniques du sol étudié.

Characteristics of the tested soil.

Tableau 2

Caractéristiques de compactage du sol en fonction du dosage en chaux.

Impact of lime treatment on the compaction characteristics of the tested soil.

3 Impact d’une variation de succion sur la microstructure d’une argile gonflante

Dans cette partie, est abordée l’étude de l’impact d’un séchage ou d’une humidification sur la microstructure d’une argile gonflante. Dans un premier temps, les méthodes expérimentales de séchage et d’humidification, et d’analyse de la microstructure par porosimétrie par intrusion de mercure sont brièvement rappelées. La relation entre la microstructure et le comportement du matériau le long d’un chemin de séchage et d’humidification est ensuite abordée.

3.1 Techniques d’imposition de la succion

Deux méthodes d’imposition de la succion ont été utilisées : la méthode osmotique et la méthode des solutions salines saturées. Le principe de la méthode osmotique est de mettre en contact une éprouvette de sol et une solution de macromolécules en insérant entre les deux une membrane semi-perméable. Celle-ci empêche le passage des macromolécules de la solution vers l’éprouvette mais elle permet les échanges d’eau. Les mouvements d’eau, et donc la succion, sont contrôlés par le phénomène d’osmose : plus la concentration en macromolécules est élevée, plus la succion imposée est forte. La macromolécule utilisée classiquement est le polyéthylène glycol (PEG) avec différents poids moléculaires.

Une solution saline permet de maintenir l’humidité relative constante dans une enceinte close, l’humidité relative dépendant du sel utilisé ainsi que de sa concentration. La loi de Kelvin permet de relier l’humidité relative à la succion totale. Le principe de la méthode est de placer une éprouvette de sol à l’intérieur d’une enceinte close dont l’humidité relative est maintenue constante par une solution saline. Les succions imposées varient de quelques MPa à 1000 MPa.

De plus amples détails sur ces méthodes et leur utilisation pour imposer la succion des sols sont disponibles dans (Cuisinier et Masrouri, 2004, 2005 ; Delage et al., 1998).

3.2 Porosimétrie par intrusion de mercure

La porosimétrie par intrusion de mercure (MIP) a été choisie pour étudier la microstructure des échantillons. Dans la méthode MIP, la pression du mercure est augmentée par étapes et le volume de mercure intrus est surveillé pour chaque incrément de pression. En supposant que les pores du sol sont cylindriques, l’équation de Jurin est utilisée pour déterminer le rayon des pores associé à chaque augmentation de pression du mercure. Pour interpréter les données du PIM, Juang et Holtz (1986) ont proposé de déterminer la fonction de densité de pores (PSD) de l’échantillon comme suit : (1) où ΔVi est le volume de mercure injecté à un incrément de pression donné correspondant aux pores qui ont un rayon des pores d’entrée de ri ± (Δlog ri)/2.

3.3 Définition des dosages en chaux

L’impact du traitement sur le potentiel de gonflement a été considéré en premier lieu. Celui-ci varie de 14,5 % pour le matériau non traité à 0 % pour le matériau traité avec 1 % de chaux (Fig. 1). Après la phase de saturation pour estimer leur potentiel de gonflement, les éprouvettes ont été chargées mécaniquement afin de déterminer leur contrainte de préconsolidation apparente σy (Fig. 1). Dans le cas des matériaux traités qui comprennent des liens cimentaires issus des réactions pouzzolaniques, la contrainte σy dépend non seulement de « l’histoire » mécanique du matériau, mais aussi de l’effet des cimentations. L’ajout de chaux permet une augmentation de la contrainte σy qui passe d’environ 35 kPa pour le matériau non traité à environ 400 kPa pour le matériau traité à 2 % ou 5 % de chaux après 1 jour de cure. Lorsque le temps de cure augmente, le traitement à 2 % permet une augmentation jusqu’à 700 kPa après 28 jours, la valeur de pression de préconsolidation se stabilisant ensuite. Jusqu’à 28 jours de cure, les résultats sont équivalents pour 2 et 5 % de chaux. En revanche, le dosage de 5 % permet à la pression de préconsolidation de continuer à augmenter jusqu’environ 3500 kPa après 360 jours de cure. Ces résultats montrent que la performance mécanique du sol argileux traité à la chaux est une fonction du temps de cure et de la quantité de chaux apportée au système.

thumbnail Fig. 1

Impact du traitement à la chaux du sol sur (a) son potentiel de gonflement et (b) sa pression de préconsolidation apparente en fonction du temps et du dosage en chaux.

Impact of lime treatment on (a) swelling potential, and (b) its apparent precompression stress as function of time and lime content.

3.4 Impact d’une sollicitation hydrique monotone sur la microstructure

La courbe de rétention du matériau a été déterminée (Fig. 2). Les résultats montrent que la courbe de rétention a été modifiée par le traitement à la chaux et la teneur en chaux. Cependant, aucun impact significatif du temps de cure n’a été observé. Le long du trajet d’humidification, l’effet du traitement à la chaux a été évalué en déterminant la quantité d’eau absorbée au cours de la saturation de l’eau. Dans le cas du matériau non traité, la teneur en eau a augmenté de +13 %, alors qu’il n’a augmenté que de +3 % (pour 2 % de chaux) et de +1 % (pour 5 % de chaux) pour les matériaux traités à la chaux. Par conséquent, la capacité de rétention d’eau du sol a été considérablement réduite par le traitement à la chaux. Lors du séchage, en dessous de 20 MPa de succion, la capacité de rétention était plus élevée pour les échantillons traités.

La microstructure initiale du sol non traité (Tab. 3 et Fig. 3) se composait de deux classes de pores. Ce type de structure est habituellement observé sur des sols argileux compactés et est appelé « double structure » (par exemple, Delage et al., 2006 ; Diamond, 1971 ; Lloret et al., 2003). Les plus petits pores (micropores) correspondent aux pores à l’intérieur des agrégats, tandis que les plus grands pores (macropores) sont les espaces entre ces agrégats. Les microstructures des deux matériaux traités à la chaux (Fig. 4 et Fig. 5) présentaient un type de structure similaire. L’ajout de chaux a entraîné une augmentation de la quantité de micropores, d’autant plus marquée que le dosage était important, tandis que la quantité de macropores ne variait pas de façon significative. Les différences de densité entre le sol non traité et le sol traité sont donc attribuable essentiellement à un effet du traitement sur la microporosité (Tab. 2).

La saturation a entraîné une augmentation de l’indice des vides (+30 %) de l’échantillon non traité (Fig. 3). Ce gonflement volumique correspond à une augmentation de l’indice des vides macroscopiques (eMACRO) (+37 %), tandis que l’indice des vides microscopiques (emicro) reste constant. De plus, les rayons moyens des macro- et micropores n’ont pas été significativement modifiés par saturation. Dans le cas des deux matériaux traités à la chaux, aucun gonflement volumique n’a été observé lors de la saturation (Fig. 4 et Fig. 5), ce qui confirme que le traitement à la chaux empêche le gonflement. Par ailleurs, eMACRO et emicro sont restés stables. Cependant, le matériau traité avec 2 % de chaux présente une modification de la distribution des macropores, dont le rayon a augmenté jusqu’à 25 µm, alors que la distribution des micropores est restée presque inchangée. Le matériau traité avec 5 % de chaux présentait de légères modifications dans la distribution des macropores et des micropores après saturation.

Lors du séchage, la microstructure de l’échantillon non traité a subi d’importantes modifications depuis la succion initiale jusqu’à 8 MPa. En termes de variation de volume, le retrait volumique était égal à −12 % pour une succion de 8 MPa. Entre 8 et 113 MPa, le retrait volumique s’est presque stabilisé. Le séchage a impacté principalement la macroporosité du sol non traité. Pour le matériau traité avec 2 % de chaux, l’augmentation de la succion a entraîné un retrait volumique de −5 % à 2,8 MPa à −15 % à 113 MPa. Un retrait volumique du même ordre de grandeur a été observé pour le matériau traité avec 5 % de chaux. Contrairement au matériau non traité, le retrait volumique n’a pas été stabilisé à 8 MPa pour les matériaux traités à la chaux. La figure 4 et la figure 5 montrent que certaines modifications de la macroporosité et de la microporosité se sont produites lorsque les matériaux traités à la chaux ont été soumis à des succions croissantes. Ceci a été confirmé par les courbes de distribution des pores qui indiquent que eMACRO et emicro ont diminué avec l’augmentation de la succion.

Le comportement des matériaux traités à la chaux en cours de séchage doit être comparé à celui du matériau non traité, dont la microporosité est insensible aux variations de succion. En conclusion, l’ajout de chaux au sol argileux n’empêche pas le retrait induit par le séchage, même si le volume du sol traité à la chaux est stabilisé à des succions plus élevées que le sol non traité. De plus, la quantité de micropores augmente suite à l’ajout de chaux, et ces micropores sont sensibles au séchage. Ces résultats montrent ainsi que, même si le gonflement est supprimé à l’échelle microscopique par le traitement, le sol traité reste très sensible aux variations d’état hydrique à l’échelle microscopique, une humidification entraînant une réorganisation significative de la microstructure du sol, le séchage étant aussi associé à une réorganisation significative de la microstructure.

thumbnail Fig. 2

Courbe de rétention du sol argileux avec ou sans traitement.

Impact of treatment on the retention curve.

Tableau 3

Caractéristiques de la microstructure pour les états initiaux.

Microstructural features of the tested soil.

thumbnail Fig. 3

Influence de la succion sur la microstructure du sol non traité.

Impact of suction on the treated soil microstructure.

thumbnail Fig. 4

Influence de la succion sur la microstructure du sol traité avec 2 % de chaux.

Impact of suction on the microstructure of the soil treated with 2% of lime.

thumbnail Fig. 5

Influence de la succion sur la microstructure du sol traité avec 5 % de chaux.

Impact of suction on the microstructure of the soil treated with 5% of lime.

4 Impact de sollicitations hydriques cycliques

Certaines études en laboratoire (Guney et al., 2007 ; Khattab, 2002) ont montré que le potentiel de gonflement d’un sol argileux compacté traité à la chaux était réduit significativement après traitement mais tendait à ré-augmenter suite à l’imposition de cycles hydriques successifs. Cependant, les cycles hydriques de ces études ont été réalisés entre la saturation (imposition d’une succion nulle) et de très faibles humidités relatives (succion de plusieurs centaines de MPa obtenue par séchage à l’étuve. Ces conditions sont plutôt sévères par rapport aux variations de succion auxquelles peut être soumis le cœur des ouvrages en terre (quelques MPa).

Dans ce contexte, une étude a été réalisée pour évaluer l’efficacité à long terme d’un traitement à la chaux appliqué sur un sol argileux gonflant lorsqu’il est soumis à une succession de cycles hydriques d’amplitude contrôlée. Des œdomètres à succion contrôlée, par la méthode osmotique ou la méthode des solutions salines, ont été utilisés pour déterminer l’évolution des variations volumiques du sol (retrait/gonflement) au cours des cycles (Cuisinier et Masrouri, 2004). En fin de cycles, les performances mécaniques de ces échantillons traités ont été déterminées et comparées à celles d’échantillons non soumis à des cycles hydriques.

4.1 Quantification de la microstructure

Pour analyser les résultats, il a fallu tenir compte de l’influence des liaisons cimentaires et de la densité du sol sur le comportement des échantillons traités à la chaux vive. Dans le cas des sols structurés, Leroueil et Vaughan (1990) ont défini dans le plan e − log σ’ un « espace permis par la structure » correspondant à la courbe de compression des matériaux cimentés dont la limite élastique est située sur le côté droit de la courbe de compression vierge. Dans ce cas, le terme « structure » est utilisé pour définir la combinaison de la texture (la disposition géométrique des particules) et des liens cimentaires. Ainsi, le comportement d’un sol traité à la chaux peut être analysé de manière similaire à celui d’un sol structuré, la principale différence étant la dépendance temporelle du comportement en fonction de l’évolution des réactions pouzzolaniques. La limite élastique peut être un moyen de quantification de l’effet de la structure pour les sols traités à la chaux. Néanmoins, les échantillons traités avec différentes teneurs en chaux vive peuvent avoir des densités différentes. Pour évaluer la quantité de produits cimentaires, et donc l’impact de la microstructure sur le comportement mécanique, on peut utiliser le facteur de sensibilité Sσ (Burland et al., 1996 ; Gasparre et Coop, 2008), défini comme le rapport entre la limite élastique σy’ d’un « matériau structuré » et la contrainte verticale σ0’ sur la courbe de compression vierge (LSC) pour le même indice des vides (Fig. 6). Cette approche permet de quantifier l’impact de la microstructure sur le comportement mécanique macroscopique. Elle a été utilisée pour évaluer l’impact de cycles hydriques sur le comportement mécanique d’un sol argileux traité à la chaux.

thumbnail Fig. 6

Principe de détermination du facteur de sensibilité.

Determination of the sensitivity factor.

4.2 Cycles hydriques

La majorité des essais a été réalisée en utilisant les œdomètres à succion contrôlée pour imposer les sollicitations hydriques cycliques. L’essentiel des essais a été conduit en mettant en œuvre des œdomètres à succion contrôlée par la méthode osmotique, les cycles étant réalisés entre 8 MPa de succion et la saturation. Afin de mettre en perspective les résultats obtenus à partir de la mise en œuvre des œdomètres à succion contrôlée par la méthode osmotique, des essais complémentaires ont été réalisés. Ceux-ci ont été conduits en modifiant la méthode d’imposition de la succion. La procédure choisie s’inspire de la norme ASTM D559– 03 développée aux États-Unis pour apprécier la résistance aux cycles hydriques des sols traités au ciment. Selon cette méthode, il s’agit d’imposer des cycles hydriques par passage à l’étuve puis immersion dans de l’eau. Dans le cadre de cette étude, le séchage a été effectué par un passage à l’étuve à 60 °C pendant trois jours, l’humidification par une saturation, à 20 °C, dans la cellule œdométrique pendant 7 jours. Ces cycles ont été réalisés dans des œdomètres classiques. Pour chaque modalité, deux essais ont été conduits.

Quelle que soit la méthode d’imposition des cycles hydriques choisie, les éprouvettes ont ensuite été chargées et déchargées lors d’un essai œdométrique sous une succion nulle. La réalisation des essais sous cette succion a permis de s’affranchir de l’impact de la succion sur le comportement mécanique, et ainsi de s’attacher principalement à l’effet des cycles sur les cimentations.

4.3 Altération de la microstructure par les cycles hydriques

Pour évaluer l’influence du dosage de chaux vive et du temps de cure sur le comportement à la compression, la limite élastique et le facteur de sensibilité ont été déterminés en fonction du temps écoulé entre le compactage de l’échantillon et le début de la compression œdométrique (Fig. 7). Prenons par exemple le cas d’un échantillon traité à la chaux vive traité, puis mis en cure pendant 28 jours, avant d’être soumis à 5 cycles d’humidification et de séchage qui ont duré 70 jours. Ainsi, la compression œdométrique a commencé 98 jours après sa préparation.

Dans le cas des échantillons traités avec 2 % de chaux vive, la forte diminution de la limite d’élasticité et du facteur de sensibilité (Fig. 7) indique que les cycles hydriques ont induit une altération importante de la structure du sol induite par l’ajout de chaux vive. Le comportement à la compression des matériaux traités à la chaux vive soumis à des cycles sévères était proche de celui des matériaux soumis à des cycles à succion contrôlée, ce qui indique que l’effet du traitement à la chaux vive a été diminué par les cycles hydriques, quelle que soit la méthode utilisée pour imposer ces cycles. Pour les échantillons traités avec 5 % de chaux vive, la sensibilité aux cycles a été divisée par un facteur de 3 à 4 en fonction du temps de cure après les cycles à succion contrôlée, tandis qu’elle a été divisée par un facteur de 8 à 10 pour les cycles basés sur la méthode ASTM. Le facteur de sensibilité permet de mettre en évidence que la dégradation est fonction de l’intensité du cycle hydrique.

Ces résultats démontrent que les cycles d’humidification/séchage peuvent réduire considérablement la limite élastique des sols gonflants traités à la chaux vive. La méthodologie ainsi que l’amplitude de la sollicitation semblent être des paramètres déterminants. Même pour les cycles hydriques à succion contrôlée, une forte dégradation de la limite d’élasticité et du facteur de sensibilité à la contrainte a pu être observée tandis que l’efficacité du traitement sur le comportement volumique restait inchangée. L’approche proposée de quantification de la microstructure grâce au facteur de sensibilité permet d’évaluer l’impact des cycles hydriques sur la microstructure et son évolution au cours des cycles. Des études complémentaires ont permis d’identifier les mécanismes responsables de l’altération, et d’analyser quantitativement l’évolution de la microstructures par porosimétrie par intrusion de mercure (Cuisinier et al., 2014 ; Stoltz et al., 2014)

thumbnail Fig. 7

Effet des cycles d’humidification/séchage réalisés entre 0 et 8 MPa sur la limite élastique σ′y (a et b), et le facteur de sensibilité Sσ (c et d). nc : cycles réalisés à succion contrôlée ; ns : cycles réalisés par étuvage/immersion.

Impact of the cycle wetting and drying on yield stress σ′y (a et b), and on the sensitivity factor Sσ (c et d). n: cycles performed under controlled suction; ns: cycles made by oven drying and full immersion.

5 Conclusion

Les résultats présentés dans cet article permettent de mettre en évidence la nécessité de prendre en compte explicitement la microstructure des sols pour mieux appréhender leur comportement macroscopique, et plus particulièrement dans le cas des sols gonflants. La microstructure peut être analysée par de nombreuses méthodes, porosimétrie par intrusion de mercure, microscopie, tomographie de rayons X, etc. Il est cependant indispensable de réaliser une analyse quantitative de la microstructure à partir de ces observations afin de pouvoir la relier aux paramètres mécaniques macroscopiques, et réaliser une analyse approfondie du comportement hydromécanique du matériau. Cette approche a ainsi notamment permis de montrer que la microstructure du sol reste sensible aux variations de succion de manière significative, même si le gonflement macroscopique est fortement réduit. Une approche quantitative de la microstructure, et de son évolution en fonction de différentes sollicitations peut aussi être réalisée en utilisant une approche similaire à celle présentée dans cet article. Elle permet ainsi d’analyser quantitativement l’impact de différentes sollicitations, du temps de cure, etc. La combinaison des deux approches, mesure directe et analyse indirecte, s’est avérée indispensable dans le cas de l’étude de l’impact de sollicitations hydriques cycliques sur le comportement mécanique.

Remerciements

L’auteur tient à remercier les personnes qui ont été impliquées dans la réalisation des études mentionnées dans cet article, et parmi celles-ci plus particulièrement Mme Farimah Masrouri et M. Guillaume Stoltz.

Références

Citation de l’article : Olivier Cuisinier. Impact quantitatif de sollicitations hydriques sur la microstructure d’un sol gonflant traité à la chaux. Rev. Fr. Geotech. 2020, 165, 4.

Liste des tableaux

Tableau 1

Caractéristiques géotechniques du sol étudié.

Characteristics of the tested soil.

Tableau 2

Caractéristiques de compactage du sol en fonction du dosage en chaux.

Impact of lime treatment on the compaction characteristics of the tested soil.

Tableau 3

Caractéristiques de la microstructure pour les états initiaux.

Microstructural features of the tested soil.

Liste des figures

thumbnail Fig. 1

Impact du traitement à la chaux du sol sur (a) son potentiel de gonflement et (b) sa pression de préconsolidation apparente en fonction du temps et du dosage en chaux.

Impact of lime treatment on (a) swelling potential, and (b) its apparent precompression stress as function of time and lime content.

Dans le texte
thumbnail Fig. 2

Courbe de rétention du sol argileux avec ou sans traitement.

Impact of treatment on the retention curve.

Dans le texte
thumbnail Fig. 3

Influence de la succion sur la microstructure du sol non traité.

Impact of suction on the treated soil microstructure.

Dans le texte
thumbnail Fig. 4

Influence de la succion sur la microstructure du sol traité avec 2 % de chaux.

Impact of suction on the microstructure of the soil treated with 2% of lime.

Dans le texte
thumbnail Fig. 5

Influence de la succion sur la microstructure du sol traité avec 5 % de chaux.

Impact of suction on the microstructure of the soil treated with 5% of lime.

Dans le texte
thumbnail Fig. 6

Principe de détermination du facteur de sensibilité.

Determination of the sensitivity factor.

Dans le texte
thumbnail Fig. 7

Effet des cycles d’humidification/séchage réalisés entre 0 et 8 MPa sur la limite élastique σ′y (a et b), et le facteur de sensibilité Sσ (c et d). nc : cycles réalisés à succion contrôlée ; ns : cycles réalisés par étuvage/immersion.

Impact of the cycle wetting and drying on yield stress σ′y (a et b), and on the sensitivity factor Sσ (c et d). n: cycles performed under controlled suction; ns: cycles made by oven drying and full immersion.

Dans le texte

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