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Rev. Fr. Geotech.
Numéro 167, 2021
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Numéro d'article | 2 | |
Nombre de pages | 15 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/geotech/2021007 | |
Publié en ligne | 14 avril 2021 |
Revue / Review Article
La mécanique dissipative des géo-matériaux granulaires et ses applications pratiques en Génie Civil
The dissipative mechanics of granular geomaterials and its practical applications in Civil Engineering
★ Auteur de correspondance : efrossard52@gmail.com
L’article, résultant d’un travail de long terme sur la physique des géo-matériaux granulaires et la pratique du génie civil de grandes infrastructures, synthétise une vision nouvelle du comportement mécanique de ces matériaux, à partir d’approches dissipatives micromécaniques originales. Après le contexte et les hypothèses-clé, il présente les aspects essentiels des structures dissipatives induites par la friction de contact élémentaire, associée à des spécificités de mécanique statistique dans ces matériaux en mouvement quasi-statique, et leur expression multi-échelle par des relations tensorielles fortes : les équations de la dissipation d’énergie résultant de la friction. Sur cette base, est ensuite établi un large ensemble de propriétés pratiques d’usage général en génie civil, incluant : le critère de rupture, le couplage résistance au cisaillement/variations de volume, la compaction cyclique, l’équilibre géostatique « au repos »… Bien que l’essentiel de l’article soit focalisé sur les caractères induits par la friction de contact, une dernière section présente d’autres propriétés-clé induites par la rupture des granulats, autre processus dissipatif après la friction de contact. Ces propriétés incluent des incidences explicites sur les effets d’échelle dans le comportement structural d’ouvrages, vérifiées sur de grands ouvrages.
Abstract
The paper, resulting from a long-term work into the physics of granular geomaterials, as well as into the engineering of large civil works, reviews and summarizes a new vision of granular geomaterials mechanical behavior, through original micro-mechanical dissipative approaches. After a section on background and key assumptions, it begins on main theoretical features of dissipative structures induced by elementary contact friction, associated with specific statistical mechanics properties within granular materials in quasi-static motion, and their multi-scale expression into key tensor relations: the equations of energy dissipation resulting from contact friction. On this basis, is then developed explicitly a wide set of practical properties of general use in civil engineering covering: the failure criterion, the coupling shear strength/ volume changes, the cyclic compaction, the geo-static equilibrium “at rest”… Although most of the paper focusses on contact friction induced features, a last section presents other key features resulting from particle breakage, the other main dissipative process after contact friction. These results include explicit incidences on size effects in civil works structural behavior, verified on large embankments.
Mots clés : Géo-matériaux granulaires / comportement mécanique / applications au génie civil / résistance au cisaillement / effets d’échelle
Key words: Granular geomaterials / mechanical behavior / applications to civil engineering / shear strength / scale effects
© CFMS-CFGI-CFMR-CFG, 2021
1 Contexte-Hypothèses-clé
La construction de grandes infrastructures met souvent en jeu de très larges volumes d’enrochements (mélanges de blocs et cailloux,de gravier et de sable), jusqu’à plusieurs dizaines de millions de m3, comme dans les barrages en enrochement (Fig. 1), les ouvrages maritimes et fluviaux, ou les plateformes autoroutières et ferroviaires.
À cause des difficultés et coûts de réalisation d’essais mécaniques pertinents, les méthodes de conception concernant ces matériaux incluent encore une large part d’extrapolation empirique à partir de réalisations antérieures. Cette situation a conduit récemment à de sérieux incidents à la mise en service de grands barrages dans le monde entier, poussant la profession à évoluer vers des pratiques plus rationnelles, et une meilleure maîtrise des matériaux et procédés. Le présent article résume un travail de long terme dans ce sens, proposant une nouvelle vision de ces géo-matériaux granulaires, par une approche dissipative micromécanique originale, détaillée dans un livre récent (Frossard, 2018).
Les développements présentés ici s’appuient sur trois idées de fond sur le comportement mécanique :
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dans bien des situations courantes, ces géo-matériaux granulaires s’avèrent des milieux essentiellement dissipatifs : soumis à une déformation lente, ils dissipent l’essentiel de l’énergie de déformation dans le mouvement, sans guère de stockage réversible d’énergie ; de ce fait, la résistance qu’ils opposent à la déformation provient de la demande en énergie requise par cette dissipation ;
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deux processus physiques sont à la base de cette dissipation : d’abord la friction de contact suivant les lois du frottement sec de Coulomb, puis la rupture des granulats selon les lois de la rupture fragile ;
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partant de là, l’intégration multi-échelle de la physique particulière à ces processus conduit à des relations et propriétés utiles du comportement macroscopique, intéressant directement le Génie Civil.
L’essentiel de l’article, partant des structures dissipatives multi-échelles induites par la friction de contact élémentaire, et leur expression par des relations de dissipation d’énergie par friction, en développe les résultats explicites en un large ensemble de propriétés pratiques macroscopiques, intéressant directement la géotechnique et le génie civil, incluant :
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Le Critère de Rupture 3D, s’avérant être le Critère de Coulomb à l’état critique ;
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Les relations entre résistance au cisaillement et variations de volume, donnant les relations contraintes-dilatance en 3D, et le Critère de Rupture « au pic » ;
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Le « Domaine Caractéristique », clé des effets de liquéfaction et leurs conséquences ;
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Les spécificités de la Compaction Cyclique sous cisaillement alterné, largement utilisées pour améliorer les matériaux ;
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L’équilibre géostatique (coefficient K0), clé des soutènements d’excavations profondes, puits et ouvrages souterrains superficiels.
Une section est consacrée à un large ensemble de données expérimentales collectées dans le monde entier, couvrant la plupart des appareils existants, qui valide en profondeur cette approche dissipative du comportement.
La dernière section présente des éléments résultant de la rupture des granulats, l’autre principal processus dissipatif après la friction de contact, incluant des incidences explicites sur les effets d’échelle dans la résistance au cisaillement, la stabilité des talus et les facteurs de sécurité, les déformations et tassements dans les remblais d’enrochement.
Dans l’approche multi-échelles des sections 2–8, les matériaux granulaires considérés, en mouvement lent quasi-statique, sont formés de granulats minéraux rigides, sans cohésion, de formes aléatoires convexes mais très irrégulières : n’étant pas du tout sphériques, ces granulats ne peuvent développer de mouvements de type « roulement à billes ». Les contacts intergranulaires sont unilatéraux, purement frictionnels à friction uniforme, de ce fait il n’y a aucune résistance macroscopique à la traction. Les mouvements intérieurs pertinents sont les glissements relatifs de contact, et les efforts intérieurs pertinents sont les résultantes d’efforts de contact : le travail des efforts intérieurs est produit par ces efforts de contact et leurs mouvements en glissements relatifs, il est entièrement dissipé dans le mouvement. Les contraintes macroscopiques considérées sont des « contraintes effectives », avec la convention de signe de la Mécanique des Sols (contraintes de compression et déformations de raccourcissement notées positivement).
Dans les sections 9 et 10 les granulats ne sont plus considérés comme rigides, mais sujets à la rupture fragile, avec une distribution statistique de leur résistance à la rupture en fonction de leur taille.
Cet article étant une synthèse, détails et démonstrations ainsi qu’une large bibliographie, pourront être trouvés dans Frossard (2018).
Fig. 1 Un grand barrage en enrochement, et l’enrochement utilisé dans sa construction. A large rockfill dam, and the rockfill used for its construction. |
2 Structures induites par la friction de contact
Des structures s’avèrent induites par la friction de contact, qui conditionne des tenseurs particuliers d’« actions intérieures » résultant du produit symétrique entre efforts intérieurs et mouvements intérieurs, et qui portent la puissance des efforts intérieurs en premier invariant (Tab. 1). En effet, ces lois de la friction de contact induisent une relation simple entre les valeurs propres de ces tenseurs à l’échelle des contacts élémentaires d’une part, et d’autre part ce concept d’« actions intérieures » en permet ensuite la transposition rationnelle jusqu’à l’échelle macroscopique du continuum équivalent.
À l’échelle microscopique, celle du contact élémentaire en glissement entre deux granulats (Tab. 1), Les classiques lois de Coulomb reliant l’angle de friction de contact φμ à l’effort de contact et à la vitesse relative de glissement, mènent à l’expression vectorielle de la puissance dissipée par friction : (1)
Les deux membres s’avèrent être des invariants du premier degré du tenseur des « actions intérieures » du contact élémentaire p(a/b) résultant du produit symétrique de nos deux vecteurs : la Trace (égale au produit scalaire des 2 vecteurs), et la somme des valeurs absolues des valeurs propres (égale au produit des normes Euclidiennes des 2 vecteurs), qui s’avère une norme tensorielle N, linéaire par morceaux, ayant pour boule unité un octaèdre régulier. Ainsi, les lois de Coulomb sur la friction de contact induisent entre les valeurs propres de p(a/b) une relation de dissipation simple, linéaire par morceaux : (2)
À l’échelle méso-scopique, l’amas granulaire discontinu (Tab. 1), est considéré comme une population statistique de contacts élémentaires en mouvement, la puissance totale des efforts intérieurs étant la somme des puissances développées par tous les efforts de contact. Ainsi, le tenseur correspondant des actions intérieures de l’amas P(A) est ici la somme de tous les tenseurs d’actions intérieures des contacts élémentaires, et ses valeurs propres s’avèrent aussi reliées par une relation de dissipation induite par la friction, mais incorporant ici un effet spécifique de population : (3) où la fonction R(A), qui porte cet effet de population, résulte d’échanges d’énergie entre contacts en mouvement adjacents, et s’avère aussi reliée au degré de désordre de la distribution statistique des orientations des contacts en mouvement. Cette fonction, comprise entre 0 et 1 (Tab. 1), est nommée « Réalimentation interne ». Nommant « friction intergranulaire apparente » le paramètre matériel : (4)alors, la relation de dissipation dans l’amas granulaire en mouvement devient : (5)analogue à la relation de dissipation du contact élémentaire (2), mais incluant ici un effet de population
La borne inférieure R(A) = 0 correspond aux solutions de dissipation minimale, qui consistent en configurations complètement polarisées des distributions des orientations des contacts en mouvement dans l’amas granulaire (Fig. 2). Celles-ci consistent en 2 modes 3D de signatures (+,−,−) et (+,+,−), séparés par un mode frontière en déformation plane (+,0,−), qui peuvent être reliés aux modes de déformation du continuum équivalent, établissant une correspondance entre observables macroscopiques et distributions des actions de contact élémentaires. En conditions de déformation plane, cette configuration correspond au concept des lignes de glissement de Rankine (1857).
Ces résultats, associés à des données expérimentales (cf. Sect. 6), suggèrent que l’amas granulaire vérifie une « règle de dissipation minimale » spécifiant : sous conditions aux limites régulières, monotones et de quasi-équilibre,le milieu en mouvement tend vers un régime de dissipation minimale compatible avec les conditions aux limites imposées ; ce régime limite est indépendant des conditions initiales particulières ; règle qui s’est avérée (Frossard, 2004) être un corollaire du théorème de production minimale d’entropie de Prigogine (1968). La pratique des matériaux granulaires usuels conduit à considérer un certain voisinage autour de ces conditions théoriques de dissipation minimale, avec des valeurs faibles de R(A) < 1, et < 1 considérés comme constantes matérielles, sur ce voisinage de la dissipation minimale. Dans ces conditions, la distribution statistique des actions intérieures de contact demeure fortement polarisée, en fonction du type de sollicitation (cf Fig. 2). Cette approche intègre donc naturellement le développement d’une anisotropie mécanique sur l’ensemble des contacts « actifs » (ceux qui participent effectivement à la dissipation), que l’on retrouvera plus loin dans les diagrammes de polarisation micromécanique associés aux modes de déformation macroscopiques (Fig. 5, 6 et 8).
À l’échelle macroscopique, celle du continuum équivalent (Tab. 1), le tenseur d’« actions intérieures » π est défini ici par le produit contracté entre le tenseur des contraintes σ (efforts intérieurs) et celui des taux de déformation (mouvements intérieurs). Nos hypothèses-clé assurent l’égalité complète entre valeurs moyennes des actions intérieures dans l’amas granulaire discontinu, et dans le continuum équivalent correspondant. Ainsi, la même relation de dissipation est vérifiée : (6)
Quand la coaxialité simple est satisfaite entre contraintes et taux de déformations (c’est-à-dire ayant le même ensemble de directions propres, mais les valeurs propres correspondantes ordonnées différemment), la relation de dissipation (6) devient dans le repère propre, confirmant un résultat antérieur de Frossard (1986) : (7)
Ordonnant les directions principales suivant l’ordre des contraintes principales (les contraintes normales doivent être en compression), l’analyse des solutions de la relation de dissipation (7) mène à 6 modes de déformations admissibles, suivant la signature des valeurs propres des taux de déformation . Ceci signifie que la relation (7) donne une description 3D unifiée de ce qui est usuellement désigné par « comportement en chargement-déchargement » dans les approches élasto-plastiques des matériaux granulaires, mais ici sans nécessiter des natures de comportements différents en mouvement de « chargement » et de « déchargement ». Une inversion de mouvement est vue ici comme un simple changement entre différents modes de déformation admissibles résultant d’un même processus dissipatif, bien que leurs formulations algébriques explicites changent d’un mode à l’autre, à cause des valeurs absolues dans la relation (7). Les validations expérimentales détaillées plus loin, incluant des sollicitations cycliques avec inversions de mouvements sous diverses conditions (Sect. 6, et tout particulièrement la Fig. 8), confirment sans ambigüité ce point de vue.
Synoptique des structures multi-échelles induites par la friction de contact.
Synopsis of multi-scale structures induced by contact friction.
Fig. 2 Solutions théoriques de dissipation minimale dans l’amas granulaire, et leurs correspondances macroscopiques. Theoretical minimal dissipation solutions in granular mass, and their macroscopic correspondences. |
3 Compatibilité naturelle avec l’hétérogénéité : localisation des déformations
L’hétérogénéité mécanique est inhérente au comportement de ces matériaux : les grandeurs macroscopiques résultent de grandeurs locales présentant de très fortes fluctuations autour de leurs valeurs moyennes. Ici la structure particulière du problème fait que pour les actions intérieures, la relation de dissipation (6) s’avère vérifiée aussi bien par les valeurs locales, que par leurs moyennes macroscopiques, malgré de fortes fluctuations locales : cette relation est compatible avec l’hétérogénéité (sous conditions régulières...).
Une propriété analogue a été montrée sur l’hétérogénéité des contraintes et taux de déformation, avec ici des conditions spécifiques sur les covariances des fluctuations locales.
L’analyse des hétérogénéités admissibles s’avère donner une représentation fidèle de la localisation des déformations (Fig. 3), incluant la structure interne théorique des bandes de cisaillement, validée par des résultats expérimentaux (Nemat-Nasser et Okada, 2001), où le taux de cisaillement décroit exponentiellement avec la distance à l’axe de la bande, lieu du maximum en cisaillement : (8)
Cette figure 3 détaille :
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La configuration globale dans le repère principal, Fig. 3a, le mouvement global se trouvant en déformation plane sur la direction principale intermédiaire, et la bande inclinée à sur la direction principale majeure ;
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Les figures de déformation macroscopiques (Fig. 3b), calculées au moyen de la relation (8) ;
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Le calage d’un profil de cisaillement « nominal » dans l’intérieur de la bande prévu par la relation (8), sur des mesures expérimentales (Fig. 3c) ;
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La distribution de la dissipation à l’intérieur de la bande de cisaillement (Fig. 3d) (et relation (8)), pour un matériau à granulométrie étroite, où 99 % de la dissipation s’avère concentré au cœur de la bande, sur une largeur d’environ 12 diamètres moyens de granulats.
La localisation peut s’analyser comme un développement particulier de l’hétérogénéité dans le mouvement, induit par la règle de moindre dissipation : parmi les fluctuations aléatoires apparaissant spontanément çà et là, certaines auront tendance à s’amplifier, d’autres à se résorber. Un critère de développement de la localisation a ainsi été établi (Frossard, 2004), fondé sur la non-convexité du taux de dissipation spécifique, indiquant que la localisation apparaît très tôt dans un mouvement monotone. Une de ses principales conséquences est que l’évolution des bandes de cisaillement tend à maximiser la variance des déformations, c’est-à-dire, prévoit une évolution vers une concentration progressive du mouvement de cisaillement en une quasi-discontinuité, usuellement appelée « ligne de rupture ».
Fig. 3 Localisation des déformations : détails de la solution analytique de bande de cisaillement. Strain localization: details of steady shear band analytical solution. |
4 Un fondement micromécanique du Critère de Rupture de Coulomb
Depuis le mémoire historique de C.A. Coulomb (1773), le critère empirique aujourd’hui appelé « Critère de Rupture de Coulomb » a émergé progressivement, devenant une référence en Mécanique des Sols pour caractériser efficacement le comportement mécanique macroscopique de géomatériaux frictionnels, jouant un rôle clé dans de nombreuses méthodes de dimensionnement et vérification en Génie Civil, (Fig. 4). Toutefois, un lien direct et de portée générale entre ce critère et des caractères micromécaniques dans les matériaux granulaires, demeure encore à établir.
Dans les géomatériaux granulaires, déjà densément discontinus à petite échelle, la notion de « critère de rupture » doit être reliée soit à des conditions de contraintes produisant un maximum de résistance au cisaillement, soit à des conditions de contraintes permettant de très grandes déformations. Ces dernières conditions doivent être alors associées aux conditions de mouvement rendant stationnaire le volume spécifique, car celui-ci ne peut varier indéfiniment : ce sont les conditions de « l’état critique » (Casagrande, 1936).
Dans la présente approche, un tel « critère de rupture à l’état critique » a été analysé, en associant la relation de dissipation (7) à la condition de volume spécifique stationnaire, et cherchant une relation déviatoire entre les paramètres et (avec 0 ≤ b ≤ 1 sous la convention ), réalisant un minimum en résistance au cisaillement.
L’analyse détaillée de chaque mode de déformation admissible conduit alors effectivement à un tel minimum (Fig. 5a), qui s’avère n’être accessible que sous les Mode I Direct (signature +,−,−) pour b = 0 et c compris entre −1 et ½ ; Mode II Direct (signature +,+,−) pour b = 1 et c compris entre ½ et 2 ; et leur frontière commune, en Déformation Plane suivant la direction principale intermédiaire en contraintes (signature +,0,−) pour c = 1/2 et b compris entre 0 et 1 .
Dans l’espace des contraintes principales (Fig. 5b), l’enveloppe de ces minima de résistance au cisaillement s’avère être la pyramide du Critère de Coulomb, bâtie sur l’angle , représentée ici avec les figures de polarisation des actions intérieures de contact correspondant aux modes de déformation réalisant ce minimum, et donc généralement associée à de la déformation plane (qui doit être envisagée comme localisée, Sect. 3) suivant la direction principale intermédiaire en contraintes : (9)
Notons que les modes de déformation tridimensionnels réalisant ce minimum (Modes I et II Directs, formant les branches horizontales de la relation déviatoire minimale (Fig. 5a) sont associés aux « régimes d’arête » vis-à-vis du critère de Coulomb (Fig. 5b), tandis que le mode de déformation plane (formant la branche verticale de la relation déviatoire minimale (Fig. 5a) est associé aux « régimes de face » vis-à-vis du critère de Coulomb (Fig. 5b).
Bien que l’hypothèse initiale soit celle de la coaxialité simple (dés-ordonnée…), l’ensemble des solutions minimales constituant ce critère de rupture s’avère réaliser la coaxialité ordonnée, il s’avère aussi le seul ensemble de solutions réalisant la convexité du critère de rupture.
Enfin considérant l’état critique comme un régime asymptotique, et envisageant une relation déviatoire f(b,c) = 0 avec de petits écarts par rapport à la solution minimale, on trouve un critère de rupture à sommets arrondis, (Fig. 5c et 5d), proche des formes de critères de rupture mesurés par le passé dans des expérimentations 3D étendues (Lade et Duncan, 1973), montrant parfois aussi de légères ondulations sur certains diagrammes.
Fig. 4 Le Critère de Rupture de Coulomb, et ses principales applications en Génie Civil. Coulomb Failure Criterion, and key geomechanical applications in Civil Engineering. |
Fig. 5 Critère de rupture obtenu à l’état critique : solution de moindre résistance au cisaillement, incidences de petits écarts (avec les figures de polarisation micromécaniques associées). Critical state failure criterion: least shear resistance solution, incidence of small deviations (with associated micro-scale polarization features). |
5 Couplage entre résistance au cisaillement et variations de volume
Ce couplage entre résistance au cisaillement et variations de volume dans les géomatériaux granulaires joue un rôle clé dans les caractéristiques mécaniques utilisées en Génie Civil. D’un côté les matériaux à l’état lâche qui tendent à se contracter sous cisaillement, peuvent développer sous mouvement de cisaillement alterné en conditions saturées le redouté phénomène de liquéfaction ; de l’autre côté les matériaux les plus denses, qui tendent à se dilater fortement (jusqu’à 25 %) sous mouvement de cisaillement, et présentent des résistances au cisaillement typiquement doubles de celles observées à l’état lâche, justifiant les efforts de compactage mis en œuvre dans les procédures de construction. Ici, ce couplage a été analysé sous conditions générales 3D pour les modes de déformation pertinents, après définition d’un index pour ces variations de volume, le taux de dilatance généralisé d : (10)
La relation de dissipation (7) mène pour chaque mode de déformation à une relation analytique entre le ratio des contraintes principales , les paramètres déviatoires en contraintes et taux de déformation b et c, et le taux de dilatance généralisé d, constituant la relation contraintes-dilatance 3D généralisée pour le mode de déformation considéré.
Par exemple, en Mode I de signature (+,−,−), l’expression analytique de d est , et la relation contraintes-dilatance généralisée résultant de la relation de dissipation (7) est : (11)
Sous contraintes axisymétriques (b = 0), cette relation généralisée (11) devient explicitement la classique relation contraintes-dilatance de Rowe (1962), une des caractéristiques les plus citées du comportement des matériaux granulaires : (12)
Ceci montre comment la résistance au cisaillement peut varier fortement entre conditions « de pic » (d maximal, pouvant dépasser la valeur 2) et d’état critique (d = 1), du fait des variations de volume.
La contraction en volume au cours du mouvement étant la clé de la susceptibilité à la liquéfaction, ce couplage pose aussi une autre question d’intérêt pratique : y a-t-il une limite définie entre états de contraintes induisant la « contractance », et ceux induisant la dilatance ? Cette limite, ou « État caractéristique », a pu être analysée ici pour tous les modes de déformation admissibles, précisant les conditions nécessaires et conditions suffisantes induisant la contractance, (et symétriquement pour la dilatance) dans la relation de dissipation (7). Le résultat est qu’un tel « État caractéristique » existe bien, il coïncide avec la pyramide du critère de Coulomb à l’état critique : tout mouvement sous états de contraintes demeurant à l’intérieur de ce « domaine caractéristique », engendre une contraction en volume.
L’analyse détaillée de l’ensemble de ces relations contraintes-dilatance généralisées 3D, montre aussi que le critère de moindre résistance au cisaillement « au pic » correspond au critère à l’état critique, amplifié par le taux de dilatance au pic (dMax) : (13)
D’éventuels écarts par rapport à cette solution minimale peuvent être évalués de façon analogue à la section 4 ci-dessus. Un synoptique des principales propriétés globales résultant de ce couplage entre résistance au cisaillement et variations de volume, est détaillé, (Fig. 6), qui montre :
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(Fig. 6a) des courbes type contraintes-déformation et variations de volume qui résultent de l’expérience, correspondant à l’essai « triaxial » classique (voir plus loin Fig. 7a) ;
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Sur le diagramme de dilatance de la figure 6a, le couplage linéaire prévu par la relation de dissipation (relation 12) entre ratio des contraintes et taux de dilatance d, dont la pente permet la détermination du coefficient de « friction intergranulaire apparente » ;
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(Fig. 6b) la configuration dans l’espace des contraintes principales des critères prévus par la relation de dissipation pour la résistance au cisaillement de pic, d’état critique, et du domaine caractéristique, avec l’allure de trajectoires expérimentales qui seraient obtenues sous chemins de sollicitations tridimensionnels à b = Cste., pour divers modes de déformation.
Fig. 6 Synoptique du couplage entre résistance au cisaillement et variations de volume (diagrammes calculés pour une valeur type = 30°, et dMax ≃ 2). Synopsis of coupling between shear strength and volume changes (calculated for typical value = 30° and dMax ≃ 2). |
6 Validations expérimentales
Un large ensemble de validations expérimentales sur matériaux réels est détaillé dans Frossard (2018), résultant principalement d’expérimentations passées indépendantes, réinterprétées par la présente approche des structures dissipatives induites par la friction, couvrant tous les types de tests expérimentaux, que ce soit sous sollicitation monotone ou cyclique :
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Des essais triaxiaux classiques (correspondant à notre Mode I Direct) ;
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Des essais triaxiaux cycliques, cyclant entre des mouvements de compression et d’extension axiale (c’est-à-dire entre nos Mode I et II, avec des phases de mouvements Direct et Inverse) ;
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L’appareil de cisaillement simple britannique avec rotation d’axes (« Simple shear apparatus », correspondant à notre Mode en Déformation Plane) ;
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Des essais cycliques en torsion sur cylindre creux au Japon (interprétés ici comme mouvements alternés en déformation plane) ;
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Un essai détaillé avec cycles de grande amplitude sur la presse tridimensionnelle de l’IMG (Grenoble) ;
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Un complément par des simulations numériques avec des particules discrètes de formes réalistes.
Les figures 7a et 7b montrent une validation expérimentale de la relation de dilatance (12) sur un matériau formé d’éclats de calcaire concassé durs et anguleux, testé sous 3 compacités initiales différentes et un même confinement, à l’appareil « triaxial » (mesures de l’auteur). Les courbes contraintes-déformation et variation de volume (Fig. 7a) montrent l’incidence de la compacité initiale, en particulier sur la résistance maximale. Le report des points de mesure sur le diagramme de dilatance (Fig. 7b) les regroupe sur une même droite conforme à la relation (12), indépendante de la densité, permettant la détermination de .
Sur la figure 7c sont reportés des résultats de résistance maximale « au pic » relevés lors d’essais triaxiaux sur un enrochement réduit, en basalte concassé (Charles et Watts, 1980), testé sous diverses valeurs de confinement, mais sous la même compacité initiale. Dans ces résultats, l’effet de rupture des granulats réduit la dilatance au pic lorsque le confinement augmente. Malgré cet effet des ruptures, les résultats demeurent proches de la courbe prévue par la relation de dissipation.
Par ailleurs, un article remarquable (Pradhan et al., 1989) rapporte des essais cycliques réalisés au Japon sur le sable de Toyoura, tant dans les conditions du triaxial cyclique, que celles du cisaillement cyclique en torsion sur cylindre creux, en reportant les résultats d’essais sur des diagrammes de dilatance spécifiques.
La relation de dissipation (7) permet de prévoir les trajectoires théoriques spécifiques (l’équivalent de la trajectoire linéaire prévue à l’essai triaxial par la relation (12)) avec les coordonnées propres à ces diagrammes spécifiques, pour les mouvements alternés correspondant à ces essais cycliques, qui enchaînent à chaque cycle deux des modes de déformation admissibles mentionnés en fin de section 2. Ces enveloppes théoriques, ajustées sur le paramètre matériel S = 0,445 (c’est-à-dire = 26,4°), apparaissent en bon accord avec les mesures (Fig. 8). Notons que le même paramètre matériel apparait valide aussi bien pour le triaxial cyclique, que pour l’essai de cisaillement cyclique en torsion, ici sur le sable de Toyoura à l’état dense.
Ce même article montre aussi des résultats pour le sable de Toyoura à l’état lâche : les résultats sont assez semblables aux résultats sur le sable dense, et les mêmes courbes théoriques avec le même paramètre matériel s’ajustent aux résultats expérimentaux, avec une qualité d’ajustement similaire.
Fig. 7 Validation expérimentale de la relation de dissipation d’énergie par friction, à l’essai « triaxial » en compression. Experimental validation of energy dissipation relation based on friction, through “triaxial” compression tests. |
Fig. 8 Enveloppes théoriques de mesures d’essais cycliques sur diagrammes de dilatance (d’après Pradhan et al., 1989). Theoretical envelopes on dilatancy diagrams of cyclic tests data (after Pradhan et al., 1989). |
7 Compaction cyclique sous petites déformations alternées en cisaillement
La compaction de matériaux granulaires sous mouvement alterné en cisaillement, (Fig. 9), est une pratique fréquente dans la vie courante, sur des matériaux granulaires usuels de toutes sortes ; elle est largement pratiquée en Génie Civil pour améliorer la consistance de remblais granulaires utilisés comme plateformes d’infrastructures, au moyen de rouleaux compacteurs vibrants ou statiques. Elle est aussi responsable des effets de liquéfaction dans les matériaux granulaires saturés soumis à des sollicitations sismiques.
Une représentation simplifiée de ce phénomène est possible par la relation de dissipation (7) sous conditions quasi-statiques de cisaillement simple en déformation plane, pour de petits cycles en déformations de cisaillement alternées (suffisamment petits pour que les variations de contraintes demeurent faibles devant leurs valeurs moyennes). En effet, dans ces conditions, la relation (7) permet de calculer la variation de volume associée à l’amplitude du cisaillement dans chaque phase du mouvement alterné, en fonction du ratio des contraintes principales, ainsi que l’énergie dissipée dans le cycle, menant aux relations (14) : (14)
Les résultats principaux de ces relations (Fig. 9) sont une compaction dans tous les cas, avec une efficience optimale au cœur du « domaine caractéristique », et une meilleure efficience énergétique sous faibles contraintes, en accord avec les « bonnes pratiques » : la compaction optimale s’obtient en travaillant par couches minces, et plutôt loin des rebords des talus.
Notons que ces résultats sont obtenus ici sans entrer dans la prise en compte du nombre de cycles et des effets d’accommodation, ils sont donc valides pour un petit nombre de cycles, dans cette représentation simplifiée.
Fig. 9 Compaction cyclique sous mouvement alterné en cisaillement simple. Cyclic compaction under alternate simple shear motion. |
8 Équilibre géostatique au repos : l’effet K0
Dans la conception d’infrastructures telles que des voies routières en tranchées couvertes, et autres ouvrages de soutènement d’excavations profondes ou de revêtements de tunnels, (Fig. 10), apparaît régulièrement le « Coefficient de pression des terres au repos K0 », représentant les conditions d’équilibre géostatique in situ par le rapport entre contraintes horizontale et verticale K0 = σh/σv. Ce coefficient définit les poussées horizontales à supporter par ces ouvrages La profession utilise couramment la formule empirique de Jaky (1948), initialement publiée pour le dimensionnement de silos. La présente approche micromécanique dissipative donne aussi une réponse au processus d’établissement des contraintes géostatiques, impliquant un mouvement global résultant de combinaisons de mouvements locaux, séparément proches la dissipation minimale, donnant la relation macroscopique : (15)
Avec des valeurs-type pour des matériaux denses à moyennement denses, la comparaison avec la formule de Jaky, (Fig. 10b), apparaît en bon accord avec les valeurs usuelles.
Fig. 10 Conception d’ouvrages de Génie Civil et coefficient d’équilibre géostatique K0. Design of civil works and geostatic equilibrium coefficient K0. |
9 Effets d’échelle dus à la rupture des granulats : applications pratiques à la conception et la construction
Quand au cours du mouvement, l’évolution de la distribution des forces intergranulaires mène à dépasser le seuil de rupture sur certains granulats, les granulats minéraux ne peuvent plus être considérés comme parfaitement rigides, et d’autres effets dissipatifs dus à ces ruptures de granulats apparaissent dans le comportement, donnant une courbure significative aux courbes intrinsèques, en réduisant la dilatance. Ces effets sont plus marqués pour les gros matériaux comme les enrochements. On a montré (Frossard, 2010) que ces ruptures de granulats induisent des effets d’échelle significatifs dans la résistance au cisaillement macroscopique, par un modèle simple relié à la mécanique de la rupture, car les granulats se rompent principalement selon le Mode I (traction indirecte) de la Rupture Fragile, avec une distribution statistique des résistances à la rupture des granulats (Marsal, 1972), qui s’avère approximativement régie par une distribution de Weibull à un paramètre matériel m (Fig. 11a et 11b).
Il en résulte une « Règle d’Effets d’Échelle » largement prouvée (Frossard et al., 2012), reliant les courbes intrinsèques à la granulométrie : deux matériaux granulaires M0 et M1 de même origine minérale homogène, de granulométries semblables et compactés à la même densité, caractérisés par des diamètres caractéristiques de granulats D0 et D1, (par exemple leur DMax) ont leurs courbes intrinsèques liées par une simple transformation par affinité, (Fig. 11c et 11d), et relation (16). (16)
L’interprétation par cette approche de larges bases de données de résistance au cisaillement, a permis d’isoler une tendance centrale pour de petits enrochements usuels (DMax = 0,15m), ainsi que son extrapolation à des granulométries plus grosses, par des courbes intrinsèques en loi puissance : (17)
Cette Règle d’Effets d’Échelle mène aussi à une nouvelle méthode rationnelle pour évaluer la résistance au cisaillement de gros enrochements, à partir d’un matériau réduit par similitude à la taille de gros gravier, plus compatible avec les essais de laboratoire.
Elle permet aussi d’analyser les effets combinés des granulométries, des pentes, et de la hauteur des ouvrages, sur la stabilité de talus vis-à-vis de ruptures par cisaillement gravitaire, en l’associant avec des résultats explicites de Charles et Soares (1984) donnant le coefficient de sécurité calculé avec une courbe intrinsèque en loi puissance (Fig. 12a). Pour des enrochements-type vérifiant la tendance centrale de résistance (17), celle-ci mène ensuite à déterminer les conditions à respecter entre pentes de talus et hauteurs d’ouvrages en fonction des granulométries, permettant de maintenir un coefficient de sécurité donné, par exemple la valeur de référence en service normal. Fs = 1,50 (Fig. 12b).
Ces effets d’échelle s’avèrent affecter également les déformations des géomatériaux granulaires, et la Règle d’Effets d’Échelle s’applique aussi aux « Modules de rigidité apparents », pourvu que les conditions de similitude définies plus haut soient également respectées : (18)
Le diagramme de la figure 13, établi par une étude statistique sur 35 grands barrages bien documentés (Hunter et Fell, 2003), montre une corrélation entre le Module de rigidité apparent dans l’ouvrage, et le diamètre caractéristique D80. Les lignes de tendance superposées (en tiretés rouges) correspondant aux effets d’échelle sur la taille des granulats, montrent que ces effets d’échelle expliquent l’essentiel de la corrélation statistique trouvée par ces auteurs. Par ailleurs, il a été montré par des calculs détaillés qu’une bonne part des incidents mentionnés s’explique ainsi, par la déformabilité excessive de matériaux mis en place avec des granulométries trop grosses (Frossard, 2010, 2018).
Fig. 11 (a, b) Rupture des granulats suivant les lois de la rupture fragile ; (c, d) Règle d’Effets d’Échelle. (a, b) Grain breakage according to fracture mechanics; (c, d) Scale Effect Rule. |
Fig. 12 Effets d’échelle explicites dans la stabilité de talus vis-à-vis de la rupture en cisaillement. Explicit scale effects in rockfill slopes stability against shear failure. |
Fig. 13 Rôle des effets d’échelle, dans la corrélation de Hunter et Fell (2003) entre granulométrie (D80) et Module de rigidité apparent d’enrochements. Role of scale effects, in Hunter and Fell (2003) correlation between gradation (D80) and apparent rigidity Modulus of rockfill. |
10 Conclusions
Dans l’esprit de ces modèles de comportement-type en Sciences de l’Ingénieur, qui se sont montrés dans le passé si utiles en Hydraulique, en Physique des Gaz, en Résistance des Matériaux, etc., le développement d’une sorte de « matériau granulaire idéal » avec des applications pratiques directes, capturant l’essentiel du comportement mécanique avec un petit nombre de paramètres physiques pertinents, serait d’une grande utilité en Génie Civil.
L’ensemble des résultats présentés dans l’article montre que cet objectif peut être effectivement atteint en développant l’intégration de la réalité physique à petite échelle, jusqu’aux incidences macroscopiques dans des relations du comportement pratique, caractérisant des aspects essentiels pour l’évaluation du comportement d’ouvrages : résistance, conditions d’équilibre et stabilité, déformations et tassements, procédés de mise en œuvre, caractérisation et méthodes d’essais…
Symboles et notations
Contact élémentaire
ν (a/b) : Vitesse de glissement relative au contact entre les granulats a et b
f (a/b) : Force de contact exercée par le granulat a sur le granulat b
φμ : Friction physique au contact entre granulats1
: Puissance développée par l’effort de contact
p(a/b) : Tenseur des actions intérieures de contact, résultant du produit symétrique des vecteurs ν (a/b) et f (a/b)
pi : Valeur propre du tenseur p
N{p} : Norme octaédrique du tenseur p, somme des valeurs absolues de ses valeurs propres
Amas granulaire
P(A) : Tenseur des actions intérieures de l’amas granulaire A, résultant de la somme de tous les tenseurs d’actions intérieures des contacts élémentaires p(a / b), inclus dans l’amas granulaire
R(A) : Taux de réalimentation interne dans l’amas granulaire, fonction du degré de désordre dans la distribution statistique des actions de contact élémentaires (distribution des tenseurs élémentaires p(a/b))
: Friction intergranulaire apparente, incluant les effets combinés de la friction physique de contact φμ et l’effet de population R(A) (dans les exemples et figures : = 30° sauf autre indication)
S : Notation abrégée pour sin dans les expressions complexes
Continuum équivalent et applications
π, πi : Tenseur des actions intérieures pour le continuum équivalent, défini par le produit symétrique contracté entre le tenseur des contraintes (efforts intérieurs) et le tenseur des taux de déformation (mouvements intérieurs), et ses valeurs propres
σ, σi : Tenseur eulérien des contraintes de Cauchy, et contraintes principales. Les compressions sont notées positives par convention, et toutes les contraintes sont des contraintes effectives (le ’ est omis)
τ, σn : Contrainte de cisaillement, contrainte normale
: Tenseur eulérien des taux de déformation, valeurs principales, taux de déformation volumique, taux de cisaillement (les déformations en contraction sont notées positives, par convention)
b : Paramètre scalaire définissant l’état de contraintes déviatoire
c : Paramètre scalaire définissant l’état de déformations déviatoire :
d : Taux de dilatance généralisé, fonction scalaire du tenseur des taux de déformation :
Φ : « Frottement interne », défini sous sollicitation monotone en cisaillement, par
: Puissance des efforts intérieurs par unité de volume (entièrement dissipée ici)
Effets d’échelle, stabilités d’ouvrages
m : Paramètre matériel, exposant dans la distribution statistique de Weibull régissant la résistance à l’écrasement des granulats
D0, D1, DMax : Diamètres caractéristiques de granulats, dans les matériaux d’enrochement
Fs : Facteur de sécurité, défini comme le rapport entre la résistance au cisaillement mobilisable, et l’effort de cisaillement exercé dans les conditions d’équilibre d’un ouvrage
E0, E1 : Modules de Rigidité apparents, dans des remblais d’enrochement
Références
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Citation de l’article : Etienne Frossard. La mécanique dissipative des géo-matériaux granulaires et ses applications pratiques en Génie Civil. Rev. Fr. Geotech. 2021, 167, 2.
Liste des tableaux
Synoptique des structures multi-échelles induites par la friction de contact.
Synopsis of multi-scale structures induced by contact friction.
Liste des figures
Fig. 1 Un grand barrage en enrochement, et l’enrochement utilisé dans sa construction. A large rockfill dam, and the rockfill used for its construction. |
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Dans le texte |
Fig. 2 Solutions théoriques de dissipation minimale dans l’amas granulaire, et leurs correspondances macroscopiques. Theoretical minimal dissipation solutions in granular mass, and their macroscopic correspondences. |
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Fig. 3 Localisation des déformations : détails de la solution analytique de bande de cisaillement. Strain localization: details of steady shear band analytical solution. |
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Fig. 4 Le Critère de Rupture de Coulomb, et ses principales applications en Génie Civil. Coulomb Failure Criterion, and key geomechanical applications in Civil Engineering. |
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Fig. 5 Critère de rupture obtenu à l’état critique : solution de moindre résistance au cisaillement, incidences de petits écarts (avec les figures de polarisation micromécaniques associées). Critical state failure criterion: least shear resistance solution, incidence of small deviations (with associated micro-scale polarization features). |
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Fig. 6 Synoptique du couplage entre résistance au cisaillement et variations de volume (diagrammes calculés pour une valeur type = 30°, et dMax ≃ 2). Synopsis of coupling between shear strength and volume changes (calculated for typical value = 30° and dMax ≃ 2). |
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Fig. 7 Validation expérimentale de la relation de dissipation d’énergie par friction, à l’essai « triaxial » en compression. Experimental validation of energy dissipation relation based on friction, through “triaxial” compression tests. |
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Fig. 8 Enveloppes théoriques de mesures d’essais cycliques sur diagrammes de dilatance (d’après Pradhan et al., 1989). Theoretical envelopes on dilatancy diagrams of cyclic tests data (after Pradhan et al., 1989). |
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Fig. 9 Compaction cyclique sous mouvement alterné en cisaillement simple. Cyclic compaction under alternate simple shear motion. |
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Fig. 10 Conception d’ouvrages de Génie Civil et coefficient d’équilibre géostatique K0. Design of civil works and geostatic equilibrium coefficient K0. |
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Fig. 11 (a, b) Rupture des granulats suivant les lois de la rupture fragile ; (c, d) Règle d’Effets d’Échelle. (a, b) Grain breakage according to fracture mechanics; (c, d) Scale Effect Rule. |
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Fig. 12 Effets d’échelle explicites dans la stabilité de talus vis-à-vis de la rupture en cisaillement. Explicit scale effects in rockfill slopes stability against shear failure. |
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Fig. 13 Rôle des effets d’échelle, dans la corrélation de Hunter et Fell (2003) entre granulométrie (D80) et Module de rigidité apparent d’enrochements. Role of scale effects, in Hunter and Fell (2003) correlation between gradation (D80) and apparent rigidity Modulus of rockfill. |
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