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Rev. Fr. Geotech.
Numéro 163, 2020
Chutes de bloc, Risques Rocheux et Ouvrages de Protection (C2ROP)
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Numéro d'article | 3 | |
Nombre de pages | 14 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/geotech/2020012 | |
Publié en ligne | 2 octobre 2020 |
Article de recherche / Research Article
Une base de données événementielle du risque rocheux dans les Alpes Françaises
An event database of rockfall risk in the French Alps
1
Université Grenoble Alpes, INRAE, UR ETNA,
Grenoble
38402, France
2
UMR GEOLAB,
Clermont-Ferrand, France
3
Conseil Départemental de l’Isère,
Grenoble, France
4
Conseil Départemental de la Savoie,
Chambéry, France
★ Auteur de correspondance : nicolas.eckert@inrae.fr
Les bases de données événementielles recensant les chutes de blocs et leurs conséquences restent peu développées. Dans les Alpes françaises, un territoire pourtant propice et où les enjeux sont nombreux et diversifiés, l’information existante est dispersée et hétérogène. Dans le contexte du Projet National C2ROP, un premier effort de capitalisation, d’homogénéisation et d’exploitation de l’existant a été réalisé. La base de données C2ROP-INRAE construite couvre les six départements des Alpes françaises et rassemble d’ores et déjà plus de 8000 événements au sein d’un environnement commun géo-référencé incluant date et lieu d’occurrence et volume des événements. En outre, les informations textuelles disponibles au format numérique ont été dépouillées pour évaluer les dommages occasionnés de façon aussi complète que possible. Ce travail confirme la réalité de l’aléa et du risque pour les Alpes françaises. Les données rassemblées sont à présent disponibles pour des analyses plus poussées et/ou ciblées. Des pistes pour approfondir et étendre la base C2ROP-INRAE sont également proposées.
Abstract
Rockfall databases including past events and their consequences remain insufficiently developed. In the French Alps, a favorable territory where stakes are numerous and diversified, related information is dispersed and heterogeneous. In the context of the National Project C2ROP, a first effort to capitalize, standardize and exploit already existing information has been conducted. The C2ROP-INRAE database covers the six departments of the French Alps and already brings together more than 8000 events in a common geo-referenced environment which includes the date and place of occurrence and the volume of past events. In addition, the textual information available in digital format has been analyzed to assess the damage caused as completely as possible. This work confirms the reality of rockfall hazard and risk for the French Alps. The data collected is now available for further analyses. Different ways to deepen and extend the C2ROP-INRAE database are also proposed.
Mots clés : Aléa et risque rocheux / événements observés / base de données / Alpes françaises
Key words: Rockfall hazard and risk / observed events / database / French Alps
© CFMS-CFGI-CFMR-CFG, 2020
1 Introduction
Les aléas naturels « récurrents » se produisent de manière irrégulière mais relativement fréquente (période de retour de l’ordre de quelques décennies au plus). L’étude statistique de longues séries de données constitue un préalable à une gestion efficace des risques associés. Elle permet notamment d’appréhender la relation entre intensité et fréquence, ce qui permet une meilleure caractérisation de l’aléa et, in fine, d’objectiver les décisions administratives liées à la prise en compte du risque (zonage réglementaire, aide à la décision en situation de crise, priorisation des actions de prévention et de protection pour une meilleure gestion des crédits affectés, etc.). C’est particulièrement nécessaire en zone de montagne où l’espace disponible est limité par les contraintes topographiques et qui sont sujettes à de nombreux phénomènes potentiellement dommageables : avalanches, chutes de blocs, laves et crues torrentielles, glissements de terrain, aléas d’origine glaciaire et périglaciaire, etc. (MEDDE, 2015 ; Eckert et al., 2018). La nécessité de capitaliser des informations historiques relatives aux aléas naturels et au risque associé sur le temps long fait donc aujourd’hui consensus auprès des chercheurs et des gestionnaires des risques (e.g., Stedinger et Cohn, 1986 ; Naulet et al., 2005 ; Brázdil et al., 2006). Toutefois, dans les faits, de telles bases de données restent relativement exceptionnelles (e.g., Lang et al., 2012 ; Bourova et al., 2016 ; Giacona et al., 2017, 2019a).
L’aléa chute de blocs est caractérisé par le détachement brutal d’une masse rocheuse, depuis une paroi (sub)verticale, qui se propage rapidement vers l’aval sous l’effet de la gravité par rebonds successifs. Les chutes de blocs sont un des aléas les plus fréquents dans les régions de montagne où elles sont susceptibles d’occasionner des dégâts humains, matériels et des coûts financiers importants, notamment en atteignant des habitations et des infrastructures critiques (routes, lignes ferroviaires et électriques, etc.). Elles sont difficilement prédictibles en raison de leur caractère diffus et brutal et de la multiplicité des facteurs déclenchants (D’Amato et al., 2016 ; Zielonka et Wrońska-Wałach, 2019, Mainieri et al., 2020). Pourtant, cet aléa reste l’un des moins bien documentés, avec des suivis systématiques peu nombreux et n’excédant en général pas quelques années (Dussauge-Peisser et al., 2002 ; Dussauge et al., 2003 ; De Biagi et al., 2017 ; Williams et al., 2019 ; Depountis et al., 2019, Rupp et Damm, 2020). Les suivis existants sont, en outre, pour la plupart, très localisés, se concentrant sur des parois ou des versants déjà bien connus pour leur activité plutôt que sur le recueil des événements sur une large zone géographique. La gestion préventive de l’aléa et du risque associé est de ce fait particulièrement difficile pour les maîtres d’ouvrages et gestionnaires territoriaux concernés. Ainsi, si des relations sans équivoque ont pu être établies aux hautes altitudes entre l’augmentation de l’activité des chutes de blocs, la fonte du pergélisol et le réchauffement climatique (Ravanel et Deline, 2011 ; Stoffel et Huggel, 2012), aux altitudes inférieures, où se concentrent la majorité des enjeux potentiellement vulnérables, l’évolution de l’aléa est nettement moins claire (Sass et Oberlechner, 2012). L’activité future des chutes de blocs reste donc très difficile à anticiper (Einhorn et al., 2015 ; Lopez-Saez et al., 2016).
En France, la base de données nationale Mouvements de terrain a vocation à regrouper et à mettre à disposition librement tous les événements rocheux (entre autres, puisque sont également inventoriés, par exemple, les glissements de terrain) recensés par divers organismes, de même que des informations relatives aux dommages, coûts et travaux s’y rapportant. Néanmoins, du fait des spécificités de l’aléa rocheux (caractère diffus notamment) et de la multiplicité des opérateurs en situation de responsabilité, l’actualisation de cette base reste largement imparfaite faute de remontée d’informations suffisante et de l’absence d’un programme ambitieux de recensement régulier des événements. Ainsi aucun diagnostic complet des dommages causés par les chutes de blocs passées et leurs conséquences à l’échelle du territoire français n’est à ce jour disponible.
Le Projet National C2ROP a réuni entre 2015 et 2020 la majorité des acteurs opérationnels et académiques concernés par le risque rocheux en France, en particulier sur le territoire Alpin. Face au constat d’une capitalisation insuffisante de l’information liée aux chutes de blocs passées, INRAE a développé, avec le concours de l’ensemble des maîtres d’ouvrages réunis dans le projet, une base de données du risque rocheux à l’échelle alpine. Celle-ci couvre les six départements des Alpes françaises : Alpes de Haute Provence (04), Hautes Alpes (05), Alpes Maritimes (06), Isère (38), Savoie (73) et Haute Savoie (73). Elle rassemble l’ensemble des événements connus au sein d’un environnement commun géo-référencé (SIG). Le travail effectué inclut l’analyse critique des sources et l’homogénéisation des variables et des unités, la correction d’informations aberrantes, l’élimination des doublons, etc. Ces étapes sont indispensables avant toute exploitation statistique de la donnée. En outre, les informations textuelles disponibles au format numérique ont été dépouillées pour évaluer les dommages occasionnés de façon aussi complète que possible. L’objectif de cet article est de présenter la base de donné originale, dite C2ROP-INRAE, résultant de cet effort de capitalisation et d’homogénéisation, puis de discuter/mettre en perspectives ses forces et faiblesses et les pistes ouvertes pour des travaux futurs.
2 Construction de la base de donnée
2.1 Sources rassemblées
La base de données C2ROP-INRAE a été constituée en réassemblant l’information relative aux événements rocheux disponible auprès des maîtres d’ouvrages et opérateurs suivants :
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les six Conseils Départementaux des départements alpins, notamment par l’intermédiaire de leurs services des routes. Ces derniers documentent les aléas naturels qui affectent le réseau routier, en particulier depuis qu’ils en ont acquis la compétence au début des années 2000 ;
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la Métropole Nice Côte d’Azur qui partage avec le CD 06 la compétence routière dans les Alpes Maritimes ;
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la SNCF qui documente les aléas naturels qui affectent son réseau ferroviaire ;
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le service de Restauration des Terrains en Montagne (RTM) de l’Office Nationale des Forêts (ONF) via sa base de données événements (BD RTM) et l’enquête spécifique « RTM-angle » qui documente de façon plus approfondie certains événements ;
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le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire qui diffuse les informations de la Base nationale des Mouvements de terrain développée par le Bureau des Recherches Géologiques et Minières via la plateforme Géorisques (http://www.georisques.gouv.fr/dossiers/mouvements-de-terrain/donnees#/). Cette base inclut notamment les événements recensés par les Centres d’Etudes Techniques de l’Equipement (CETEs) à l’époque où ces derniers avaient la compétence relative au réseau routier de même que certains événements de la BD RTM qui y ont été reversés.
À l’exception de l’enquête spécifique « RTM angle », l’ensemble des fonds consultés étaient multi-aléas. Le premier tri effectué a donc consisté à ne retenir que les événements correspondant a priori à des chutes de blocs.
2.2 Homogénéisation de la donnée événementielle
L’ensemble des événements a ensuite été rassemblé au sein d’une seule base de données géo-référencée, avec une entrée par événement associée à un identifiant unique. Chaque événement est géo-localisé aussi précisément que possible sous la forme d’un point unique dont les coordonnées X et Y sont données en Lambert93. Pour chaque événement, la base événementielle C2ROP-INRAE renseigne également les entités géographiques auxquelles il appartient (commune, département, massif Météo-France). Sont aussi mentionnés la ou les sources primaires de l’événement, c’est-à-dire la ou les sources où l’événement était connu : Conseil Départemental, SNCF, BD RTM, etc. Enfin, ses différentes caractéristiques sont enregistrées : date d’occurrence (année, mois, jour), volume, enjeux atteints et dommages occasionnés (cf. Sect. 2.3). D’un point de vue informatique, la base C2ROP-INRAE est ainsi un fichier de couche standard, manipulable sous n’importe quel environnement SIG. Elle inclut un ensemble de points, un par événement, et la table attributaire des événements renseigne, sous la forme de variables-colonnes, leurs différentes caractéristiques (Tab. 1).
Les informations issues des différents fonds étaient de nature extrêmement hétérogènes en termes de support (inventaires déjà géo-référencés selon différents systèmes de coordonnées, fiches, photographie, etc.), de même qu’en termes de nature des informations enregistrées (variables, unités) et de précision. Un travail très important d’analyse critique des sources, d’homogénéisation des variables et des unités, et de correction d’informations aberrantes a donc dû être effectué :
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ont été distinguées, avec un codage spécifique, les chutes de blocs isolés, les autres chutes de blocs certaines (blocs multiples ou chute de bloc sans information permettant de statuer sur le nombre de blocs) et les événements plus douteux : mélange de terre et de blocs, affaissements de talus, etc. ;
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les localisations des événements sous la forme d’un point unique ont été précisées autant que possible à partir des informations disponibles (informations textuelles, photos, etc.) et le croisement avec les linéaires routiers et ferroviaires. Le point géo-localisé peut correspondre au point d’arrêt du bloc avec une précision variable et souvent difficile à quantifier. Toutefois, le plus souvent, le point géo-localisé correspond au point d’impact sur un enjeu particulier (route, habitation, etc.) et le ou les bloc(s) a/ont pu continuer au-delà. La précision est là aussi variable : localisation quasi certaine lors de l’impact d’une habitation par exemple, et beaucoup plus floue lorsqu’est mentionnée par exemple qu’une parcelle forestière a été traversée. Enfin, les événements pour lesquels seule la commune d’occurrence était connue ont été affectés par défaut au centroïde de ladite commune. À ce stade, la base C2ROP-INRAE ne contient pas d’information spécifique relative à la nature du point géo-localisé (point d’arrêt ou impact sur un enjeu) et à sa précision, si ce n’est qu’un codage spécifique a été attribué aux événements affectés par défaut au centroïde de leur commune d’occurrence ;
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les données de volume ont été homogénéisées. Lorsque cela a été possible, la valeur numérique « précise » a été évaluée (en m3). Pour un échantillon un peu plus large, une classe de volume a été déterminée. Pour ce faire, ont été utilisées les estimations fournies par les différents fonds, assez souvent sous la forme de masses (en kg ou tonnes), mais parfois en unités plus « exotiques » : brouettes, pelletées, poignées, frigos, téléviseurs, micro-ondes, etc. ! Les masses ont été converties en volumes via la masse volumique type associée à la lithologie de l’événement lorsque celle-ci a pu être déterminée. Les classes ont été choisies conformément aux usages du relevé de certains Conseils Départementaux et de façon à couvrir la gamme de variabilité des données enregistrés : volume < 1 m3, 1–5 m3, 5–10 m3, 10–25 m3, 25–100 m3, et volume>100 m3. Pour les chutes de blocs isolés, il s’agit du volume du bloc ayant chuté. Pour les autres chutes de blocs et les événements plus douteux, il s’agit du volume total fourni par l’observateur.
La base de donnée obtenue permet des requêtes spatiales et/ou temporelles faciles, de même que le croisement avec d’autres données. À titre de première application, un croisement avec le modèle numérique de terrain RGE-Alti au pas métrique de l’IGN a été réalisé pour déterminer l’altitude associé à l’ensemble des événements (à l’exception de ceux localisés arbitrairement au centroïde de leur commune d’occurrence). Etant donné les caractéristiques des point géo-référencés, il s’agit de l’altitude du point d’arrêt de l’événement et/ou de l’altitude où un enjeu spécifique (route, voie ferrée, etc.) a été endommagé et/ou atteint.
Nature des champs renseignés dans la base événementielle C2ROP-INRAE au 01/01/2020.
Nature of the fields within the C2ROP-INRAE event database on 01/01/2020.
2.3 Documentation des enjeux atteints et des dommages
Pour documenter le risque autant que l’aléa, la base C2ROP-INRAE indique les enjeux atteints et dommages occasionnés de façon aussi complète que possible. Pour ce faire, les données textuelles associées aux événements ont été dépouillées. À ce stade, toutefois, seules les données textuelles déjà disponibles au format numérique ont été exploitées. Compléter la base nécessiterait encore de consulter l’ensemble des rapports détaillés existant pour certains événements, de même que les sources d’information parfois mentionnées (renvois vers des articles de journaux, par exemple).
Les différents enjeux considérés (Tab. 1) sont :
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les personnes (blessés et morts) ;
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les routes et les voies ferroviaires ;
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les véhicules circulants ;
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les zones urbanisées, dont les habitations ;
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les forêts.
Par défaut il a été considéré que les événements documentés par les Conseils Départementaux et la Métropole Nice Cote d’Azur étaient toujours arrivés à proximité d’une route (sans distinction d’importance à ce stade) et/ou l’avaient atteint (Fig. 1). De même, il a été supposé que les événements documentés par la SNCF étaient toujours arrivés à proximité d’une voie ferrée et/ou l’avaient atteinte. Lorsqu’une remarque textuelle mentionnait qu’une zone bleue ou rouge d’un Plan de Prévention des Risques était concernée, il a été considéré qu’une zone urbanisée avait été atteinte. Enfin, la mention d’une zone boisée ou d’une forêt communale ou domaniale a été traduite comme l’atteinte d’un peuplement forestier.
L’occurrence de dommages matériels sur les routes, les voies de chemin de fer et les peuplements forestiers a été renseignée dans la base lorsqu’ils étaient explicitement mentionnés. Il en est allé de même pour les bâtiments atteints, les véhicules atteints, les dommages fonctionnels (mention explicite d’une coupure de route ou de voie ferrée avec perturbation plus ou moins importante du trafic) et les dommages forestiers (mention explicite d’arbres blessés et/ou emportés). Enfin, le nombre et la nature des véhicules atteints, des blessés et des morts a été documenté dans la base.
Fig. 1 Exemple d’événement rocheux dans les Alpes françaises référencé dans la base C2ROP-INRAE. Savoie, février 2014, © CD73, J.-P. Clatot. Example of a rockfall event in the French Alps referenced in the C2ROP-INRAE database. Savoy department, February 2014, © CD73, J.-P. Clatot. |
3 Résultats
3.1 Nombre total d’événements et sources associées
Au premier janvier 2020, la base C2ROP-INRAE inclut 8249 événements au total. 7674 sont connus par une seule source, 559 par deux sources et 16 par trois sources. Pour ces derniers, il s’agit souvent d’événements « marquants » ayant atteints plusieurs enjeux : route, voie ferrée et/ou zones bâtie, et ayant du coup attiré l’attention à la fois du Conseil Départemental, des services RTM et de la SNCF, par exemple. C’est le cas également par construction des événements de la BD RTM qui avaient déjà été reversés dans la base de données nationale Mouvements de terrain.
Au total, la base de données RTM a fourni le plus grand nombre d’événements (2890), suivi par la base de donnée nationale Mouvements de terrain et le Conseil Départementale des Alpes Maritimes (un peu plus de 1500 événements chacun (Tab. 2). Parmi les 8249 événements documentés, selon les sources primaires collectées auprès de maîtres d’ouvrage, 7906 sont avec certitudes des chutes de blocs, dont 255 (3,1 %) blocs isolés et 7651 (92,8 %) blocs multiples ou en nombre non précisé. Restent 343 événements de nature plus douteuse (4,1 %) : glissements de terrain, terre, boue, écroulements, effondrement de talus amont, chute d’arbre entraînant des matériaux, etc. qui peuvent aisément être exclus des analyses si besoin.
Nombre d’événements associés à chaque type de source dans la base C2ROP-INRAE au 01/01/2020.
Number of events associated with each type of source in the C2ROP-INRAE database on 01/01/2020.
3.2 Distribution spatiale des événements
5567 événements (66,2 %) sont localisés au sein des massifs Météo France utilisés notamment pour la prévision du risque d’avalanche et qui délimitent le cœur de la zone alpine. 33,8 % des événements ont donc eu lieu dans les départements alpins hors de cette zone. Les Alpes Maritimes sont, d’assez loin, le département le plus représenté dans la base C2ROP-INRAE (2716 événements, dont 2553 chutes de blocs certaines), suivi par l’Isère (1664 événements) et la Savoie (1461 événements, Fig. 2).
Les événements se sont produits dans 860 communes, avec de 1 à 217 événements par commune. Le maximum est pour la commune d’Utelle. Trois autres communes dépassent les 100 événements : Fontan (149 événements), Rigaud (146 événements) et Breil sur Roya (136 événements) et 14 autres communes dépassent les 50 événements : Arvieux, Isola, Guillaumes, Guillestre, Luceram, Saorge, Orelle, Les Deux Alpes, Tende, Eze, Malaussene, Saint-Sauveur-Sur-Tinee, Choranche et La Grave. 440 communes ont enregistré de 1 à 4 événements, 71 communes de 5 à 9 événements, 170 communes de 10 à 24 événements, et 61 communes de 25 à 49 événements.
2,4 % des événements ont dû être affectés au centroïde de leur commune d’occurrence faute d’information suffisante (Tab. 3). Pour les 97,6 % restants, les coordonnées (x,y) des points géo-référencés (Fig. 3) permettent d’étudier la localisation de l’aléa et du risque documenté par la base C2ROP-INRAE. Rappelons que la précision de la localisation et la nature même de ces points (position d’arrêt ou impact sur un enjeux) reste variable. Toutefois, apparaissent de façon très claire des alignements d’événements correspondant au réseau routier (et dans une moindre mesure au réseau ferroviaire) desservant les grandes vallées alpines. Le croisement de ces événements avec le MNT de résolution 1 m de l’IGN fait ressortir que la quasi-totalité des points d’arrêt et/ou des enjeux atteints sont situés en dessous de 2000 m d’altitude, et la majorité d’entre eux entre 300 et 1300 m, ce qui correspond à la gamme d’altitude où se concentrent les enjeux (Fig. 4).
Bien sûr, cette distribution spatiale des événements ne correspond pas à la réalité de l’aléa. Du fait même de la méthode de collecte des données, les linéaires et les basses altitudes sont surreprésentées alors que dans les zones non habitées et sans enjeu, souvent situées à haute altitudes, les chutes de blocs passent inaperçues et/ou ne sont pas archivées. De même, à plus large échelle, la variation du nombre d’événements d’un département à l’autre s’explique a priori autant par la variabilité de l’effort de collecte que par celle de l’activité naturelle.
Fig. 2 Nombre d’événements de la base C2ROP-INRAE par département Alpin. Donnée compilée au 01/01/2020. Dans chaque département, sont listés l’ensemble des événements et ceux correspondant avec certitude à des chutes de blocs (isolées ou multiples). Number of events in the C2ROP-INRAE database by Alpine department. Data compiled on 01/01/2020. In each department, all the events and those corresponding with certainty to rockfall (single or multiple) are listed. |
Nombre et pourcentage d’événements dans la base C2ROP-INRAE au 01/01/2020 pour lesquels différentes caractéristiques sont renseignées. La coordonnées (X,Y) « précise » de l’événement est celle du point d’arrêt et/ou de l’atteinte d’un enjeu particulier, sans quantification explicite d’un niveau de précision. L’altitude de chaque événement (à l’exception de ceux affectés par défaut au centroïde de leur commune d’occurrence) est obtenue en croisant sa localisation avec le MNT de résolution 1 m de l’IGN.
Number and percentage of events in the C2ROP-INRAE database on 01/01/2020 for which different characteristics are entered. The “precise” (X, Y) coordinate of the event is that of the stopping point and/or hit of a particular stake, without explicit quantification of a level of uncertainty. The altitude of each event (with the exception of those assigned by default to the centroid of their municipality of occurrence) is obtained by crossing its location with the 1 m resolution DEM from IGN.
Fig. 3 Localisation des événements de la base de la base C2ROP-INRAE. Donnée compilée au 01/01/2020. Les 23 Massifs Météo France utilisés notamment pour la prévision du risque d’avalanche délimitent le cœur de la zone alpine. Pour 97,6 % des événements est localisée la coordonnée du point d’arrêt et/ou de l’atteinte d’un enjeu particulier, sans quantification explicite d’un niveau de précision. Les 2,4 % restants sont localisés au centroïde de la commune où ils ont eu lieu. Les axes routiers principaux sont ceux définis par la base de données ROUTE 120 ® de l’IGN qui référence les autoroutes, routes nationales, et routes départementales assurant des liaisons importantes. Location of events in the C2ROP-INRAE database. Data compiled on 01/01/2020. The 23 Météo France massifs used for forecasting avalanche risk delimit the heart of the Alpine zone. For 97.6% of the events, the coordinate of the stopping point and/or the hit of a particular stake is located, without explicit quantification of a level of uncertainty. The remaining 2.4% are located at the centroid of the commune where they took place. The main roads are those defined by the IGN’s ROUTE 120® database which references highways, national roads, and most important departmental roads. |
Fig. 4 Altitude des événements localisés dans la base C2ROP-INRAE. Donnée compilée au 01/01/2020. L’altitude de chaque événement localisé précisément est obtenue en croisant sa localisation avec le MNT de résolution 1 m de l’IGN. La densité de probabilité est obtenue par lissage par noyau de la distribution empirique. Elevation of events located in the C2ROP-INRAE database. Data compiled on 01/01/2020. The altitude of each precisely localized event is obtained by crossing its location with the IGN’s 1 m resolution DEM. The probability density is obtained by kernel smoothing of the empirical distribution. |
3.3 Volume des événements
Le volume total « exact » a pu être documenté pour 31,6 % des événements, et une classe de volume a pu être déterminée pour 55,4 % des événements (Tab. 3). Les volumes de 1 à 5 m3 dominent, mais la fréquence empirique des volumes nettement supérieurs reste importante (Fig. 5). En particulier, pour 422 événements (5,1 %), le volume total a été estimé à plus de 100 m3, mais seules 5 valeurs « exactes » de plus de 100 m3 sont documentées. Comme pour les événements eux-mêmes, ces distributions ne représentent sans doute qu’imparfaitement la réalité terrain. En particulier, les (très) faibles volumes sont certainement sous-représentés car ils passent bien plus facilement « inaperçus ».
Fig. 5 Volume des événements de la base C2ROP-INRAE. A. Valeur numérique (m3). B. Classe de volume selon une échelle à 6 classes. Donnée compilée au 01/01/2020. Pour les chutes de blocs isolés, il s’agit du volume du bloc ayant chuté. Pour les autres phénomènes, il s’agit du volume total fourni par l’observateur. En A, seules les valeurs inférieures à 100 m3 sont considérées. La densité de probabilité est obtenue par lissage par noyau de la distribution empirique. En B : classe 1 (volume < 1 m3), classe 2 (volume entre 1 et 5 m3), classe 3 (volume entre 5 et 10 m3), classe 4 (volume entre 10 et 25 m3), classe 5 (volume de 25 à 100 m3), classe 6 (volume > 100 m3). Volume of events from the C2ROP-INRAE database. A. Numerical value (m3). B. Volume class on a 6-class scale. Data compiled on 01/01/2020. For single rockfall, this is the volume of the fallen block. For other phenomena, this is the total volume provided by the observer. In A, only values less than 100 m3 are considered. The probability density is obtained by kernel smoothing of the empirical distribution. In B: class 1 (volume < 1 m3), class 2 (volume between 1 and 5 m3), class 3 (volume between 5 and 10 m3), class 4 (volume between 10 and 25 m3), class 5 (volume of 25 to 100 m3), class 6 (volume > 100 m3). |
3.4 Distribution temporelle des événements
Le mois d’occurrence est documenté pour 92,6 % des événements (Tab. 3). Il fait apparaître une saisonnalité marquée, avec un maximum en janvier (1249 événements), plus de 500 événements par mois d’octobre à avril, et, au contraire, moins de 500 événements par mois de mai à septembre (Fig. 6).
L’année d’occurrence est connue pour 97,6 % des événements. L’événement le plus ancien date de 1300 mais la répartition temporelle des événements est très inhomogène sur la période 1300–2019 (Fig. 7A). Seulement 69 événements sont antérieurs a 1900 (0,8 % des événements pour lesquels l’année d’occurrence est connue), et, parmi ces événements anciens, tous sauf trois (documentés par le Conseil Départemental des Hautes Alpes) proviennent de la base de données du RTM (Fig. 7). Le nombre d’événements par année documentés dans la base C2ROP-INRAE augmente au cours du 20e siècle, d’abord doucement puis de façon explosive, jusqu’à atteindre plus de 500 événements par an au début des années 2000 avant de diminuer à nouveau légèrement. Là encore, cette distribution temporelle est à relier avant tout à l’évolution des modalités de capitalisation des événements par les différents contributeurs.
L’allure de l’évolution du nombre d’événements par an issus de la base de données du RTM est très similaire à celle de la base de donnée complète. C’est normal, étant donné que la base de données du RTM a fourni la plus grosse contribution à la base C2ROP-INRAE, dont la quasi-totalité des événements anciens (Fig. 7B). Pour les événements fournis par les autres opérateurs, l’évolution temporelle est assez, voire très différente. La quasi-totalité des événements fournis par les Conseils Départementaux se sont produit à partir de l’an 2000, date qui correspond à une prise en compte plus marquée des risques naturels dans les CD avec notamment la création des services référents et de postes dédiés. Font toutefois exception 39 événements connus du Conseil Départemental des Hautes Alpes (le plus ancien datant de 1829), 69 événements connus du Conseil Départemental de l’Isère (le plus ancien datant de 1905), et 22 événements connus du Conseil Départemental de Savoie (le plus ancien datant de 1948). Tous les événements connus de la Métropole Nice Cote d’Azur se sont produits à partir de 2013. La base Mouvements de terrain documente des événements de manière assez régulière entre 1900 et 2012, avec une période « faste » entre 1980 et 2000 qui correspond sans doute à l’enrichissement de la base au travers d’inventaires départementaux et d’enquêtes auprès des communes. Enfin, la SNCF recense des événements depuis 1907, mais de manière nettement plus assidue depuis les années 1980 (Fig. 8).
Fig. 6 Distribution saisonnière des événements de la base C2ROP-INRAE. Donnée compilée 01/01/2020. Seasonal distribution of events from the C2ROP-INRAE database. Data compiled 01/01/2020. |
Fig. 7 Chronologie des événements de la base C2ROP-INRAE au 01/01/2020. A. Ensemble des événements. B. Evénements issus des fonds RTM (BD RTM et base RTM-angle). « Evénement daté » signifie que l’année de l’événement est connue avec certitude. Chronology of events in the C2ROP-INRAE database on 01/01/2020. A. All events. B. Events from RTM funds (BD RTM and RTM-angle database). “Dated event” means the year of the event is known with certainty. |
Fig. 8 Chronologie des événements de la base C2ROP-INRAE au 01/01/2020. A. Evénements issus des 6 conseils départementaux alpins. B. Evénements issus de la Métropole de Nice. C. Evénements issus de la BD mouvements de terrain. D. Evénements issus de la SNCF. E. Evénements post 1825 issus des fonds RTM (BD RTM et base RTM-angle). « Evénement daté » signifie que l’année de l’événement est connue avec certitude. Chronology of events in the C2ROP-INRAE database on 01/01/2020. A. Events from the 6 Alpine departmental councils. B. Events from the Metropolis of Nice. C. Events from the ground movements database. D. Events originating from SNCF. E. Post 1825 events from RTM funds (BD RTM and RTM-angle database). “Dated event” means the year of the event is known with certainty. |
3.5 Dommages
3528 remarques textuelles ont pu être exploitées pour documenter les dommages associés aux événements (Tab. 3). 7 d’entre elles font état de personnes décédées. L’événement le plus meurtrier a causé 6 morts du fait d’une chute de bloc ayant atteint une habitation à proximité de Nice. Deux autres événements ont causé chacun 3 morts, un événement deux morts, un événement plusieurs morts sans plus de précisions, et un événement un mort et un blessé. Un événement a causé deux blessés et 11 autres événements un unique blessé (Tab. 4). À ce stade, la complétude de la base en termes de dommages n’a pas été évaluée, même sur des zones spatiales réduites. Il est néanmoins logique de penser que, plus les conséquences ont été graves, plus elle est proche de la réalité. En effet, les événements ayant fait des morts sont plus facilement gardés en mémoire que les événements n’ayant que faiblement affecté un linéaire ou une forêt.
Au total, 220 événements ont atteint des zones urbanisées et 113 des forêts. Les remarques qui ont été dépouillées mentionnent des dommages aux habitations et aux forêts pour 31 et 16 d’entre eux, respectivement. Les enjeux linéaires ont été bien plus souvent atteints : plus de 50 % des événements sont arrivés à proximité d’une route et/ou l’ont atteinte, et 7,4 % des événements sont arrivés à proximité d’une voie ferrée et/ou l’ont atteinte. Les remarques dépouillées mentionnent l’endommagement des équipements routiers à 158 reprises (souvent le poinçonnement de la chaussée ou l’endommagement de glissières, de panneaux ou d’ouvrages de protection) et l’endommagement des équipements ferroviaires à 97 reprises (souvent des ruptures de câbles, de dispositif de détection ou des rails tordus). Sur le réseau routier, 50 voitures individuelles, 3 cars/bus, un minibus, un fourgon, une moto et un engin de chantier ont été directement impactés, contre « seulement » un train sur le réseau ferroviaire. Des dommages fonctionnels allant de la simple perturbation momentanée du trafic à la coupure complète durant plusieurs mois sont mentionnés à 172 reprises pour le réseau routier, et à 14 reprises pour le réseau ferroviaire.
Nombre et pourcentage d’événements dans la base C2ROP-INRAE au 01/01/2020 ayant atteint des enjeux et/ou causé des dommages.
Number and percentage of events in the C2ROP-INRAE database as of 01/01/2020 that have reached stakes and/or caused damage.
4 Discussion, conclusion et perspectives
Dans les Alpes françaises, un territoire pourtant propice aux chutes de blocs, l’information concernant l’aléa et le risque rocheux reste peu abondante, dispersée et hétérogène. Dans le contexte du projet national C2ROP, un premier effort de capitalisation, d’homogénéisation et d’exploitation de l’existant a été réalisé. La base de données C2ROP-INRAE construite couvre les six départements des Alpes françaises et rassemble d’ores et déjà plus de 8000 événements au sein d’un environnement géo-référencé commun. Celui-ci inclut date, lieu d’occurrence et volume des événements de même que les dommages occasionnés. Le géo-référencement permet le croisement avec d’autres données, comme illustré avec l’exemple de l’altitude. Le croisement avec les limites communales a également été utilisé pour attribuer des coordonnées aux événements pour lesquels les sources primaires ne mentionnaient que le nom de la commune. Ce résultat unique par son ampleur résulte de l’investissement de l’ensemble des parties prenantes au sein du projet C2ROP. Il confirme la réalité de l’aléa et du risque pour les Alpes françaises, notamment la diversité des enjeux concernés et l’occurrence régulière de dommages humains, matériels, fonctionnels et forestiers. Le fort pourcentage d’événements ayant affecté les enjeux linéaires (en particulier des réseaux routiers et ferroviaires) est intrinsèquement lié aux caractéristiques des données collectées. Néanmoins, le nombre de véhicules impactés, les dommages aux infrastructures routières et ferroviaires et les perturbations du trafic dénombrées suffisent à établir que le risque rocheux pour les réseaux de communication est particulièrement significatif.
Le travail effectué inclut l’intégration au sein de l’environnement SIG des événements pour lesquels il n’existait pas au préalable de fichiers de couches déjà prêts et disponibles, l’homogénéisation des variables et des unités, la correction d’informations aberrantes, l’élimination des doublons et l’exploitation de l’information textuelle. Il a nécessité une analyse critique de la donnée et des choix en partie subjectifs. Ainsi, le nombre de coupures de routes et de voies de chemin de fer est certainement sous-estimé car seuls ont été pris en compte les événements pour lesquels une remarque textuelle les mentionnait explicitement. À titre d’exemple, les coupures de routes de moins de 24 h n’étaient pas systématiquement recensées par le CD73 il y a quelques années. Pour la simple atteinte du voisinage d’une voie de communication, l’incertitude est encore plus forte car, d’une part, il a été postulé que c’était toujours le cas pour les événements fournis par les Conseils Départementaux, la métropole Nice côte d’Azur et la SNCF, et, d’autre part, souvent, les événements de la base de données RTM ne mentionnent pas explicitement les enjeux linéaires même s’ils sont présents. Ces choix inhérents à l’étape d’analyse critique de la donnée doivent être gardés en mémoire pour toute exploitation postérieure.
Une analyse rapide des principales caractéristiques de l’information rassemblée a été proposée : patterns spatio-temporels, distribution des volumes, dommages, etc. Elle a mis en lumière la quantité d’information rassemblée et certaines de ses caractéristiques majeures, notamment l’effet très important des sources, à la fois dans le temps (augmentation progressive de l’effort de collecte, différenciée selon l’origine de la donnée) et dans l’espace (concentration le long des linéaires). De fait, la base de données C2ROP-INRAE inclut certainement des éléments intéressants concernant l’aléa rocheux dans les Alpes françaises : saisonnalité et information relative au volume des événements dommageables notamment. Elle permet d’approcher encore davantage la réalité du risque, par la localisation et la nature des principaux enjeux menacés. Néanmoins, il ne s’agit ni d’une base documentant toutes les chutes de blocs qui se produisent (loin de là), ni même d’une base exhaustive sur le plan des dommages, mais bien d’une base d’événements dont les conditions de consignation et de transmission ont (fortement) varié au cours du temps.
Ainsi, si presque tout reste à faire pour exploiter la donnée rassemblée pour différentes problématiques (conditions climatiques préférentielles pour les déclenchements, évolution de l’activité en termes de nombre d’événements et de saisonnalité avec le changement climatique, évaluation de la vulnérabilité indirecte liée aux coupures de réseaux, etc.), une analyse de type géohistorique pour contextualiser les événements et notamment mieux prendre en compte l’évolution des sources semble un prérequis indispensable (Giacona et al., 2019b). Cette analyse devra s’accompagner d’un dépouillement complet des sources associé aux événements (fiches papier, photos, etc.) pour s’affranchir au maximum des biais liés à l’exploitation des seules sources textuelles numérisées. La confrontation avec des analyses complémentaires incluant recherches données paléo-environnementales (par exemple, cernes de croissance issus de la dendrogéomorphologie, Mainieri et al., 2019), voire analyses trajectographiques sur certains sites permettront certainement également de s’approcher davantage de la réalité de l’aléa et du risque. En retour, ces analyses informeront sur les forces et les faiblesses de la donnée renseignée dans la base C2ROP-INRAE. Elles devraient permettre notamment d’évaluer la complétude de la base C2ROP-INRA en comparant les proportions perspectives des événements ayant ou non atteint des enjeux et ayant occasionné ou pas des dommages dans les secteurs les mieux documentés, ce qui devrait permettre, in fine, d’évaluer le biais d’observation à l’échelle de la base entière.
D’autres perspectives d’extension de la base C2ROP-INRAE existante sont également envisageables. Un élargissement aux possesseurs et sources de données n’ayant pas été impliqués pour l’instant est souhaitable : sociétés d’Autoroutes, industriels, données compilées dans les annexes techniques des PPR voire dans les rapports d’ingénierie, dépouillement des archives départementales et communales, voire de la presse. De même, d’autres variables pourraient être intégrées avec profit : travaux réalisés post événements, coûts directs et indirects des événements, présence ou non d’ouvrages de protection, impact socio-économique, etc. Pour cela, deux pistes peuvent en particulier être explorées : i) des croisements similaires à celui déjà effectué pour l’altitude et, ii) la poursuite de l’exploitation des remarques textuelles, déjà digitalisées ou encore sous format papier et/ou scannée uniquement. Les croisements permettront de documenter rapidement, pour chaque événement, la lithologie, l’exposition, l’occupation du sol, un profil topographique ou toute autre information géo-référencée déjà existante L’exploitation des données textuelles permettra d’affiner la quantification de l’aléa et du risque, notamment en renseignant si possible, pour chaque événement, le nombre et le volume unitaire de chaque bloc (cette information existe déjà pour certains événements dans la BD Mouvements de terrains), en affinant la description des enjeux atteints et la nature des dommages occasionnés, en décrivant explicitement la nature des objets référencés (points d’arrêt ou position de l’atteinte d’un enjeu) et en quantifiant la précision associée, voire en leur adjoignant d’autres objets géo-référencés (points de départ, trajectoire complète, etc.). L’architecture SIG de la base rend ces différents développements réalisables, de façon très directe (ajouts de variables-colonnes à la table attributaire existante) ou moyennant une légère extension (distinction de différents types de points, voire prise en compte de lignes ou de contours).
Enfin, un élargissement de l’extension spatiale au-delà des limites actuelles est également envisageable. Il semblerait en particulier pertinent d’adjoindre la donnée des départements limitrophes dont le relief est propice aux chutes de blocs et qui offrent une continuité topographique et territoriale avec la zone actuellement documentée : Drôme et Vaucluse, voire même Ain et Var. Là aussi, là encore, aucune difficulté ne nature informatique ne s’y oppose. Néanmoins, à ce stade, la priorité est la consolidation de l’acquis par la poursuite de la mise en commun des données événementielles sur le territoire alpin auprès des maîtres d’ouvrages impliqués. Il s’agit de définir le mécanisme d’alimentation régulière des données nouvellement acquises en partageant les bonnes pratiques en vue de la mise en place d’un protocole de relevé des événements plus harmonieux et homogène entre toutes les parties prenantes (variables, unités, nature des événements enregistrés, etc.). De-même, la question de la mise à disposition de la donnée aux différents publics potentiellement intéressés (MOAs, gestionnaires, collectivités territoriales et services de l’Etat, industriels et opérateurs privés, grand public) devra être traitée. Ainsi, la capitalisation et l’exploitation de l’information pourra se poursuivre avec bénéfices mutuels.
Remerciements
Ce travail n’aurait pu être réalisé sans l’environnement favorable et le soutien financier du Projet National C2ROP. Les auteurs tiennent à remercier l’ensemble des contributeurs à la base de données, et, plus largement, toutes les personnes/services/institutions ayant contribué de près ou de loin à la collecte des données sur leur terrain et à leur archivage. L. Hernandez est remerciée pour sa contribution à l’homogénéisation de la donnée. Les deux relecteurs sont remerciés pour leurs remarques constructives qui ont permis d’améliorer la qualité de l’article. ETNA est membre du Labex OSUG@2020.
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Citation de l’article : Nicolas Eckert, Robin Mainieri, Franck Bourrier, Florie Giacona, Christophe Corona, Valentin Le Bidan, Anne Lescurier. Une base de données événementielle du risque rocheux dans les Alpes Françaises. Rev. Fr. Geotech. 2020, 163, 3.
Liste des tableaux
Nature des champs renseignés dans la base événementielle C2ROP-INRAE au 01/01/2020.
Nature of the fields within the C2ROP-INRAE event database on 01/01/2020.
Nombre d’événements associés à chaque type de source dans la base C2ROP-INRAE au 01/01/2020.
Number of events associated with each type of source in the C2ROP-INRAE database on 01/01/2020.
Nombre et pourcentage d’événements dans la base C2ROP-INRAE au 01/01/2020 pour lesquels différentes caractéristiques sont renseignées. La coordonnées (X,Y) « précise » de l’événement est celle du point d’arrêt et/ou de l’atteinte d’un enjeu particulier, sans quantification explicite d’un niveau de précision. L’altitude de chaque événement (à l’exception de ceux affectés par défaut au centroïde de leur commune d’occurrence) est obtenue en croisant sa localisation avec le MNT de résolution 1 m de l’IGN.
Number and percentage of events in the C2ROP-INRAE database on 01/01/2020 for which different characteristics are entered. The “precise” (X, Y) coordinate of the event is that of the stopping point and/or hit of a particular stake, without explicit quantification of a level of uncertainty. The altitude of each event (with the exception of those assigned by default to the centroid of their municipality of occurrence) is obtained by crossing its location with the 1 m resolution DEM from IGN.
Nombre et pourcentage d’événements dans la base C2ROP-INRAE au 01/01/2020 ayant atteint des enjeux et/ou causé des dommages.
Number and percentage of events in the C2ROP-INRAE database as of 01/01/2020 that have reached stakes and/or caused damage.
Liste des figures
Fig. 1 Exemple d’événement rocheux dans les Alpes françaises référencé dans la base C2ROP-INRAE. Savoie, février 2014, © CD73, J.-P. Clatot. Example of a rockfall event in the French Alps referenced in the C2ROP-INRAE database. Savoy department, February 2014, © CD73, J.-P. Clatot. |
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Fig. 2 Nombre d’événements de la base C2ROP-INRAE par département Alpin. Donnée compilée au 01/01/2020. Dans chaque département, sont listés l’ensemble des événements et ceux correspondant avec certitude à des chutes de blocs (isolées ou multiples). Number of events in the C2ROP-INRAE database by Alpine department. Data compiled on 01/01/2020. In each department, all the events and those corresponding with certainty to rockfall (single or multiple) are listed. |
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Fig. 3 Localisation des événements de la base de la base C2ROP-INRAE. Donnée compilée au 01/01/2020. Les 23 Massifs Météo France utilisés notamment pour la prévision du risque d’avalanche délimitent le cœur de la zone alpine. Pour 97,6 % des événements est localisée la coordonnée du point d’arrêt et/ou de l’atteinte d’un enjeu particulier, sans quantification explicite d’un niveau de précision. Les 2,4 % restants sont localisés au centroïde de la commune où ils ont eu lieu. Les axes routiers principaux sont ceux définis par la base de données ROUTE 120 ® de l’IGN qui référence les autoroutes, routes nationales, et routes départementales assurant des liaisons importantes. Location of events in the C2ROP-INRAE database. Data compiled on 01/01/2020. The 23 Météo France massifs used for forecasting avalanche risk delimit the heart of the Alpine zone. For 97.6% of the events, the coordinate of the stopping point and/or the hit of a particular stake is located, without explicit quantification of a level of uncertainty. The remaining 2.4% are located at the centroid of the commune where they took place. The main roads are those defined by the IGN’s ROUTE 120® database which references highways, national roads, and most important departmental roads. |
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Fig. 4 Altitude des événements localisés dans la base C2ROP-INRAE. Donnée compilée au 01/01/2020. L’altitude de chaque événement localisé précisément est obtenue en croisant sa localisation avec le MNT de résolution 1 m de l’IGN. La densité de probabilité est obtenue par lissage par noyau de la distribution empirique. Elevation of events located in the C2ROP-INRAE database. Data compiled on 01/01/2020. The altitude of each precisely localized event is obtained by crossing its location with the IGN’s 1 m resolution DEM. The probability density is obtained by kernel smoothing of the empirical distribution. |
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Fig. 5 Volume des événements de la base C2ROP-INRAE. A. Valeur numérique (m3). B. Classe de volume selon une échelle à 6 classes. Donnée compilée au 01/01/2020. Pour les chutes de blocs isolés, il s’agit du volume du bloc ayant chuté. Pour les autres phénomènes, il s’agit du volume total fourni par l’observateur. En A, seules les valeurs inférieures à 100 m3 sont considérées. La densité de probabilité est obtenue par lissage par noyau de la distribution empirique. En B : classe 1 (volume < 1 m3), classe 2 (volume entre 1 et 5 m3), classe 3 (volume entre 5 et 10 m3), classe 4 (volume entre 10 et 25 m3), classe 5 (volume de 25 à 100 m3), classe 6 (volume > 100 m3). Volume of events from the C2ROP-INRAE database. A. Numerical value (m3). B. Volume class on a 6-class scale. Data compiled on 01/01/2020. For single rockfall, this is the volume of the fallen block. For other phenomena, this is the total volume provided by the observer. In A, only values less than 100 m3 are considered. The probability density is obtained by kernel smoothing of the empirical distribution. In B: class 1 (volume < 1 m3), class 2 (volume between 1 and 5 m3), class 3 (volume between 5 and 10 m3), class 4 (volume between 10 and 25 m3), class 5 (volume of 25 to 100 m3), class 6 (volume > 100 m3). |
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Fig. 6 Distribution saisonnière des événements de la base C2ROP-INRAE. Donnée compilée 01/01/2020. Seasonal distribution of events from the C2ROP-INRAE database. Data compiled 01/01/2020. |
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Fig. 7 Chronologie des événements de la base C2ROP-INRAE au 01/01/2020. A. Ensemble des événements. B. Evénements issus des fonds RTM (BD RTM et base RTM-angle). « Evénement daté » signifie que l’année de l’événement est connue avec certitude. Chronology of events in the C2ROP-INRAE database on 01/01/2020. A. All events. B. Events from RTM funds (BD RTM and RTM-angle database). “Dated event” means the year of the event is known with certainty. |
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Fig. 8 Chronologie des événements de la base C2ROP-INRAE au 01/01/2020. A. Evénements issus des 6 conseils départementaux alpins. B. Evénements issus de la Métropole de Nice. C. Evénements issus de la BD mouvements de terrain. D. Evénements issus de la SNCF. E. Evénements post 1825 issus des fonds RTM (BD RTM et base RTM-angle). « Evénement daté » signifie que l’année de l’événement est connue avec certitude. Chronology of events in the C2ROP-INRAE database on 01/01/2020. A. Events from the 6 Alpine departmental councils. B. Events from the Metropolis of Nice. C. Events from the ground movements database. D. Events originating from SNCF. E. Post 1825 events from RTM funds (BD RTM and RTM-angle database). “Dated event” means the year of the event is known with certainty. |
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