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Rev. Fr. Geotech.
Numéro 169, 2021
Hommage à Pierre Habib et Pierre Duffaut
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Numéro d'article | 7 | |
Nombre de pages | 14 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/geotech/2021025 | |
Publié en ligne | 15 octobre 2021 |
Article de recherche / Research Article
Lits épigéniques du Drac et de la Loire : conséquences pour les projets de barrages et tunnels
Fossil streams of the Drac and the Loire French Rivers: consequences for dams and galleries projects
EDF/TEGG,
905 avenue du Camp de Menthe,
13100
Aix-en-Provence, France
* Auteur de correspondance : guilhem.deveze@edf.fr
Les concepteurs de barrage redoutent bien évidemment une cuvette non étanche, remettant en cause l’économie et les objectifs du projet engendrés par des fuites de débits élevés, quant à la perte de productible ou à la perte d’eau pour l’agriculture ou l’alimentation en eau potable. Le cas particulier des fuites par des lits fossiles est moins documenté que les fuites en contexte karstique. On illustre ici cette problématique par deux exemples qui ont forgé le début de carrière de Pierre Duffaut, jeune ingénieur au Service Géologie d’Électricité de France (EDF) : les lits fossiles du Drac, en contexte fluvio-glaciaire, sur l’aménagement de Monteynard et les lits fossiles de la Loire, en contexte volcanique, sur l’aménagement de Montpezat. Dans ces deux exemples, les lits fossiles sont associés à des épigénies, c’est-à-dire à un nouvel enfoncement du cours d’eau dans sa plaine de comblement alluvial. Lors des études géologiques préliminaires, les indices sont souvent ténus, et l’approche morphologique promue par Pierre Duffaut demeure un outil simple et efficace pour optimiser l’implantation des campagnes de reconnaissances.
Abstract
Reservoir watertighness is of great interest for dam projects, because of the risk of major leaks compromising the business plan. Such leaks in karstic contexts are well documented, while cases of leakage in fossil streams are quite rare. Pierre Duffaut, as a young geological engineer at Électricité de France (EDF), studied two power plants with dams where this problem was linked to epigenetic phenomena, that is to say where the bed of the river sank into its own intense alluvial filling: the Monteynard dam on the Drac River and the Arlempdes dam on the Loire River, the latter has never been built. These cases have shown the interest of morphological analysis during preliminary geological studies to optimize the location of geophysical profiles or boreholes.
Mots clés : épigénie / lits fossiles / barrage / galerie / géologie de l’ingénieur
Key words: epigeny / fossil streams / dam / tunnel / engineering geology
© CFMS-CFGI-CFMR-CFG, 2021
1 Introduction
Avant la tragédie du barrage de Malpasset en 1959, la géologie appliquée aux barrages n’était pas une compétence reconnue en tant que telle. Les études des sites de barrage se limitaient à des études structurales et stratigraphiques, menées par les grands noms universitaires de l’époque, assez peu préoccupés par les sujétions particulières de ces grands ouvrages.
Parmi les problématiques, celle de l’étanchéité de la future retenue était déjà un sujet redouté, notamment par la menace de fuites de débits élevés.
Des cas célèbres de retenues fortement fuyardes, voire impossibles à remplir, sont connues en contexte karstique. Le cas particulier des fuites par des lits fossiles dans des contextes épigéniques est moins documenté. L’épigénie correspond à un nouvel enfoncement du cours d’eau dans sa plaine de comblement alluvial. La localisation de cet enfoncement dans la plaine de comblement apparaît aléatoire, et n’est dans tous les cas plus nécessairement dictée par la nature du substratum comme pour le lit initial. Le comblement alluvial peut être d’origine glaciaire (une langue de glacier obstruant sur une longue période le cours d’eau, suivie de glissements de terrain barrant le lit de la rivière avec dépôts, entre autres, des argiles fluvio-lacustres) ou volcanique (une coulée obstruant le cours d’eau).
L’article illustre cette problématique par deux exemples qui ont forgé le début de carrière de Pierre Duffaut, jeune ingénieur au Service Géologie d’Électricité de France (EDF) : les lits fossiles du Drac, en contexte fluvio-glaciaire, sur l’aménagement de Monteynard et les lits fossiles de la Loire, en contexte volcanique, sur l’aménagement de Montpezat.
Les figures présentées sont souvent les croquis originaux de la main de P. Duffaut, issus d’archives inédites d’EDF.
2 Les lits épigéniques du Drac
2.1 La problématique
Dans l’immédiate après-guerre, la chaîne du Drac représentait un fort potentiel de développement hydroélectrique : depuis 1935 le barrage du Sautet (à l’époque l’un des plus hauts barrages du monde) en constituait le réservoir de tête, l’aménagement de Cordéac était en cours de finalisation et les études du barrage de Saint Pierre Cognet étaient très avancées.
En 1944, la Société Auxiliaire d’Études et d’Entreprises (SAEE) avait déposé un projet d’aménagement du Drac Moyen avec notamment un grand barrage créant une retenue à la cote 515 au droit de l’étroit de Monteynard. Ce projet redoutait les conséquences du contournement de la rive gauche par un lit fossile du Drac, sur la base du retour d’expérience douloureux des fuites de la retenue du Sautet vers la vallée de la Sézia.
2.1.1 L’expérience du Sautet
Dans les années 1920, les études du barrage au Sautet avaient identifié des formations quaternaires perméables en rive droite, immédiatement à l’amont du barrage, pouvant présenter une menace de fuites par contournement. Le phénomène avait toutefois été jugé sans conséquence par les conseils du maître d’ouvrage (professeurs Killian, Lory et Lugeon).
Le 25 mai 1935, lors de la mise en eau du barrage, les premières résurgences apparurent en rive gauche de la Sézia, après 10 jours de stabilisation du plan d’eau à 745 m, avec un débit est estimé à 1,2 m3/s. Les résurgences provoquèrent des glissements de terrain locaux. Divers aménagements furent mis en place, à la fois pour gérer les glissements de terrains (galeries de drainage, massifs de gabions et de palplanches) mais également pour collecter et mesurer les débits de fuites, qui se stabilisèrent dans une fourchette comprise entre 2,2 et 2,8 m3/s, directement fonction de la cote du lac.
Un écran étanche fut alors injecté en rive droite du barrage, sur une centaine de mètres de berge, avec un succès relatif (baisse des débits mesurés à 2,2 m3/s) au regard des consommations importantes de ciment (10 000 t) et d’argile (600 t). De nombreux sondages identifièrent ultérieurement trois chemins possibles, tels que représentés sur les figures 1 et 2, contournant l’appui rive droite sur des linéaires de 600 m à 3 km. L’écran de 1936–1938 ne recoupait donc pas la globalité des entonnements possibles. En outre, il avait été réalisé à retenue haute, ce qui avait probablement nuit à la bonne qualité des injections.
De nos jours, le débit de fuite suit avec un décalage de 7 jours environ la cote du lac, avec des valeurs maximales comprises entre 2 et 2,5 m3/s.
Cette expérience difficile conduisit les concepteurs du barrage de St Pierre Cognet, à l’aval, à réaliser un essai « en vraie grandeur » de mise en charge du remplissage alluvial identifié en rive droite de la future retenue de St Pierre. La mise en charge de la galerie d’adduction secondaire de la Bonne permit d’atteindre une charge hydraulique analogue à celle de la retenue projetée. Elle démontra que les débits de fuite seraient insignifiants (ce qui est vérifié depuis la mise en eau).
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Fig. 1 Principaux chemins de fuites en rive droite de la retenue du Sautet, sur la base des reconnaissances réalisées ultérieurement par EDF – Données inédites EDF. Main leakage paths in the right bank of the Sautet reservoir, according to ground investigations performed by EDF – EDF unpublished. |
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Fig. 2 Coupe schématique de la vallée du Drac et de son affluent rive droite la Sézia, au niveau du lac du Sautet. Schematic geological cross section of Drac current stream and its fossil stream near the Sautet dam location. |
2.1.2 Le projet de Monteynard
En 1944, le projet de la SAEE avait identifié à de nombreux endroits à l’amont et à l’aval du barrage projeté, des indentations dans les falaises de Lias schisteux et du Lias calcaire des gorges du Drac, à des cotes inférieures à celle de la retenue projetée (Fig. 3). De même, les affleurements dégagés par les ruisseaux affluents rive gauche laissent clairement deviner un lit fossile, rempli d’alluvions caillouteuses et plus ou moins cimentées. Le projet identifie diverses entrées1 possibles dans plusieurs ravins (ravins du Merdaret, d’Harmalière, des Adrets, des Roches Closes et dans le ravin du Cros, cette dernière entrée étant visible en Fig. 4) et plusieurs zones de sorties2 : « possibles » aux ravins de la Caumette, de Métraire et de Pivollet (toutes trois visibles sur la Fig. 5), et la sortie « certaine » au Pont d’Ars. Ces indices laissaient donc redouter la présence d’un lit fossile en rive gauche, contrairement donc au Sautet où ce lit est en rive droite du Drac actuel.
De l’aveu même de la SAEE, l’efficacité du voile d’étanchéité envisagé en rive est très incertaine suite à l’expérience mitigée du Sautet. L’essai grandeur nature analogue à celui venant d’être réalisé à Saint Pierre étant impossible car le contournement comporte vraisemblablement plusieurs entrées, le projet peine à trouver un financement.
Devant la forte potentialité économique de la chute, une commission d’éminents géologues est chargée en 1946 de l’étude des projets d’aménagement hydroélectriques de la basse vallée du Drac3 de Monteynard, Notre-Dame et St-Georges-de-Commiers. Cette commission valide l’analyse géologique du dossier de la SAEE et entérine un calcul de J. Goguel, notamment basé sur une hypothèse de perméabilité de 0,15 cm/s, qui donne, pour une cote de retenue de 515 NGF un débit variant entre 1,5 et 2,7 m3/s. Elle juge toutefois que les alluvions de remplissage sont « peut-être un peu moins perméables qu’à St-Pierre et au Sautet, par suite de la nature particulièrement argileuse des alluvions de l’Ebron ». Devant ces incertitudes, elle préconise sans surprise une campagne de sondages au droit du ravin de Cros, qui paraît présenter l’entrée du cheminement le plus court.
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Fig. 3 Coupe développée des falaises rive gauche des gorges du Drac, issue du projet de la SAEE de 1944 – Document inédit EDF. Longitudinal section of the left bank cliffs in the Drac gorges, from 1944 SAEE hydroelectric project – EDF unpublished. |
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Fig. 4 Photo de 1948 des gorges du Drac en amont du barrage d’Avignonet, montrant la « zone des entrées » du ravin du Cros. Le trait noir indique le sommet de la falaise liasique et le trait rouge la courbe de niveau 515, cote de la retenue projetée – Document inédit EDF. 1948 view of Drac gorges upstream to the Avignonet dam, showing the “inlets” of the fossil streams. Black line is the top of the Jurassic cliff and red line is the level 515 – EDF unpublished. |
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Fig. 5 Montage photographique de 1948 de rive gauche du Drac à l’aval du barrage projeté de Monteynard, montrant la « zone de sortie » des ravins de la Calmette (C), de Métraire (M), du Pivollet (P). En dessous, la limite du rocher et des alluvions indiquées approximativement par le trait rouge s’abaisse vers les ravins des Cattiers, indiquant que là l’ancienne vallée se rapproche de la vallée – Document inédit EDF. 1948 view of left bank of the Drac River downstream Monteynard dam, showing the “outlets” of “ravins de la Calmette” (C), “ravin de Métraire” (M), “ravin du Pivollet” (P). Red line is the top of the Jurassic cliff, gently pending towards the Drac River – EDF unpublished. |
2.2 Les études EDF
En 1948, le tout jeune Service Géologie d’EDF reprend les études des lits fossiles, bénéficiant des résultats du profil de trois sondages réalisés dans le ravin du Cros, démontrant notamment que la base du thalweg fossile est à la cote 417, soit 100 m en dessous de la cote projetée de la retenue.
Il pilote durant toute l’année 1949 des « grattages » des terrains de surface dans tous les ruisseaux pour localiser au mieux le toit rocheux et fait effectuer plusieurs campagnes topographiques afin de disposer d’une carte cotée plus précise.
À partir de ces éléments, et sur la base du principe de conservation de la pente des versants et du principe d’une pente régulière des fonds du thalweg analogue à la pente du Drac actuel (Fig. 6), Pierre Duffaut au sein du Service Géologie implante progressivement des sondages de validation de ses hypothèses et construit progressivement un modèle géologique des lits fossiles.
EDF confie en 1950 à l’Institut de Géophysique Appliquée de Milan la réalisation de 13 profils de sismique réfraction avec « sismographes électromagnétiques » (31,3 km en cumulé), définis selon une approche progressive et itérative. L’interprétation des résultats de cette campagne expérimentale restera délicate car il est difficile de distinguer le substratum liasique (vitesses des ondes de compression Vp variant entre 4300 et 3300 m/s) des remplissages quaternaires (poudingues de base, et argiles varvées inférieures extrêmement compactes les confondant avec le poudingue : Vp entre 2250 et 3300 m/s).
Hormis les sondages, le point de contrôle le plus remarquable fut une galerie de reconnaissance engagée en 1951 dans les gorges à la cote 490. Cette galerie recoupera après 555 ml dans le substratum liasique un remplissage de galets et de blocs et sables et validant le profil géophysique no3 le plus proche.
Tous ces points de contrôle validèrent en outre la précision associée à la carte topographique du toit rocheux masqué sous les formations quaternaires du plateau de Sinard : la côte du toit du substratum était identifiée à plus ou moins 20 m.
Sur ces bases topographiques, géologiques et géophysiques, Pierre Duffaut et le Service Géologie d’EDF démontrèrent donc progressivement la coexistence de deux lits fossiles, traduisant donc deux épigénies successives (Fig. 7) :
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Un lit correspondant à un large lit fossile sous le plateau de Sinard, d’où son appellation de Drac de Sinard, encaissé dans le substratum jurassique ; sa zone d’entrée est le ravin du Merdaret et sa sortie se situe face à Notre Dame de Commiers, à la cote 350 (soit une distance de 9 km), avec de nombreuses brèches autour de la cote 400 (notamment au ravin de Pierrefeu dans le vallon d’Ars, à six kilomètres). Ce lit est remblayé sous plus de 400 m d’épaisseur de dépôts glaciaires et fluviaux. Il se situe à environ 3 km à l’ouest du lit actuel du Drac ;
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Un lit plus étroit et plus proche du lit actuel du Drac, recoupé par la galerie de reconnaissance. Sa zone d’entrée est le ravin du Cros, d’où son appellation de Drac de Cros, où il présente un thalweg étroit descendant jusqu’à la cote 417 environ ; sa zone de sortie est le ravin de Pierrefeu (2,6 km, sortie à la cote 400), avec une brèche communiquant avec le lit actuel vers la cote 445 à 1700 m ;
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Le lit actuel du Drac, fruit de la deuxième et dernière épigénie.
Les autres zones d’entrée sont attribuées à des affluents, telle la zone d’entrée d’Avignonet (section utile de quelques dizaines de m2, son point le plus bas est à 487 NGF dans le prolongement du ruisseau de Vaux incisant la rive droite de la gorge) ou à des méandres de l’ancien Drac de Cros (zones d’entrée de Roche Close et des Adrets).
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Fig. 6 Schéma illustrant le principe de base de la conservation de la pente des versants, permettant d’approcher la position des lits fossiles – Document de la main de P. Duffaut, inédit EDF. Drawing by P. Duffaut: Principle of constant slope of the versant used as a help to localize fossil streams – EDF unpublished. |
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Fig. 7 Schéma interprétatif de synthèse des connaissances et hypothèses de 1953 – Document de la main de P. Duffaut, inédit EDF. Interpretative view of assumptions and certainties concerning fossil streams localizations (1953) – EDF unpublished. |
2.3 Les controverses
Le Service Géologie d’EDF militait pour l’existence de deux lits clairement distincts (1re solution sur la Fig. 7) avec les arguments suivants (Bordet et al., 1953) :
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La différence de style morphologique est notable entre les trois lits du Drac, le plus ancien présentant naturellement le profil le plus évasé et, le plus récent, le profil le plus encaissé ;
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La géophysique ne permet pas de déceler de brusques variations de pente du terrain, ni les accidents géologiques de faible largeur ; sa précision est toute relative, jugée à 20 m par défaut, et elle image par conséquent beaucoup plus mal la morphologie du Drac de Cros que celle du Drac de Sinard ;
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La cote maximale des poudingues déposés dans les deux lits fossiles est différente : les galets dans le Drac de Sinard culminent sous les moraines à une cote de 520 à l’amont, 450 à l’aval (pente de 0,7 % analogue à celle du Drac actuel), alors que les galets dans le Drac de Cros culminent aux alentours de 600 dans la zone centrale ;
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Le thalweg du Drac de Cros est à une cote relative de 20 à 25 m au-dessus du talweg actuel du Drac et à une dizaine de mètres au-dessus du thalweg du Drac de Sinard.
Cette conviction étayée, dont Pierre Duffaut a toujours été partisan, concluait donc à la chronologie relative suivante (Fig. 8) :
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Le Drac de Sinard est le Drac le plus ancien, développé dans les couches tendres du Jurassique, d’où son profil large et évasé ;
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Le Drac de Cros est un premier lit épigénique, pour lequel l’amorce d’enfoncement n’est évidemment pas en relation avec la nature du substratum rocheux et qui présente par conséquent des versants rocheux plus raides ;
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Le Drac actuel est un second lit épigénique.
Une controverse opposa rapidement les géologues et les concepteurs du projet au sujet de la continuité de la crête rocheuse masquée sous le plateau de Sinard, séparant à l’Ouest l’ancien lit fossile du Drac de Sinard et à l’Est le lit fossile du Drac de Cros.
Sur la base de l’analyse des courbes de niveau du substratum issues de l’interprétation des profils de sismique réfraction, certains virent en effet un raccordement du Drac de Cros vers le Drac de Sinard par une bretelle de 1500 m environ, avant éventuellement de déboucher également dans le ravin de Pierrefeu (2e solution sur la Fig. 7). Cette hypothèse, qui conduit à des débits de fuites potentiellement moins élevés puisque la longueur du contournement est plus longue, reçut évidemment une écoute attentive de la part des promoteurs du projet.
La même confiance absolue dans la seule interprétation géophysique pouvait également conduire à identifier un tracé plus court, avec une entrée au droit de la zone d’entrée d’Avignonet, qui maximisait le débit des fuites potentielles. Cette interprétation sera reprise ensuite et officialisée par les travaux de Lambert et Montjuvent (1968), Montjuvent (1973, 1978) et sera un argument pour imposer une chronologie relative différente : le Drac de Sinard recoupe le Drac de Cros, et lui est donc postérieur.
Lambert et Montjuvent (1968) réinterprétèrent la coupe finale de la figure 8 proposée par P. Duffaut en 1953, à la fois l’ordre du creusement des deux anciens thalwegs et la superposition des argiles lacustres et des moraines sur leur substratum caillouteux. Cette réinterprétation conduira ensuite Montjuvent (1973) à attribuer un âge Würm I aux alluvions du Drac de Sinard et un âge Riss aux alluvions cimentées du Drac de Cros (Fig. 9).
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Fig. 8 Coupes chronologiques illustrant les deux épigénies successives du Drac – Document de la main de P. Duffaut, inédit EDF. Drawing by P. Duffaut assuming the successive epigenetic streams of the Drac River in the Monteynard region – EDF unpublished. |
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Fig. 9 En haut : nouvelle interprétation par Montjuvent (1973, modifiée) des deux épigénies ; en bas : interprétation initiale de 1953 de P. Duffaut et du Service Géologie EDF. A : argile ; S : silts ; G : galets ; V1 : première vallée ancienne du Drac ; V2 : deuxième vallée. Top: interpretation proposed by Montjuvent (1973, modified); down: interpretation proposed by EDF Geology department in 1953. A: clays; S: silts; G: gravels; V1: first fossil stream; V2: second fossil stream. |
2.4 Le projet définitif et la mise en eau du barrage de Monteynard
Le projet définitif consista en la construction d’un barrage poids voûte de 155 m de hauteur au-dessus de ses fondations, formant un lac de retenue de 185 hm3 utile, avec usine en pied de 332 MW, mise en service en 1962. La cote de retenue est de 490 NGF, soit 15 m en dessous de la cote initialement projetée, minimisant par conséquent le risque de débits de fuites élevés par les lits fossiles.
Sur la base d’un modèle réduit réalisé au Laboratoire National Hydraulique de Chatou, le débit de fuite fut prédit entre 600 et 1450 l/s, pour une retenue à 495 m NGF et avec différentes hypothèses de géométrie et de perméabilité.
Avant de débuter la mise en eau du lac, les exutoires des ravins de Métraire et de Ars/Pierrefeu furent aménagés et équipés de dispositifs de collecte et de mesures des fuites.
À la mise en eau, le débit maximal se stabilisa à 585 l/s à retenue pleine. Depuis la mise en eau, ce débit (sensible à la cote du lac) n’a pas montré d’évolution notable. Le suivi visuel du ravin d’Ars/Pierrefeu a montré que des mouvements de terrain de faible ampleur se produisent assez régulièrement, affectant principalement les argiles qui ont flué depuis des gîtes situés plus haut dans le versant.
3 Les vallées fossiles d’Arlempdes
Les mêmes principes d’études furent appliqués, par les mêmes personnes et à la même période des études du Drac, au projet de barrage d’Arlempdes sur la haute Loire.
Dans l’immédiat après-guerre, le projet de Montpezat A est un des nombreux projets d’aménagement hydroélectrique repris par EDF. Il s’agit d’un projet consistant à valoriser la brutale dénivellation du Sud-Est du Massif Central entre le haut bassin versant de la Loire et le bassin de l’Ardèche. Cet aménagement sera mis en service en 1954, avec la création de deux barrages (La Palisse sur la Loire et le Gage sur le Gage), un puits de prise dans le lac naturel de cratère d’Issarlès, une galerie d’amenée de 17 km, une usine souterraine après une chute de 635 m, pour un équipement de 120 MW. Les études et la réalisation seront suivies, au Service Géologie d’EDF, par le jeune ingénieur Pierre Duffaut.
Rapidement, une variante plus puissante (320 MW) fut mise à l’étude : Montpezat B, d’une hauteur de chute moindre (529 m), mais avec un débit d’équipement plus élevé car captant une partie du bassin versant du Haut Allier. Ce projet comportait un barrage sur l’Allier (futur barrage de Naussac, qui ne sera développé qu’à la fin des années 1970 par l’Établissement Public d’Aménagement de la Loire et de ses Affluents), une galerie Allier-Loire et un grand barrage sur la Loire à Arlempdes (voûte épaisse de 115 m de hauteur créant une retenue de 185 hm3). Le présent article se limite aux études du projet de cette variante Montpezat B, qui ne sera donc jamais réalisée.
3.1 Cadre géologique
Dans la région d’Arlempdes, la Loire recoupe le socle cristallin et sa couverture de coulées basaltiques issues d’appareils effusifs récents. Sur la base de la position topographique des coulées par rapport au fond des vallées actuelles, il était considéré à l’époque que ces « basaltes des plateaux » étaient antérieurs au principal creusement des vallées. Depuis, il a été démontré, notamment sur la base des travaux ici mentionnés, qu’existaient deux grands ensembles de coulées :
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Les basaltes des plateaux et des vallées anciennes, d’âge villafranchien (Plio-Quaternaire, de −5 à −1 Ma), en coulées plurimétriques à pluridécamétriques, antérieur au creusement principal des vallées.
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Les basaltes des vallées actuelles, post-villafranchiennes, postérieurs ou synchrones à la phase de creusement principal des vallées.
3.2 Projet de barrage de Arlempdes A
En 1947, l’axe A étudié pour le barrage du projet Montpezat B est situé immédiatement à l’aval du village d’Arlempdes, où le lit de la Loire actuelle est à 780 NGF ; il créerait une retenue à la cote normale de 885 NGF.
Les études géologiques préliminaires conduisirent immédiatement le Service Géologie d’EDF à redouter un ancien lit de la Loire ou tout au moins un affluent important remblayé par des coulées de basalte horizontales, sur la base de trois indices (Crosnier-Leconte, 1948) :
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Entre Arlempdes et Goudet, la Loire suite une gorge d’aspect épigénique, caractérisée par une dissymétrie des versants avec un contact granite/basalte à la cote 900 NGF en rive gauche prolongeant la pente du versant supérieur rive droite où le basalte n’apparaît qu’au-dessus de 1000 NGF ;
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A Arlempdes, la Loire passe brusquement de la direction WNW à la direction N et la vallée est plus large à l’amont qu’à l’aval ;
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Dans la boucle immédiatement à l’aval d’Arlempdes (Fig. 10), une large échancrure en V dans le soubassement granitique, remplie de coulées de basalte étagées visibles jusqu’à 20 m au-dessus de la Loire actuelle, est visible en rive gauche. Le granite de contact des branches du V montre une coloration jaune, section d’une ancienne surface d’altération. Ce V est dans l’axe de la Loire amont.
Une campagne d’investigation couplée géophysique/sondages est lancée au printemps 1948. Six « sondeuses à couronnes de diamant » réalisant environ 2000 ml en 17 sondages, dont un sondage de 240 m de profondeur, furent réparties sur quatre profils transversaux. Cette campagne confirma dès l’été 1948 la présence de cette ancienne vallée, positionnée environ 1,5 km en rive gauche du lit actuel, remblayée par des basaltes sur un linéaire de 3 km entre Arlempdes et la rivière des Fouragettes (Fig. 11). La cote du fond et la pente de cet ancien thalweg sont peu différentes de celle de la Loire actuelle.
Deux petites galeries furent creusées à la base du V d’Arlempdes pour reconnaître l’interface entre le cristallin et le basalte. Elles permirent de visualiser, sur une épaisseur d’une vingtaine de mètres, un remplissage fluviatile composé de lits de galets roulés de granite, de basalte et de phonolite altérés et enrobés dans de l’argile, une lentille d’argile sombre à lignite et des sables variés.
Les sondages montrèrent des remplissages constitués d’empilements de coulées, avec des inter-coulées d’épaisseur plurimétriques composées de lits de scories, de galets enrobés d’argile, de sables argileux et d’argiles lacustres.
Quelques piézomètres multichambres permirent de mesurer la piézométrie à l’intérieur de cet ancien thalweg. Les niveaux piézométriques atteignirent 920 à 960 NGF, en cohérence avec l’artésianisme observé dans certains sondages de reconnaissance, avec la présence de plusieurs nappes cloisonnées, rendues captives par les niveaux d’intercoulées argileux, leur mise en charge étant assurée par le léger pendage des intercoulées.
Il est à noter que le point de sortie du lit fossile a été recherché sans succès jusqu’au Puy. L’hypothèse émise à l’époque fut celle d’un raccordement vers l’Allier au niveau de Langeac. Dans tous les cas, les hypothèses de cheminements courts (1,5 km avec sortie dans le cirque de Lasclaux à 500 m à l’aval du barrage projeté et 3 km avec sortie dans la vallée des Fouragettes à 1800 m à l’aval) furent écartées après sondages de vérification en 1949.
À l’issue de cette campagne de reconnaissance, les avis des professeurs Jung (professeur de géologie à la faculté de Clermont Ferrand), Gignoux (professeur de géologie à l’université de Grenoble) et Corsby (ingénieur géologue américain, spécialiste des fondations de barrages en terrain volcanique) furent favorables au projet, la fermeture hydraulique étant assurée par un niveau piézométrique naturel nettement supérieur au niveau normal de la retenue projetée (885 NGF).
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Fig. 10 Entrée de l’ancienne Loire dans le versant gauche de la Loire actuelle à Arlempdes (photographie de 1947). Le cours de la Loire se dirige de la gauche vers la droite au pied du versant. La diagonale de la photographie se superpose approximativement au contact entre le gneiss du socle à droite et des séries de coulées de basalte sensiblement horizontales à gauche (Crosnier-Leconte, 1959). 1947 view of the left riverbank of the Loire River in Arlempdes region, showing the inlet of the fossil stream. River flows from left to right. Red line superimposes gneissic rock (right) to horizontal volcanic flows (left) (Crosnier-Leconte, 1959). |
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Fig. 11 Emplacement des reconnaissances de 1948 pour les études du barrage d’Arlempdes axe A (Crosnier-Leconte, 1959). View of 1948 ground investigations of the Arlempdes A axis (Crosnier-Leconte, 1959). |
3.3 Projet de barrage de Arlempdes B
En 1951, l’optimisation économique du projet de Montpezat B conduisit à étudier une variante avec un axe B de barrage implanté plus à l’amont du village de Arlempdes, à proximité de la confluence avec la Méjanne, pour une cote de retenue projetée 874 NGF, soit environ 10 m plus bas que le projet correspondant à l’axe A.
Les études géologiques montrèrent rapidement l’existence d’un lit fossile offrant un cheminement très court. L’avis géologique préliminaire conseillait de privilégier un axe de barrage à l’endroit où le lit actuel et le lit fossile sont superposés (axe C sur la Fig. 12) ; toutefois, la morphologie des versants y est celle de l’ancienne Loire, donc des versants altérés en pente douce moins favorables à l’économie d’un grand barrage qu’une gorge épigénique, offrant des versants rocheux plus raides.
Au droit de l’axe B finalement étudié (Fig. 11 et 12), trois sondages mirent en évidence un remplissage très différent de celui recoupé au droit de l’axe du projet A (Fig. 13) : très grosses épaisseurs de remplissages sableux et argileux, ensuite recouvertes par les coulées supérieures. La fermeture hydraulique n’était pas assurée, dans le temps et dans l’espace, un des trois sondages équipés en piézomètres montrant par exemple une piézométrie (868 NGF) inférieure à la cote de la retenue projetée (874 NGF). Il fut estimé que la fermeture hydraulique nécessitait un voile d’étanchéité de 8 à 10 000 m2.
Les conditions géologiques des deux axes étudiés n’étaient donc pas très favorables ce qui contribua à l’abandon du projet.
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Fig. 12 Extrait de la carte géologique originale du projet d’Arlempdes axe B, de la main de P. Duffaut (1951) – Donnée inédite EDF. Drawing by P. Duffaut (1951): Geological map of Arlempdes B axis – EDF unpublished. |
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Fig. 13 Coupe interprétative au droit du profil de trois sondages réalisés en rive gauche du projet d’Arlempdes B, de la main de P. Duffaut (1952) – Donnée inédite EDF. Drawing by P. Duffaut (1952): Geological cross section of Arlempdes B axis left abutment – EDF unpublished. |
3.4 Ouvrages souterrains du projet
Le projet de Montpezat B comportait également une grande galerie ramenant vers la Loire les eaux de l’Allier, ainsi que des galeries secondaires collectrices des affluents rive gauche de la Loire à l’aval du barrage.
Les risques étaient liés aux conditions de creusement (rencontres de cheminées d’alimentation des volcans ou de cratères d’explosion, rencontre d’anciens lits noyés, …) et à l’effet drainant que pouvait présenter le percement d’une galerie dans un lit fossile, pouvant affecter grandement sa fermeture hydraulique naturelle (notamment pour l’axe A initial du projet de barrage).
La « tournée de terrain » de Pierre Duffaut fin 1948 permit de tracer les hypothétiques courbes de niveau du contact granite-basalte et ainsi d’identifier plusieurs lits fossiles, et notamment un possible lit fossile en rive gauche de la Méjanne, sur la base des mêmes critères que ceux exposés pour la Loire à proximité du barrage et appuyée sur l’observation de coulées de basaltes dans deux affluents de la Méjanne (ruisseaux de Barges et de Coulomb) descendant au niveau du lit actuel des ruisseaux encadrés par deux anciens versants cristallins.
Un tracé alternatif fut proposé par Pierre Duffaut, présentant un coude et allongeant de 1,5 km les tracés rectilignes, mais évitant les édifices volcaniques et recoupant très en amont l’ancien lit de la Méjanne. Le décalage vers le Sud-Est permettait en outre de bénéficier de la remontée globale du toit du cristallin et donc de gagner en couverture rocheuse (la cote de la galerie projetée étant régie par des contraintes hydrauliques cela permettait de minimiser le risque de rencontrer le fond du thalweg fossile) (Fig. 14).
Deux stagiaires furent demandés en 1950 pour une campagne de cartographie plus fine dans le triangle délimité par les deux tracés sud. La proposition de stage illustre bien la finesse du travail du géologue dans le contexte de l’époque : « Les moyens d’investigations à mettre en œuvre sont particulièrement fins dans des zones très importantes, dénuées d’affleurement en pays basaltique : il faut rechercher les moindres indices granitiques (paillettes de micas dans les ruisseaux, grains de quartz dans les taupinières) en tenant compte et en notant d’un figuré spécial les zones où on ne peut conclure ». Ces travaux conduisirent à suspecter, uniquement sur la base d’observations géologiques et d’interprétations topographiques, l’existence de deux vallées fossiles, dont l’une parallèle à l’actuelle Méjanne, décalée d’environ 1000 m.
Deux sondages furent forés à l’été 1953 au droit du ruisseau de Barges. La présence d’un lit fossile fut confirmée, avec remplissage d’argiles et de sables sur une épaisseur 22 m, mais recoupant le cristallin à une cote supérieure à la cote projetée de la galerie (900 à 920 NGF pour une galerie à 875 NGF). Les difficultés de communication avec le Service Géologie à Paris conduisirent à laisser démobiliser l’atelier de forage, alors qu’au regard des pentes asymétriques des deux versants souterrains un doute pouvait subsister.
Un troisième sondage fut réalisé au cours de la campagne de 1954. Sa coupe est citée dans la notice de la carte géologique de Cayres (Bouiller et al., 1978) « ayant révélé sous 156 m de coulées et tufs volcaniques, un chenal creusé dans le socle et comblé par une soixantaine de mètres de matériaux fluviatiles ». Des essais de prospection électriques par la SEFE et sismique par CGG complétèrent ces sondages.
Cette campagne signa la fin des études du projet de Montpezat B.
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Fig. 14 Proposition de tracé de la galerie Allier – Arlempdes par P. Duffaut au nom du Service Géologie (1948) – Donnée inédite EDF. Drawing by P. Duffaut (1948): Proposals for Allier Arlempdes gallery – EDF unpublished. |
4 Conclusion
Les épigénies des cours d’eau sont à la fois recherchées et redoutées par les concepteurs de barrages. Les versants raides et rocheux des lits épigéniques sont recherchés car ils permettent d’optimiser le volume du barrage, donc ses coûts. Inversement, les lits fossiles associés à l’épigénie représentent des risques pour les objectifs du projet engendrés par des fuites de débits élevés, quant à la perte de productible ou la perte d’eau pour l’agriculture ou l’alimentation en eau potable, quand ils ne présentent pas un risque pour la sûreté hydraulique lors de la mise en eau ou la sécurité des travailleurs lors du percement des galeries souterraines
L’étude de ces épigénies est donc fondamentale dans l’étude d’un projet et doit être analysée dès la phase d’émergence, lors des études géologiques préliminaires. Les indices sont souvent ténus, et l’approche morphologique de principe de conservation de la pente des versants promue par Pierre Duffaut demeure un outil simple et efficace, éprouvé dans deux contextes géologiques différents pour optimiser l’implantation des campagnes de reconnaissances.
Les études menées à Monteynard et à Arlempdes permirent de poser les principes des études de risques associés aux lits fossiles. Ces études doivent préciser :
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La cote de fond des thalwegs fossiles, afin de confirmer l’absence de fermeture topographique dans le cheminement le long des lits fossiles ; ceci équivaut à définir la topographie du toit rocheux afin de localiser d’éventuels seuils souterrains à une cote supérieure à la cote projetée du futur réservoir ;
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Le niveau de la nappe hydraulique naturelle, afin de confirmer l’absence de fermeture hydraulique, car une piézométrie supérieure à la cote projetée du futur réservoir fera obstacle aux écoulements et garantira l’étanchéité ;
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Et, dans la configuration défavorable d’absence de fermetures topographique et hydraulique, d’acquérir les données d’entrée pour des calculs prévisionnels de fuite, c’est-à-dire de définir :
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La géométrie des contournements :
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relier les points d’entrée et les points de sortie pour définir la longueur du cheminement, et donc le gradient d’écoulement hydraulique moyen ;
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définir les sections du lit fossile, c’est-à-dire la topographie des versants souterrains ;
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La perméabilité équivalente le long de ces cheminements, ce qui reste probablement la donnée d’entrée la plus incertaine, notamment dans un contexte de dépôts glaciaires, fluvio-glaciaires et glacio-lacustres comme le Drac.
Les travaux de Pierre Duffaut et du Service Géologie d’EDF présentés dans cet article ont en outre permis d’affiner les connaissances géologiques et sont repris dans la carte géologique de la France.
Sur le Drac, ils ont été les premiers à démontrer l’existence de deux épigénies, qui ont ensuite pu être recherchées et mises en évidence sur toute la vallée du Drac, laissant Montjuvent (1978) écrire que « le Drac est la patrie des épigénies ». La communauté scientifique a peu à peu entériné une chronologie relative des deux lits fossiles, que Pierre Duffaut a toujours contestée. Ils ont également été les premiers à mettre en évidence plusieurs phases de dépôts caillouteux à l’intérieur des alluvions, notamment deux dépôts successifs pour les cailloutis de base, sur la base des levés inédits de Pierre Duffaut du remplissage du lit fossile du Drac de Cros, dans la galerie de reconnaissance.
Sur la Loire, l’abandon du projet d’Arlempdes n’aura pas permis de valider les hypothèses et un doute subsiste donc toujours entre l’hypothèse de lits fossiles associés à une épigénie de la Loire ou l’hypothèse d’affluents et de bassins fermés fossilisés par les coulées de basalte des plateaux.
Références
- Bordet C, Crosnier-Leconte J, Duffaut P. 1953. Séparation de deux anciens lits successifs dans la vallée du Drac à Monteynard (Isère). Bull (CRS) SGF III 221–223, 1 fig., 15/06. [Google Scholar]
- Bouiller R, et al. 1978. Carte géologique de la France au 1/50 000, feuille de Cayres. BRGM. [Google Scholar]
- Crosnier-Leconte J. 1948. Communication à la Société de Géologie du 20 décembre 1948 sur l’existence d’un ancien lit de la Loire dans la région d’Arlempdes. [Google Scholar]
- Crosnier-Leconte J. 1959. Note sur l’organisation des reconnaissances géologiques à l’Électricité de France. In: Colloque international tenu à l’université de Liège les 4 et 5 mai 1959. [Google Scholar]
- Lambert A, Montjuvent G. 1968. Quelques vues nouvelles sur l’histoire quaternaire de la vallée du Drac (note préliminaire). In: Extrait des Travaux du Laboratoire de Géologie de la Faculté des Sciences de Grenoble, tome 44. [Google Scholar]
- Montjuvent G. 1973. La transfluence Durance-Isère – Essai de synthèse du Quaternaire du bassin du Drac (Alpes Françaises). Géologie Alpine, tome 49. [Google Scholar]
- Montjuvent G. 1978. Le Drac : morphologie, stratigraphie te chronologie quaternaires d’un bassin alpin. CNRS. [Google Scholar]
Elle se compose de Gignoux (professeur de l’université et à l’École des ingénieurs-hydrauliciens de Grenoble) et Lory (sous-directeur honoraire du laboratoire de Géologie de l’Université de Grenoble), conseils de la SAEE, Moret (professeur de l’université et à l’École des ingénieurs-hydrauliciens de Grenoble) conseil de la Société des Forces Motrices Bonne & Drac, Lugeon (membre de l’institut de France, professeur honoraire à l’université de Lausanne) et Goguel (ingénieur en chef des mines, professeur de Géologie à l’École Nationale supérieur des Ponts et Chaussées, sous-directeur du service de la carte géologique de la France).
Citation de l’article : Guilhem Deveze. Lits épigéniques du Drac et de la Loire : conséquences pour les projets de barrages et tunnels. Rev. Fr. Geotech. 2021, 169, 7.
Liste des figures
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Fig. 1 Principaux chemins de fuites en rive droite de la retenue du Sautet, sur la base des reconnaissances réalisées ultérieurement par EDF – Données inédites EDF. Main leakage paths in the right bank of the Sautet reservoir, according to ground investigations performed by EDF – EDF unpublished. |
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Fig. 2 Coupe schématique de la vallée du Drac et de son affluent rive droite la Sézia, au niveau du lac du Sautet. Schematic geological cross section of Drac current stream and its fossil stream near the Sautet dam location. |
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Fig. 3 Coupe développée des falaises rive gauche des gorges du Drac, issue du projet de la SAEE de 1944 – Document inédit EDF. Longitudinal section of the left bank cliffs in the Drac gorges, from 1944 SAEE hydroelectric project – EDF unpublished. |
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Fig. 4 Photo de 1948 des gorges du Drac en amont du barrage d’Avignonet, montrant la « zone des entrées » du ravin du Cros. Le trait noir indique le sommet de la falaise liasique et le trait rouge la courbe de niveau 515, cote de la retenue projetée – Document inédit EDF. 1948 view of Drac gorges upstream to the Avignonet dam, showing the “inlets” of the fossil streams. Black line is the top of the Jurassic cliff and red line is the level 515 – EDF unpublished. |
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Fig. 5 Montage photographique de 1948 de rive gauche du Drac à l’aval du barrage projeté de Monteynard, montrant la « zone de sortie » des ravins de la Calmette (C), de Métraire (M), du Pivollet (P). En dessous, la limite du rocher et des alluvions indiquées approximativement par le trait rouge s’abaisse vers les ravins des Cattiers, indiquant que là l’ancienne vallée se rapproche de la vallée – Document inédit EDF. 1948 view of left bank of the Drac River downstream Monteynard dam, showing the “outlets” of “ravins de la Calmette” (C), “ravin de Métraire” (M), “ravin du Pivollet” (P). Red line is the top of the Jurassic cliff, gently pending towards the Drac River – EDF unpublished. |
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Fig. 6 Schéma illustrant le principe de base de la conservation de la pente des versants, permettant d’approcher la position des lits fossiles – Document de la main de P. Duffaut, inédit EDF. Drawing by P. Duffaut: Principle of constant slope of the versant used as a help to localize fossil streams – EDF unpublished. |
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Fig. 7 Schéma interprétatif de synthèse des connaissances et hypothèses de 1953 – Document de la main de P. Duffaut, inédit EDF. Interpretative view of assumptions and certainties concerning fossil streams localizations (1953) – EDF unpublished. |
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Fig. 8 Coupes chronologiques illustrant les deux épigénies successives du Drac – Document de la main de P. Duffaut, inédit EDF. Drawing by P. Duffaut assuming the successive epigenetic streams of the Drac River in the Monteynard region – EDF unpublished. |
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Fig. 9 En haut : nouvelle interprétation par Montjuvent (1973, modifiée) des deux épigénies ; en bas : interprétation initiale de 1953 de P. Duffaut et du Service Géologie EDF. A : argile ; S : silts ; G : galets ; V1 : première vallée ancienne du Drac ; V2 : deuxième vallée. Top: interpretation proposed by Montjuvent (1973, modified); down: interpretation proposed by EDF Geology department in 1953. A: clays; S: silts; G: gravels; V1: first fossil stream; V2: second fossil stream. |
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Fig. 10 Entrée de l’ancienne Loire dans le versant gauche de la Loire actuelle à Arlempdes (photographie de 1947). Le cours de la Loire se dirige de la gauche vers la droite au pied du versant. La diagonale de la photographie se superpose approximativement au contact entre le gneiss du socle à droite et des séries de coulées de basalte sensiblement horizontales à gauche (Crosnier-Leconte, 1959). 1947 view of the left riverbank of the Loire River in Arlempdes region, showing the inlet of the fossil stream. River flows from left to right. Red line superimposes gneissic rock (right) to horizontal volcanic flows (left) (Crosnier-Leconte, 1959). |
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Fig. 11 Emplacement des reconnaissances de 1948 pour les études du barrage d’Arlempdes axe A (Crosnier-Leconte, 1959). View of 1948 ground investigations of the Arlempdes A axis (Crosnier-Leconte, 1959). |
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Fig. 12 Extrait de la carte géologique originale du projet d’Arlempdes axe B, de la main de P. Duffaut (1951) – Donnée inédite EDF. Drawing by P. Duffaut (1951): Geological map of Arlempdes B axis – EDF unpublished. |
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Fig. 13 Coupe interprétative au droit du profil de trois sondages réalisés en rive gauche du projet d’Arlempdes B, de la main de P. Duffaut (1952) – Donnée inédite EDF. Drawing by P. Duffaut (1952): Geological cross section of Arlempdes B axis left abutment – EDF unpublished. |
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Fig. 14 Proposition de tracé de la galerie Allier – Arlempdes par P. Duffaut au nom du Service Géologie (1948) – Donnée inédite EDF. Drawing by P. Duffaut (1948): Proposals for Allier Arlempdes gallery – EDF unpublished. |
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